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Résumé
La recréation du personnage de Humpty Dumpty dans une chanson de H.F. Thiéfaine est le symbole d’une écriture polysémique qui joue avec les mots tant sur le plan sémantique où sont déclinées les acceptions variant avec les options de lecture qu’au niveau des associations intertextuelles dont le réseau complexe embrasse la totalité du corpus, faisant se répondre à des années de distances des séquences issues de textes différents voire à la thématique très diverse. Les modalités de réappropriation des constituants externes, mises en place sur le modèle de l’élaboration du palais du Facteur Cheval, s’appliquent également aux principaux exposants de la réflexion théorique sur l’écriture, dont les textes de l’auteur revisitent les divers postulats et concepts. Les écrits de Barthes, Debord, Isou, Deleuze/Guattari, Lacan, Henry Miller ou Philip K. Dick sont en effet présents de façon récurrente dans le discours thiéfainien en tant qu’éléments de la discussion poétologique menée au plan latent, mais alimentent aussi le discours explicite à travers leurs termes-clés respectifs, dont la redéfinition dans le corpus des chansons ouvre la voie à une appréhension exacte de la poétique de l’auteur.
Texte intégral
Recréant sous la forme comprimée et énigmatique propre à son écriture poétique une des figures les plus suggestives créées par Lewis Carroll dans De l’autre côté du miroir1, Hubert Félix Thiéfaine intègre « humpty dumpty » dans la constellation de sa chanson « sentiments numériques revisités » où la litanie des subordonnées temporelles introduites par « quand » débouche dans chacune des sept strophes du texte sur la déclaration finale « je n’ai plus de mots assez durs / pour te dire que je t’aime2 ». Au-delà de son adéquation immédiate au contexte spécifique de l’évocation – la célébration hymnique de l’Éros à travers les renvois successifs aux circonstances changeantes de son accomplissement –, la séquence « quand humpty dumpty jongle avec nos mots sans noms / dans le bourdonnement des câbles à haute tension3 » offre ici non seulement une description précise des modalités d’élaboration et d’agencement du discours poétique dans lequel elle est elle-même incluse, mais établit dans le même temps l’évidence de leur application pratique au niveau sous-jacent de l’expression multivoque, dans lequel la polysémie du discours à strates multiples s’instaure sur la base d’un référentiel intertextuel à l’importance essentielle, dans la mesure où la réappropriation d’un élément donné ne relève pas du seul clin d’œil dénué de toute valeur autre que signalétique, mais met au contraire en œuvre une dialectique complexe de détournement dont on se propose de détailler le fonctionnement dans le cadre du présent article. Ajoutons que même en l’absence d’une dimension proprement plurilingue qui viendrait commander son agencement discursif, la séquence citée inclut de par sa seule provenance l’éventualité voire la forte probabilité de la prise en compte de connotations issues de la sphère d’expression anglophone, qu’il s’agisse de rappels de la lettre même du texte de Carroll ou de la sollicitation du sens premier des deux termes réunis dans l’appellation à l’acoustique suggestive, telle qu’elle invite d’emblée à la dérivation-déclinaison associative. Notons en outre – en préalable à toute investigation des résonances poétologiques déductibles des vers cités – que l’attribution explicite des attributs ainsi appréhendés au seul « humpty dumpty » n’obère en rien la possibilité de leur extension à l’instance d’écriture, dans la mesure où la présence dont le « je » décèle l’intervention dans le déroulement des échanges verbaux se révèle au plan de l’organisation du discours comme dotée d’une qualité proprement auctoriale, qu’elle se confonde avec la réalité de la figure de l’auteur ou renvoie à une dimension plus vaste dont il ne s’agira nullement de chercher ici à préciser les contours.
L’activité de « jongler » à laquelle se livre ici « humpty dumpty » est évoquée à plusieurs reprises dans le corpus thiéfainien – dont on soulignera le caractère totalement organisé dans la suite de ces lignes, tel qu’il commande une interdépendance permanente de ses constituants les plus significatifs – en liaison avec une dimension aléatoire et menaçante, qu’il s’agisse du récit du protagoniste de « pulque mescal y tequila » précisant « j’ai confié mon âme à un gnome / qui jonglait sous un revolver4 » ou de l’évocation de la figure fatale dont l’apparition dans « une ambulance pour elmo lewis » scelle le destin du personnage : « n’est-ce pas lady black-out / là-bas au coin de l’infirmerie / qui joue les talent-scouts / & jongle avec nos veines meurtries5 ». S’il ne saurait être question d’entrer dans le détail des connotations véhiculées par les deux séquences qu’on vient de citer à titre d’exemples complémentaires, il est frappant de constater que l’association du verbe « jongler » à la figure de « humpty dumpty » fait directement écho à la définition que ce dernier donne de lui-même et de ses activités dans le texte de Carroll, où le pouvoir absolu qu’il revendique sur les mots – » la question est de savoir qui sera le maître, un point c’est tout6 » – se traduit essentiellement sur le plan de leur fixation sémantique, telle qu’elle s’effectue en fonction de sa seule volonté pour ne pas dire de son seul caprice : « quand moi, j’emploie un mot, […] il veut dire exactement ce qu’il me plaît qu’il veuille dire, ni plus, ni moins7 ». Dans la mesure où les « mots sans noms8 » évoqués par le discours thiéfainien se caractérisent par la dislocation radicale voire l’antagonisme entre leur profil énonciatif et leur accentuation sémantique – qui leur échoit d’ailleurs de façon aussi arbitraire qu’aléatoire dans la mesure où elle résulte explicitement de l’acte de « jongler » –, ils s’inscrivent délibérément en faux contre l’axiome selon lequel tout nom « veut dire quelque chose9 » – et auquel fait déjà exception le nom d’Alice, qualifié de « stupide » dans la mesure où il apparaît sans rapport direct avec la « forme » de celle qui le porte. La recréation du personnage de Humpty Dumpty dans le contexte du dialogue amoureux qui est celui de la chanson amène indirectement la logique instaurée par ce dernier à sa conséquence extrême – qui reste informulée dans le texte d’origine –, tout en intégrant sur le mode de la redéfinition implicite la constatation de la brisure ou plus exactement du fracassement sans remède dont est victime le personnage dans la chanson populaire sur laquelle se base la version de Carroll : la référence au personnage symbolique, devenue proverbiale en anglais pour désigner un objet fragile ou une situation précaire10, est transposée dans le vers de Thiéfaine au sort des « mots » eux-mêmes, qui se voient réduits par la manipulation que leur fait subir « humpty dumpty » à l’état de fragments voire de « pièces détachées11 », puis voués sur la base de cette distorsion qui les prive de leurs « noms » à une recomposition spécifique, dont la pleine appréhension fait s’effacer les modalités de l’échange érotique devant celles propres à l’élaboration de l’énoncé poétique : la réécriture de la scène prend sa pleine dimension au plan cryptique où se déploient ses implications poétologiques, révélant du même coup la nature authentiquement polysémique du discours thiéfainien et la place essentielle dévolue dans la superposition de ses strates multiples à la réflexion sous-jacente qui se met en place autour du processus de l’écriture artistique.
C’est également le renvoi à « humpty dumpty » qui rend tangible l’évidence d’une telle organisation à plusieurs niveaux de l’expression thiéfainienne, dans la mesure où le vers cité inclut dans son halo associatif un autre aspect essentiel de l’exposé fait par le contradicteur d’Alice. Alors que celle-ci s’étonne devant le foisonnement des accentuations sémantiques prêtées à un terme unique – » c’est vraiment beaucoup de choses que vous faites dire à un seul mot12 » –, Humpty Dumpty riposte en érigeant au rang d’un principe absolu l’affirmation de la multivocité des vocables, dont il apporte immédiatement la démonstration métaphorique : « vois-tu, c’est comme une valise (portmanteau) : il y trois sens empaquetés en un seul mot13 ». Renouant avec l’usage intensif des portmanteau-words tel qu’il est pratiqué dans les œuvres de Shakespeare, le postulat linguistique défendu par le personnage de Carroll trouve une possibilité d’application récurrente dans sa réappropriation par Thiéfaine, qui met ici à profit l’occasion de signaler de façon quasi explicite son adhésion à la conception polysémique de l’écriture qui prévaut dans l’ensemble de sa création. Tout aussi révélatrice de la priorité accordée à la théorie du sens multiple apparaît ici la reprise du terme-clé du discours de Humpty Dumpty rencontrée dans le texte de « whiskeuses images again » dont le protagoniste se retrouve « le cul poisseux dans le caniveau / à baiser mon portemanteau14 ». Si la lecture littérale axée sur la peinture de débordements alcoolisés et sexuels invite à une appréhension obscène du processus décrit en termes à la crudité calculée, la reconnaissance du sens spécifique du « portemanteau » induit tout aussi logiquement le basculement vers la dimension poétologique de l’énoncé cryptique : en se révélant comme la traduction de l’aporie qui résulte le cas échéant de la surexploitation de la composante multivoque, l’indépassabilité de la limitation au « portemanteau » prend le caractère inattendu d’un enfermement tautologique qui revêt lui-même une connotation auto-érotique, la parfaite coïncidence des accentuations conjointes étant tout aussi repérable au plan latent du discours qu’au niveau de son expression de surface.
Complétant les références aux points de vue développés par Humpty Dumpty, la maxime d’inspiration analogue « occupez-vous du sens, et les mots s’occuperont d’eux-mêmes15 » énoncée par la Duchesse dans Alice au pays des merveilles trouve un écho aussi direct que significatif non pas dans les textes mêmes de Thiéfaine, mais dans les déclarations relatives à sa vision de l’écriture poétique. De façon aussi inattendue que profondément cohérente – ainsi que l’impose la pratique thiéfainienne de la contamination des références dont on détaillera plus loin les modalités de fonctionnement –, le constat lapidaire « les mots se débrouillent entre eux16 » énoncé par l’auteur fait surgir l’autre avatar du personnage de Humpty Dumpty incarné par Al Miller, le personnage central du roman de Philip K. Dick Humpty Dumpty à Oakland qui se voit reprocher sa passivité constante : « Tu n’es qu’un Humpty Dumpty, dit Tootie. Tu restes là, sans rien faire, pendant que tout te tombe dessus. Comme Humpty Dumpty, tu te perches sur un mur et tu regardes. Alors, comme ça, maintenant tu n’as même plus de femme. Une gentille femme comme ça17. » Si l’allusion à la perte de la partenaire féminine apparaît comme un contrepoint négatif à l’évocation de l’Éros développée tout au long du texte de « sentiments numériques revisités », l’attitude de repli adoptée par Al Miller / Humpty Dumpty trouve son aboutissement pratique dans la mise en retrait volontaire de l’auteur face à la dynamique de combinaison multiple qui préside à l’agencement des mots au sein de l’énoncé poétique, et dont le caractère autonome est respecté tout au long du processus créateur. Un tel parti pris de non-intervention se voit confirmé par Thiéfaine dans la réponse tout aussi affirmée qu’il apporte à une question concernant la répartition des priorités entre le sens et le son : « Le son ! Le sens, pour moi, c’est pas intéressant. J’adore le nonsense anglais, ça jaillit, c’est comme l’humour, ça réconforte18. » Comme les « mots » de la traduction française des paroles prononcées par la Duchesse, les « sons » rappelant les termes de l’alternative originale – qui oppose chez Carroll sounds et sense19 – constituent aux yeux de Thiéfaine l’élément déterminant d’un processus de création qui se réclame par ailleurs explicitement du patronage anglophone – la suite de l’interview cite le modèle de Joyce –, tandis que l’apparition du « sens » – ou tout aussi bien son éventuelle absence – se voit d’emblée reléguée au rang d’un simple effet secondaire, auquel il serait donc inadéquat de vouer une attention exclusive. Le corollaire naturel du primat accordé aux « mots » se matérialise à travers la métaphore animalière » je suis une sorte de limace qui sécrète des chansons dans sa trace20 », qui maintient l’affirmation d’une immédiateté première du phénomène ainsi décrit en dépit de la complexité tout aussi évidente qui entre en jeu lors de sa mise en œuvre. C’est de cette dimension complémentaire dont fait état la formulation évoquant « l’alchimiste de sa propre métamorphose21 », dont la solennité apparente est démentie par la tonalité auto-ironique qui prévaut dans l’ensemble des désignations élaborées par l’auteur à cette occasion spécifique, la nouvelle édition intégrale de ses chansons réalisée pour l’année anniversaire 2018 lui offrant la possibilité d’un retour sur sa propre activité et les postulats qui régissent celle-ci.
La revendication réitérée de sa position de « cracheur de mots22 » conduit Thiéfaine à identifier la racine de sa démarche créatrice « à partir du moment où on aime les mots, où on joue avec et où on en vit23 ». Tandis que la suite des réflexions développées dans cette interview de mai 2018 fait entrer en jeu son intérêt récurrent pour « la poésie et la littérature » en tant que substance première de sa pratique d’écriture – » donc je m’en nourris24 » –, il paraît cependant indiqué de s’attarder tout d’abord sur le recours au terme « jouer » qui n’est pas uniquement sollicité dans le but descriptif et explicatif propre au contexte de l’entretien cité, mais dont l’utilisation dans le corpus des chansons établit au contraire fréquemment la fonction de renvoi latent aux conditions d’élaboration du discours poétique. Si les dimensions du présent article interdisent une prise en compte exhaustive des occurrences de « jouer » ou de « jeu » laissant apparaître une telle possibilité de réaccentuation poétologique, on peut cependant évoquer à titre d’exemple particulièrement représentatif le refrain de « cabaret sainte-lilith » qui ponctue la succession des couplets de la formule « ça joue ça jouit25 » dont la séquence finale propose en outre une répétition quasiment ad libitum. Les deux verbes s’inscrivent certes au premier abord de façon évidente dans le contexte des débordements variés dont la déclinaison occupe l’essentiel du discours de la chanson – le verbe « joue » renvoyant tout autant aux différents jeux sexuels ou relevant des « paradis artificiels » qu’à l’activité du « pingouin qui souffle ses poumons / à travers un saxo branché sur du mélo26 », tandis que le « ça jouit » semble pouvoir s’appliquer indifféremment à l’ensemble des comportements pratiqués au sein du « cabaret ». À l’instar cependant du « dérèglement de tous les sens27 » rimbaldien, dont Thiéfaine renouvelle le programme multivoque à travers le vers d’« annihilation » » je dérègle mes sens & j’affûte ma schizo28 », la polysémie du « ça joue ça jouit » véhicule au plan latent du discours une lecture alternative à la pertinence saisissante, et dont la relevance poétologique ne saurait de surcroît faire aucun doute : dans la mesure où la séquence en question reproduit sous forme comprimée l’essentiel des positions exposées par Roland Barthes dans le Plaisir du texte, il est indiqué non seulement d’identifier les résonances renvoyant aux développements contenus dans le texte théorique, mais surtout d’explorer les dimensions spécifiques de la réflexion de Barthes qui se voient sollicitées à travers les modalités de réappropriation implicite mises en œuvre dans l’écriture de la chanson.
La première constatation qui s’impose est celle de la correspondance absolue qui se fait jour entre le « ça joue ça jouit » thiéfainien et le « ça granule, ça grésille, ça caresse, ça râpe, ça coupe : ça jouit29 » par lequel se conclut le traité de Barthes. Au-delà de la littéralité du renvoi et de l’identité de la place qui échoit à la formule « ça jouit » en tant que point final de chacun des deux textes – ou de chaque couplet dans le cas de « cabaret sainte lilith » –, il faut noter déjà que la déclinaison des effets sonores qui culmine dans le « ça jouit » concerne la possibilité d’un « cinéma [qui] prenne de très près le son de la parole » dans le but de « déporter le signifié très loin30 ». Les présupposés qui commandent le projet artistique de Thiéfaine présentent ainsi une affinité essentielle avec la réflexion de Barthes, puisque celle-ci s’inscrit dans le cadre général d’une priorité accordée à « l’articulation du corps, de la langue, non celle du sens, du langage31 ».
La poursuite de l’investigation du halo associatif du « ça joue ça jouit » amène un résultat tout aussi fructueux en ce qui concerne le verbe « jouer » dont on a précédemment noté la dimension polymorphe que lui assigne régulièrement Thiéfaine, mais dont seule la perception du renvoi sous-jacent au texte de Barthes – d’après lequel précisément « “jouer” doit être pris […] dans toute sa polysémie32 » – permet d’appréhender la fonction de référence latente au processus même de l’écriture et/ou de sa réception. Le « ça joue » de la chanson apporte de fait un écho direct à la constatation initiale « le texte lui-même joue (comme une porte, comme un appareil dans lequel il y a du “jeu”)33 », tout en en modifiant les implications connotatives par le seul fait du double parallélisme structurel et acoustique apporté par l’association avec le « ça jouit ». L’indécision propre au « ça », qui se limite chez Barthes au sujet du processus de la jouissance tel qu’il est évoqué à la fin du Plaisir du texte, s’étend chez Thiéfaine au support de l’action de « jouer » qui dépasse ainsi jusqu’à l’horizon du « Texte », alors même que les caractéristiques assignées par Barthes à ce dernier se retrouvent à l’identique dans les différents constituants du corpus des chansons : le « jeu » en tant qu’oscillation ou flottement sémantique nimbant l’ensemble des énoncés thiéfainiens fait partie intégrante des manifestations du « ça joue » tout en incluant d’autres facteurs tels qu’on peut les retrouver pris séparément chez Barthes : en témoigne notamment la description du rôle réservé au lecteur, qui « joue au Texte » mais surtout « joue le Texte », cette dernière indication se voyant assortie de la précision « il ne faut pas oublier que “jouer” est aussi un terme musical34 ». La globalité même du « ça joue » réunit le texte – sans oublier sa réalisation musicale – et celui auquel il est confronté dans une même dynamique d’appropriation-assimilation qui apparaît comme le correspondant exact de la jouissance en tant que point d’aboutissement du processus, et que la formulation de Thiéfaine assigne de façon tout aussi indifférenciée à l’ensemble des acteurs du processus. La même résonance poétologique s’attache aux vers de « première descente aux enfers par la face nord » « on devrait s’amuser / à détraquer l’ennui / à tout mettre en danger / devant notre folie35 » dans lesquels se manifeste – en écho anticipé et inversé au « ça joue ça jouit » – la réponse implicite à la réflexion autour de « l’ennui » – défini comme sentiment « que beaucoup éprouvent devant le texte moderne36 » – exposée par Barthes : « s’ennuyer veut dire qu’on ne peut pas produire le texte, le jouer, le défaire, le faire partir37 ». Indépendamment des autres possibilités de lecture de « l’ennui » déductibles de la formulation de Thiéfaine – et abstraction faite également des remèdes que le texte de la chanson se propose d’y apporter –, le projet de « détraquer l’ennui » lu à la lumière du Plaisir du texte apparaît comme le rétablissement de la possibilité de « jouer » avec le texte, ou de faire à nouveau « jouer » ce dernier en prenant conscience de sa polysémie irréductible à toute offre de sens univoque. Le choix du verbe « s’amuser » en tant que substitut de « jouer » renforce la proximité avec l’argumentation de Barthes tout en accentuant de façon exclusive la seule dimension ludique de l’entreprise, dont la dimension de remise en question du consensus existant et demeurant généralement inquestionné – et de ce fait générateur d’ennui ainsi que le démontre Barthes – échoit au verbe « détraquer » complété des indications de même tonalité « mettre en danger » et « folie ». La variation sur le même thème contenue dans le texte de 2001 « comment j’ai usiné ma treizième défloration » – dont le seul intitulé révèle d’emblée l’adhésion à la démarche inaugurée par les formalistes russes – met tout aussi délibérément en exergue la dimension de subversion qui s’attache par définition à l’entreprise thiéfainienne : la notation « je suis le prestataire de service qui pirate tous les systèmes38 » amène à un paroxysme provocateur la logique du « jeu » telle que la détaille Barthes, tout en dépassant la position de ce dernier par le biais de la contamination latente avec le principe du détournement revendiqué par Guy Debord. On se bornera à signaler à cet endroit du présent article l’existence du dialogue continu et fructueux entretenu par le « véritable poète néo-situationniste39 » qu’est Thiéfaine avec les thèses défendues par l’auteur de La Société du spectacle, réservant pour la suite de ces lignes un examen plus approfondi des implications poétologiques mises en œuvre à travers le recours à cette nouvelle référence, dont on tient à souligner déjà l’importance essentielle qu’elle présente pour l’élaboration du projet thiéfainien.
Sans vouloir ni pouvoir entrer dans le détail de la relecture de Barthes développée au plan sous-jacent du discours thiéfainien, on peut cependant compléter la première approche réalisée ici par un regard sur le traitement dont fait l’objet dans le corpus des chansons la métaphore de la « rature », telle qu’elle est utilisée par Barthes pour exprimer l’essence de la littérature et plus spécialement de l’activité de création littéraire. Dans la lignée de l’aphorisme de provenance orale « la littérature, c’est de la rature40 », la sollicitation du terme dans les textes de Thiéfaine s’ouvre régulièrement à une redéfinition sous l’angle poétologique dont il faut toutefois noter d’emblée qu’elle va de pair avec la recréation de la formule imagée utilisée par Plutarque dans la Consolation à sa femme, texte écrit pour adoucir le chagrin provoqué par la mort de la fille en bas âge du couple : « Il ne faut pas que nous tombions dans ce défaut en calomniant notre propre existence, parce que, dans le livre de notre vie, il s'est trouvé une seule rature [ἀλοιφή], alors que tout le reste est pur [καθαρός] et intact [ἀκεραίος]41 ». L’oscillation récurrente entre la dimension du défaut ou du manque soulignée par Plutarque et celle de la réitération-correction à visée créatrice relevée par Barthes constitue ainsi la caractéristique commune à l’ensemble des occurrences du vocable rencontrées dans les chansons de l’auteur, dont l’analyse de détail révèle tour à tour la prédominance d’une des deux accentuations concurrentes ou au contraire leur renforcement mutuel.
Dans la mesure où le vers « les rires sont des ratures qui s’attirent et saturent42 » transpose l’impression ressentie par le protagoniste de « droïde song » errant « dans l’odeur des cités aux voiles d’hydrocarbures43 » sur le plan d’une triple correspondance acoustique – allitération, homophonie et assonance du i et du u –, les « ratures » participent de la confusion des sonorités exigeant – dans l’esprit même du fonctionnement décrit par Barthes – le retour incessant sur les formules précédemment énoncées dans le but de leur assurer une précision maximale, qui maintient cependant jusqu’au bout son ambiguïté de principe telle qu’elle découle de la dynamique de permutation permanente instaurée dans le cadre de l’énoncé. La connotation négative des « ratures » – reflétant la lecture plutarquienne du terme – est toutefois tout aussi perceptible, conférant aux « rires » une dimension d’agressivité aspirant à l’élimination de toute présence ressentie comme dérangeante. Un constat similaire est suggéré par le distique « & des mains maladroites & moites au soir trop chaud / raturent les fantaisies de schuman au piano44 » rencontré dans « des adieux… » : la reprise réitérée des passages les plus ardus de la partition constitue d’un côté la condition première de sa recréation – de même que seul le brouillon aux multiples ratures est pour Barthes à l’origine de la perfection de l’œuvre achevée – mais en détruit de l’autre l’harmonie initiale, qui devient méconnaissable sous l’effet de la déformation – soit de la dévalorisation inhérente à la « rature » plutarquienne – qui résulte des manques ou des approximations de l’exécution.
Signe d’une réappropriation créatrice – et en même temps exacte jusque dans le détail de sa mise en œuvre – de la conception de la littérature en tant que « rature », la déclinaison du motif prend une forme particulièrement élaborée dans « camélia / huile sur toile » où elle adopte elle-même le profil visuel et acoustique d’une « rature » au sens barthésien du terme. Placés respectivement en tête du premier et du dernier couplet, les deux distiques « camélia & rature fœtale / sur l’agenda des mots perdus45 » et « camélia & rature finale / sur l’agenda des mots perdus46 » se présentent comme deux versions concurrentes d’un même énoncé dans lequel seuls diffèrent les adjectifs épithètes, qui s’opposent sur le plan sémantique tout en restant liés par leur proximité acoustique. Si la substitution de « finale » à « fœtale » reflète la progression naturelle qui conduit du début à la fin du texte, chacune des deux lectures apparaît en réalité comme un possible correctif à la formulation antagoniste qu’elle infléchit implicitement vers sa dimension complémentaire, le processus pouvant alors tout aussi bien s’effectuer « à rebours47 » du cours habituel de la lecture puisqu’il fait coexister les accentuations opposées dans la simultanéité ou l’intemporalité de l’entrelacement implicite. La recréation adéquate de la théorie de Barthes se double cependant d’une remise en question sous-jacente de la notion même de brouillon telle qu’elle commande par définition la conception de la « rature », et à laquelle Thiéfaine oppose de propos délibéré une esthétique de la « permutabilité » et de la « mutation48 » qui trouve sa réalisation dans les incessantes réécritures textuelles et musicales qui jalonnent ses concerts, témoignant du refus de principe opposé à l’établissement de toute version définitive en dépit du travail constant de réécriture dont témoignent les états successifs d’un texte dans les phases d’écriture précédant sa publication dans le livret d’un album49. Au lieu d’établir une hiérarchie évidente qui s’élèverait de l’esquisse préliminaire et « fœtale » à la version de dernière main seule digne de l’appellation de « finale », le balancement « fœtale » / « finale » élève la supposée ébauche au même rang que le prétendu aboutissement et abolit ainsi toute différence de statut au profit d’une oscillation permanente issue de modifications presque indiscernables, en lien étroit avec le projet spécifique de la chanson dédiée « à charles belle ». L’agencement des formulations verbales reflète le procédé pictural qui fait surgir la fleur représentée de l’accumulation des touches de couleur a priori imperceptibles, derrière lesquelles « se cache un monde sensuel, souvent sexuel, parfois inquiétant et noir…50 », ainsi que le remarque Thiéfaine qui ajoute à ce propos : « avec “camélia / huile sur toile”, j’ai essayé d’appliquer à la chanson la méthode de charles belle51 ». Concernant la dimension dépréciative de la « rature » telle qu’elle ressort de la méditation de Plutarque, la seule mention de « l’agenda des mots perdus » en tant que le cadre accueillant les deux manifestations du phénomène suffit à en établir la présence : l’imperfection caractéristique de la « rature » est encore aggravée par la dimension de manque qui s’attache inévitablement à la fonction assignée à « l’agenda » qui ne peut éveiller à une nouvelle existence les « mots perdus » conservés ou restitués dans ses pages, tandis que la formulation oxymorique embrasse cependant dans une même expression l’inanité manifeste de l’entreprise et l’urgence de sa réalisation décelable par le biais de la lecture étymologique du latin agenda renvoyant à « ce qui est à accomplir ».
Les deux autres formulations thiéfainiennes faisant appel au terme « rature » renouvellent la totalité du halo connotatif décelé dans les cas précédents tout en l’élargissant de façon notable par la mise en place d’un jeu subtil de résonances supplémentaires renvoyant non seulement à la définition barthésienne de la littérature, mais plus spécifiquement au texte intitulé La rature écrit par Barthes « à propos des romans de Jean Cayrol52 ». La caractérisation du « monologue cayrolien » comme « parole dénégatrice, dont la fonction n’est pas de nier les fautes, mais d’une façon plus élémentaire, moins psychologique, de raturer sans cesse le temps53 » trouve un écho immédiat dans « special ado sms blues » où la remarque « le temps perd ses tristes ratures54 » dépasse la seule similitude d’expression avec l’assertion de Barthes pour prendre la forme d’une remise en question de celle-ci décelable d’emblée dans l’inversion de la perspective, à travers laquelle les « ratures » sont ici présentées comme abolies et non plus dotées de la persistance ineffaçable que leur attribue la description de l’écriture de Cayrol. Dans la mesure cependant où les « ratures » disparues sont expressément qualifiées de « tristes », le phénomène auquel assiste le personnage de la chanson rejoint paradoxalement l’étape suivante de la réflexion de Barthes, qui s’attache à préciser la nature spécifique de « la rature cayrolienne » : « le narrateur ne cherche pas à gommer ce qui existe, à faire l’oubli sur ce qui a été, mais bien au contraire à repeindre le vide du temps de quelques couleurs pleines, à repasser sur les trous de sa mémoire un souvenir inventé, destiné bien moins à l’innocenter […] qu’à lui faire rejoindre le temps des autres, c’est-à-dire à l’humaniser55. » Dans la mesure où ces lignes font surgir la possibilité d’une conséquence positive d’une telle utilisation de la « rature », la constatation thiéfainienne d’une disparition des « tristes ratures » s’harmonise au plan sous-jacent et poétologique du discours avec l’idée de « ratures » porteuses in fined’un potentiel vivificateur, seules étant éliminées ici celles qui ne satisfont pas à une telle condition et dont l’adolescent de la chanson en proie aux craintes caractéristiques de son âge – » je suis seul dans ma peur en solo56 » – et en quête d’expériences inédites – » je débloque au golgotha / & je partouze chez les angels57 » – salue à bon droit l’effacement. Faisant suite à l’émancipation par rapport à l’inexorabilité répétitive de l’écoulement temporel incarnée par les « tristes ratures », la constatation symétrique « la terre prend de la distance58 » va de même dans le sens d’un transcendement du référentiel spatial, parachevant la dynamique libératrice initiée au bénéfice du protagoniste. Pour peu qu’on en décrypte les implications d’ordre métaphysique masquées au niveau du discours de surface par l’apparente crudité de l’expression métaphorique, la suite de la strophe « je me sens comme une bavure / d’un dieu crevant de son silence59 » renvoie enfin à la prise de conscience par le personnage de sa propre nature d’émanation de la divinité, telle qu’elle est d’ailleurs confirmée par anticipation par l’invocation « au nom de mon nom60 » placée précisément en exergue de l’aveu de la « peur », et qui recrée au plan de l’équivalence symbolique l’expérience vécue par Jésus à Gethsémani.
C’est également à partir de l’évocation de la mémoire ou plus exactement de la perte de celle-ci qu’un lien direct s’établit entre les développements consacrés par Barthes à la version cayrolienne de la « rature » en tant qu’antidote à l’action destructrice des « trous de mémoire » et la chanson « l’étranger dans la glace » qui renvoie du propre aveu de l’auteur61au thème de la maladie d’Alzheimer. Reflétant idéalement la remarque de Barthes « Tout roman de Cayrol pourrait s’appeler Mémoires d’un amnésique62 », les strophes du texte et notamment le refrain « ma mémoire s’efface63 » transcendent cependant les circonstances propres à l’univers de la maladie pour faire de la « perception discontinue et comme sautée » ou du « temps mangé, grignoté insidieusement par places64 » le signe le plus évident de la désorientation permanente issue elle-même du sentiment d’étrangeté propre à la condition humaine, ainsi qu’en témoigne l’écho immédiat apporté par le titre de la chanson à l’évocation camusienne de l’absurde incarné par la vision de « l’étranger qui, à certaines secondes, vient à notre rencontre dans une glace65 ». La lecture alternative autorisée par la polysémie de la « glace » – et qui est en outre directement corroborée par les vers « le vent glacé sur mon sourire / laisse une traînée de buée66 » – véhicule une connotation symbolique tout aussi révélatrice, puisqu’elle renvoie au statut d’« étranger dans la glace » au sens littéral du terme réservé aux défunts cryogénisés dans les romans de Philip K. Dick, dont on pourra constater plus loin la double importance capitale qui leur revient dans l’élaboration du projet thiéfainien à fois sur le plan plus immédiatement constatable de l’intertextualité et au niveau proprement cryptique des implications poétologiques. L’apparition dans Ubik de la figure d’Ella Runciter « debout dans son cercueil transparent, enrobée dans un effluve de brume glacée67 » et dont « l’activité cérébrale » se limite à « des pensées circulaires sans importance, des fragments du rêve mystérieux dans lequel elle résidait désormais68 » présente une analogie suggestive avec le portrait que trace de lui-même le protagoniste de la chanson assistant à la déréliction de ses « molécules en détresse69 » et pour lequel « la valse des nuits & des jours / se perd dans un murmure discret70 » – remarquons ici que l’acception étymologique de « discret » renvoyant au latin discretus et à l’idée de « séparation » souligne le morcellement fondamental des impressions psychiques et sensorielles dépeint dans le roman et également diagnostiqué par Barthes. L’acception de la « glace » renvoyant au gel et au froid se situe par ailleurs dans une proximité tout aussi nette avec l’essai de Barthes et son évocation d’une « image plus désespérante encore, celle d’un certain froid71 », la « crispation frileuse » étant alors reconnue justement comme appartenant en propre à « l’oubli72 » : la corrélation entre le vent, le froid et l’oubli, telle qu’elle imprègne le discours de celui qui se définit lui-même comme « l’étranger dans la glace73 », reflète la constellation déclinée par Barthes en tant que lecteur des romans de Cayrol, de l’affinité récurrente entre le froid et l’oubli – » ce froid retenu, c’est […] un vent oublié74 » – à la constatation de l’impact blessant et douloureux qui émane du vent : « le vent est toujours aigrelet : il blesse légèrement, mais plus sûrement que le grand froid75 ». Compensant de façon paradoxale l’effondrement des repères vécu par le personnage, le double effet apaisant voire salvateur de l’amnésie est également dépeint en résonance totale avec les réflexions de Barthes, tout d’abord dans le distique « la brume adoucit les contours / des ratures sur mes triolets76 » où le recours à la catégorie de la « rature » voit son accentuation poétologique encore renforcée par l’association avec les « triolets » dont la nature peut en outre être aussi bien perçue comme littéraire que comme musicale. La concordance avec l’aspect négatif de la « rature » prise au sens plutarquien du terme est tout aussi saisissante, l’oubli en tant que remède suprême prôné par l’Antiquité gréco-latine se révélant logiquement comme seul à même de mettre un terme à l’imperfection comme à la laideur incarnées par la « rature ». En revanche, les déplacements d’accents dont s’accompagne la réappropriation de l’analyse barthésienne conduisent à l’invalidation des développements concluant à une inversion positive des conditions initiales, qu’il s’agisse de l’âpreté du vent ou de l’effacement des couleurs. Alors que Barthes repère chez Cayrol la présence d’une certaine « chaleur » jusque « sous l’aigre et le pointu du vent, derrière l’oubli qui décolore les choses77 », les résonances éveillées par sa remarque dans le texte de Thiéfaine vont à l’encontre des constatations énoncées dans celle-ci même dans le cas où elles semblent en adopter le profil énonciatif. « le vent glacé sur mon sourire78 » persiste ici inchangé dans son effet du seul fait que rien ne vient le démentir dans la suite du texte, tandis que les vers de la dernière strophe « les matins bleus de ma jeunesse / s’irisent en flou multicolore79 » ne reproduisent qu’extérieurement le diagnostic précédemment cité témoignant d’un désir ou d’une capacité à « repeindre le vide du temps de quelques couleurs pleines, à repasser sur les trous de sa mémoire un souvenir inventé80 » : loin de laisser supposer l’instauration d’une quelconque plénitude imaginaire, ils témoignent au contraire d’un progrès irrésistible de la dynamique de confusion mentale, qui s’inverse ici en apparence – masquant provisoirement la perte définitive des souvenirs du passé – en un phénomène d’enrichissement du spectre des couleurs comme de rayonnement accru de celui-ci. Abstraction faite de sa teneur par trop réconciliatrice, et comme telle impropre à l’application au texte de « l’étranger de la glace » comme à l’ensemble du corpus thiéfainien qui se refuse au postulat d’un quelconque « sens de vivre », l’appréciation finale portée par Barthes sur la production de Cayrol offre enfin une intéressante perspective de recoupement avec les priorités artistiques qui régissent le projet de Thiéfaine, dans la mesure où elle place au premier rang le processus d’écriture en tant que portant en lui-même sa légitimation et transcendant de ce fait tous les autres aspects relevant du contenu proprement dit : « conduit jusqu’au bord du froid et de l’inutile, tout lecteur de Cayrol se retrouve en même temps doué d’une chaleur et d’un sens de vivre, qui lui sont donnés par le spectacle même de quelqu’un qui écrit. Aussi, ce qui peut être demandé au lecteur, c’est de se confier à l’œuvre non pour ce qu’elle porte de philosophie, mais pour ce qu’elle porte de littérature81. »
La redéfinition des « trous de mémoire », telle qu’elle résulte pour Barthes de l’usage des « ratures » caractéristique de l’écriture de Jean Cayrol, prend une importance marquante dans le discours thiéfainien qui interroge – y compris en l’absence du terme « rature » – le paradoxe de la dynamique de création surgie inopinément des défaillances de la fonction mnésique, ainsi que l’évoque le début de « critique du chapitre 3 » : « & les roses de l’été / sont souvent aussi noires / que les charmes exhalés / dans nos trous de mémoire82 ». Dans la mesure où la dimension poétologique de la séquence est établie d’entrée par la mention des « charmes » dans leur acception d’origine renvoyant au latin carmen, la dialectique du souvenir et de la réminiscence s’affirme comme un facteur de premier plan de la démarche d’écriture jusques et y compris dans les modifications qu’est appelé à subir le substrat fourni par la mémoire, dont on va maintenant passer en revue les principales pour compléter les « prolégomènes » exposés dans ces lignes. Soulignons d’abord l’existence de deux possibilités concurrentes – mais également complémentaires – entre lesquelles l’analyse du discours n’a pas vocation à trancher, dans la mesure où elle s’attache essentiellement à appréhender puis à décrire les caractéristiques objectivement repérables des œuvres étudiées telles qu’elles se présentent aux yeux du lecteur, et non à entrer dans les étapes de leur élaboration sous l’angle de la part qu’y prennent respectivement la supposée intention de l’auteur et l’action de son inconscient.
On notera au préalable que le « trou de mémoire » débouchant sur la restitution lacunaire, déformée ou aléatoire d’éléments précédemment mémorisés intervient par définition dans le cadre d’une acquisition approfondie et continue de références dont on n’examine ici que celles relevant de la littérature ou de la sphère culturelle en général, sans vouloir pour autant dénier l’importance qui peut échoir aux apports issus de l’expérience biographique. Thiéfaine fait ainsi suivre les propos déjà cités « à partir du moment où on aime les mots, où on joue avec et où on en vit » de la conclusion qui s’impose : « on ne peut pas échapper à la poésie et à la littérature. Donc je m’en nourris83. » L’ampleur du réseau des correspondances intertextuelles, tel qu’on en vient d’en esquisser les contours à partir de la réappropriation de Humpty Dumpty ou de la réécriture de l’essai de Barthes, est décelable dans le même entretien où est dressé un catalogue aux constituants évocateurs, et en même temps cités sous l’inspiration du moment et à ce titre susceptibles de se voir remplacés dans un autre contexte par d’autres listes tout aussi riches de résonances, dont la réunion supposée serait cependant encore très loin de correspondre à des « inventaires84 » exhaustifs, tels que se propose de le réaliser le projet global dans lequel s’inscrit la présente contribution : « En littérature, tout m’intéresse et comme j’aime avoir une vision à 360 degrés et que je lis toujours plusieurs bouquins à la fois, je mélange facilement les époques, les langues et les styles. Donc je peux lire Homère avec Philip K. Dick, Jim Harrison avec Proust, Lucrèce avec Bret Easton Ellis et Thomas Mann avec Bukowski, etc.85 ». L’exploration de l’intertextualité et surtout des modalités de sa mise en œuvre – seule approche réellement envisageable dans le cadre du présent article – implique donc – outre l’identification des références sollicitées plus ou moins directement dans le discours poétique de l’auteur – une retranscription le plus exacte possible des divers processus d’intégration ou de réappropriation des éléments extérieurs, dont la déclinaison modifiée apparaît métaphoriquement assimilable à la dynamique déclenchée sous l’effet des « trous de mémoire ».
Qu’elles apparaissent comme le résultat d’un calcul au moins partiellement conscient comme que le suggère le protagoniste de « toboggan » se présentant sous les traits d’un « trafiquant de réminiscences86 » ou qu’elles relèvent pour une large part de la mise en pratique « mécanique87 » – et donc issue de la dynamique d’organisation inhérente au discours en tant que système autonome –, les transformations du substrat intertextuel sont régies par un certain nombre de principes de structuration dont on peut signaler ici seulement les principaux, entendu qu’ils sont pris dans un rapport d’entrelacement permanent non seulement entre leurs deux domaines d’action mais avec le système de l’intertextualité qui commande les modalités de leur utilisation. L’« acrobatie verbale88 » d’inspiration debordienne mais aussi lacanienne repose sur le processus de la substitution ou de la permutation homophonique, qui induit elle-même systématiquement une mise en perspective voire un questionnement implicite de la référence intertextuelle qui se trouve à la base du processus de recréation. C’est ce qui se produit pour la citation de l’Ecclésiaste « il y a un temps pour l’amour et un temps pour la haine » mentionnée en exergue de « critique du chapitre 3 » et qui en explicite du même coup l’intitulé, avant de faire l’objet d’un détournement évocateur dans le refrain « pour un temps d’amour / tant de haine en retour89 ». La succession du « temps pour la haine » et du « temps pour l’amour », telle qu’elle est établie par le texte biblique, se voit carrément annulée dans la réécriture thiéfainienne par la transposition du plan temporel au plan quantitatif du « tant » qui se retrouve de plus attribué au seul facteur » haine ». A contrario, la persistance de l’association de l’« amour » avec la sphère du « temps » apparaît désormais comme l’indice de sa fragilité et de son caractère éphémère, puisqu’elle reste la seule à maintenir la référence à la temporalité du fait de la rupture de l’alternance originelle. On est ici en présence d’un détournement magistralement réalisé, tel qu’il consiste selon le Mode d’emploi qu’en donnent Guy Debord et Gil Wolman à « corriger une œuvre ou intégrer divers fragments d’œuvres périmées dans une nouvelle90 » – l’épithète « périmées » s’avérant toutefois inadéquate dans le cas qui nous occupe –, voire à « changer le sens de ces fragments et truquer de toutes les manières que l’on jugera bonnes ce que les imbéciles s’obstinent à nommer des citations.91 ». Le rapprochement de la sagesse biblique prise dans sa dimension immémoriale et de l’expérience vécue par le protagoniste de la chanson s’inscrit dans la même démarche que l’utilisation de « la tragédie grecque, opportunément rajeunie » dans le but « faire dire à Robespierre, avant son exécution : “malgré tant d’épreuves, mon expérience et la grandeur de ma tâche me font juger que tout est bien”92 ». Abstraction faite des fins de propagande assignées par Guy Debord à la pratique du détournement, son utilisation récurrente dans le discours thiéfainien – dont on ne peut malheureusement élargir ici la présentation mais dont on a eu déjà l’occasion d’examiner le fonctionnement dans le cas précis d’auteurs aussi divers que Romain Gary, Diderot, Lucrèce, Nicolas Bouvier ou Joseph Conrad, sans parler des innombrables références de détail qui jalonnent le corpus des chansons et dont on a pu réaliser une approche fragmentaire au détour de contributions diverses93 – en fait le théâtre d’un dialogue complexe où la reproduction quasi littérale voisine avec la recréation modifiée de façon plus ou moins sensible, les deux modalités de réappropriation débouchant chacune à sa manière sur une mise en perspective ou une remise en question de l’œuvre faisant l’objet d’un tel processus.
Plus déterminante encore que l’analogie avec les conceptions de Guy Debord se révèle cependant l’affinité avec l’approche revendiquée par Isidore Isou dont les théories trouvent une application aussi pertinente qu’intensive dans la démarche d’écriture inaugurée par Thiéfaine. Alors même que le corpus des chansons ne présente pas de trace d’adhésion à la doctrine lettriste proprement dite – malgré les séquences relevant d’une certaine affinité avec cette dernière placées au tout début de la version studio « 713705 cherche futur94 », de « mathématiques souterraines95 » lors des concerts de la tournée 1983, ainsi qu’entre les couplets de « rock autopsie96 » lors du Scandale Mélancolique Tour –, c’est pourtant sans nul doute la description donnée par Isou du « novateur » muni de sa « super-carte de l’acquis97 », recherchant « les procédés par lesquels on peut commencer à s’éloigner, sur son propre compte, des réalisations effectuées par les prédécesseurs98 » et exploitant à ce titre « les techniques originales de l’hyper-cataclie ou de la super-brisure et de l’hyper-parer-commage ou du super-passage-outre99 » afin de parvenir à « une reconstruction inédite, appelée par moi l’hyper-synagogue ou la super-réunion100 » qui résume de la façon la plus exacte le projet thiéfainien dans ce qu’il a de spécifique et d’inédit, soit d’inouï au sens propre ainsi que le souligne son auteur : « Je voulais vraiment inventer quelque chose qui sonne différemment. […] J’ai donc créé les chansons que j’avais envie d’entendre et que personne ne faisait101. » Dans la mesure où elles mettent essentiellement en exergue le processus d’accumulation puis de sélection des constituants disparates réunis par l’unité de conception qui préside à la réalisation projetée, les indications contenues dans le texte d’Isou préfigurent idéalement le processus d’élaboration du discours des chansons : « Ce qui fait l’importance de quelqu’un, c’est justement le fait qu’il prend les trouvailles dispersées en en faisant un bloc. Ce qui crée la renommée de quelqu’un, c’est qu’il amasse les excentricités fortuites (parce que réalisées par hasard et par jeu), dispersées (parce que tirées sans continuité et sans conviction par le caprice), et sans définition (parce que créées sans analogie, sans but et sans évolution, quelquefois seulement par curiosité). Le créateur assemble ces scories et ces fortuités hasardeuses, de beaucoup, en les faisant une, qu’il définit102 ». En s’attardant délibérément sur le moment « à la fin de sa création, quand tout son palais est bâti103 » et en introduisant par ce biais une allusion au Facteur Cheval en tant qu’incarnation remarquable et fréquemment évoquée – au même titre que le Douanier Rousseau dans le domaine de la peinture – de la conception artistique dont viennent d’être définies les modalités de mise en œuvre, la suite immédiate des réflexions d’Isou révèle alors toute la profondeur de son adéquation avec la vision de Thiéfaine, pour lequel le modèle du Facteur Cheval apparaît comme une référence incontournable, et comme telle sans cesse sollicitée dans ses interviews. Notons ici qu’alors que le protagoniste de « was ist das rock’n’roll » se définit « tel un douanier rousseau du graffiti vocal104 », prolongeant de façon explicite la concordance avec la position développée par Isou, l’absence de toute mention directe du Facteur Cheval dans le corpus des chansons est largement compensée par la fréquence avec laquelle le concepteur du Palais Idéal est évoqué dans les réponses données par Thiéfaine aux questions portant sur la nature de son entreprise, confirmant l’importance du rôle qui lui est dévolu en tant que point de repère initial à partir duquel orienter la réalisation de ses propres aspirations créatrices.
Sans prétendre à une quelconque exhaustivité en raison de l’abondance remarquable du matériel disponible, les quelques exemples qu’on va citer témoignent d’une perception exacte et précise – et en liaison étroite avec le diagnostic porté par Isou – des correspondances existant entre la façon de procéder propre au Facteur Cheval et celle régissant la conception et l’écriture des chansons. Un exemple particulièrement représentatif est celui de l’évocation conjointe des deux artistes mis en lumière par Isou : « Sincèrement j’ai hésité entre le Douanier Rousseau et le Facteur Cheval. C’est-à-dire entre deux personnages en dehors des modes qui ont créé leur monde, un univers de naïveté complètement à côté des normes d’une époque, presque un monde d’enfant. Dans mes chansons, je suis comme le Facteur Cheval, je construis ma petite pyramide. À côté105. » Le relatif effacement du Douanier Rousseau dans les entretiens ultérieurs se voit compensé par l’émergence de la référence complémentaire à Bob Dylan en tant qu’incarnation contemporaine du même principe d’accumulation-sélection : « À la manière du facteur Cheval, qui ramenait ses trésors de tournée pour bâtir son “palais idéal”, ou d’un Dylan, auteur de l’album Bringing it all back home (“En ramenant tout cela à la maison”), je glane les matières qui forgent celles de mes chansons, balises posées ici et là, qui content mon existence106. » Une variante de ces propos revendique encore davantage l’exigence de concentration qui constitue le pendant indispensable à la collecte ininterrompue des matériaux : « Bob Dylan avait un titre d’album : Bringing it all back home. Moi aussi, je ramène tout à la maison. Le facteur Cheval, une de mes idoles, a mis toute sa vie dans son Palais, c’est un peu ce que j’essaie de faire. Pourquoi m’éparpiller, alors que je peux tout mettre dans quelque chose que je commence à maîtriser ?107 » D’autres allusions à l’entreprise du Facteur Cheval insistent sur la nature variée voire disparate des différentes strates à partir desquelles s’élabore le discours des chansons : « Mon organisme, mes pensées, mon intellectualisme, mon côté peinture… Je mets tout dans mes chansons ! Je me compare souvent au Facteur Cheval, qui accumulait des pierres, des lettres, des coupures de journaux… Moi, je suis pareil, je rapporte des choses tous les jours chez moi. Je n’essaie pas de faire un palais comme le bon facteur, mais des chansons qui trahissent l’air du temps. Je cherche avant tout à me surprendre108. » De telles remarques apportent un démenti à la conception concurrente et plus répandue de l’art qui privilégie le supposé message au détriment de la dimension purement esthétique et architecturale du processus de composition des textes : « Je ne suis pas un chanteur à message. Seulement, je mets toute ma vie dans mes chansons. Je suis un peu comme le Facteur Cheval : tous les jours, je ramène un petit caillou à l’édifice que je suis en train de construire. Alors, évidemment, mes pensées politiques peuvent côtoyer mes pensées sexuelles ou amoureuses. Mais je n’essaie pas de prendre la place des politiques109. » Dans le droit-fil de l’idée barthésienne du « jeu », une autre réflexion valorise la dimension de défi lancé à soi-même que revêt la construction d’une œuvre à la cohérence indéniable, alors qu’elle est bâtie à partir de matériaux rassemblés de façon plus ou moins aléatoire : « J’aime me surprendre, me défier. C’est mon côté “t’es pas cap !”. C’est picaresque, j’ai toujours fonctionné comme le Facteur Cheval qui ramenait des petites pièces et qui en a fait un palais. On a le droit de ne pas y entrer mais… on est content d’y être passé110. » Même en l’absence d’un renvoi au Facteur Cheval, la description ludique – et serrant cependant au plus près le processus de la manipulation concrète des constituants énonciatifs – qu’une autre interview donne de la dynamique de l’écriture thiéfainienne reflète à nouveau une proximité manifeste avec les conceptions d’Isou : « Je suis assez joueur, je pars des mots que j’aime et je les emboîte comme des Lego111 ».
Il est conforme à la logique intrinsèque qui régit la constitution du discours des chansons que parmi les « petites pièces » ramenées par Thiéfaine figurent d’authentiques « signatures » d’Isou qui fonctionnent comme des « indices », tels que l’auteur se plaît à les introduire dans les « jeux de piste112 » auxquels se voit convié l’auditeur de ses chansons ou le « puzzle113 » auquel celles-ci peuvent être assimilées. On retiendra ici les trois principaux éléments faisant l’objet de rappels directs et comme tels immédiatement identifiables, lesquels attestent à la fois d’une connaissance précise des textes d’Isou et de la pertinence de la relecture qui en est opérée – étant entendu qu’on s’abstiendra par contre d’en préciser les possibles entrelacements avec d’autres constituants du halo intertextuel. La notion essentielle de l’exposé d’Isou qu’est celle du « coagulum114 » est régulièrement sollicitée aux fins de caractériser l’achèvement structurel de l’œuvre poétique, l’« effort vers une signification plus haute » réclamant invariablement « un élément de création, de coagulation, d’ordre115 » tandis que « les créations se sont acheminées par leurs articulations parfaites dans une sphère coagulée116 ». Dans les cas où se manifeste une défaillance dans l’organisation architecturale de telle ou telle réalisation, le recours au concept reste indiqué pour signaler les aspects dans lesquels une réussite partielle est atteinte au moins sur ce plan, ce qui peut le cas échéant se produire au détriment d’autres éléments tout aussi déterminants pour la qualité esthétique : en témoignent des remarques à double entente comme « la coagulation des éléments compréhensibles atteint l’absurde117 », la constatation tout aussi ambivalente que certaines « personnalités » n’ont pas d’autre choix que de procéder qu’« en coagulant les réalisations rationnelles ou en brisant un système pour le dynamiser118 » ou la critique émise à l’encontre d’évolutions à caractère d’impasses, dans lesquelles soit « toute catégorie palpable empêchait la filtration des essences en coagulant l’élan119 », soit « on avait coagulé autour de prétextes, des réflexions sur une polémique terrible120 ». Si l’impression d’une dominance marquée de la catégorie du « coagulum » qui résulte de cette énumération est parfaitement étayable par le renvoi aux passages concernés de l’Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, il est indéniable que c’est en fait la fascinante réappropriation thiéfainienne du concept, telle qu’on va en établir la description dans ce qui suit, qui fait prendre pleinement conscience de l’importance qui échoit au phénomène de la « coagulation » dans la réflexion d’Isou qui l’élève au rang d’emblème de la perfection créatrice, saisissant l’occasion pour apporter des précisions décisives que Thiéfaine sait également faire siennes, au-delà du renvoi au terme même dans le discours de ses chansons. Qu’il s’agisse de la notation à valeur de correctif nécessaire « il s’agit de lucidité, même dans le faux délire121 », ou de la définition « la métaphore s’est révélée le résultat instantané d’une fulguration de choses122 » – que l’on peut qualifier d’aussi fulgurante que le processus qu’elle évoque –, la préfiguration de l’écriture thiéfainienne et de sa prédilection pour les « images » – » On peut utiliser plein de mots remplis d’images. C’est des petites grenades qu’on peut balancer123 » – se dessine avec une netteté absolue dont le manque de place ne permet pas de préciser davantage les contours, mais dont on espère cependant que les exemples analysés ici permettront de s’en faire une idée provisoire, en attendant la présentation exhaustive dont elle fera l’objet dans l’ouvrage de fond auquel le présent article sert en quelque sorte d’introduction.
Le protagoniste de « dies olé sparadrap joey » qui remarque « j’prends des notes sur la chute des tuiles / et sur les corps coagulés124 » représente un exemple achevé de « coagulation » au sens où Isou entend le terme. Au niveau explicite et « sanglant » du discours ressuscitant du propre aveu de l’auteur l’atmosphère des nouvelles de Hammett125 – dont le nom est d’ailleurs mentionné dans le dernier vers – se surimposent au plan latent au moins deux strates évoquant respectivement le rapprochement sexuel des deux figures principales de la chanson – lecture étymologique découlant de l’activation du spectre sémantique du latin coagulum (ainsi que du verbe correspondant coagulo) qui désigne aussi bien le lait caillé que l’action de réunir, offrant du coup deux possibilités complémentaires de réinterprétation sexuelle – et la mise en œuvre du processus d’écriture tel qu’il consiste précisément à réunir par « coagulation » les éléments disparates à partir desquels se construit le discours multivoque. La stringence de l’agencement énonciatif constitue un équivalent proprement littéral au phénomène de coagulation puisque le discours maintient de bout en bout sa cohérence intrinsèque, tant dans sa globalité tangible et censément évidente que sur chacun de ses plans respectifs – y compris et surtout ceux dont la nature cryptique réclame une élucidation approfondie. À l’inverse, c’est la double déclinaison du motif dans « bruits de bulles » – » le temps se coagule126 » étant ensuite relayé par « l’instant se coagule127 » – qui permet la reconstitution du discours de surface, qui reste informulé au niveau des constituants verbaux du texte. Bien que la formule attendue « *le sang se coagule » apparaisse légitimée a priori tant par l’usage linguistique que par le contexte explicite de la chanson évocateur d’une catastrophe aérienne – témoin en outre la séquence de bruitage finale évoquant les enregistrements provenant d’une boîte noire –, son occultation totale et délibérée dans le processus énonciatif – qui la laisse cependant subsister à l’arrière-plan du texte, incitant d’emblée à sa restitution quasi inconsciente par l’auditeur-lecteur – conduit par contrecoup à la mise en exergue de la strate poétologique latente en tant que reflet du processus de coagulation décrit par Isou. La priorité accordée à l’expression métaphorique, si elle apparaît conforme à la poétique thiéfainienne dont on a déjà noté l’importance qu’elle accorde aux images, permet de surcroît l’activation d’une autre référence sous-jacente, celle au roman Crash de J.G. Ballard dont l’empreinte se retrouve dans d’autres chansons de l’album Fragment d’hébétude, et dont le titre fait notamment l’objet d’une citation directe dans l’intitulé « série de 7 rêves en crash position ». En conférant aux différentes strophes de la chanson la valeur et la fonction d’autant d’instantanés assimilables à une « photographie-tendresse128 » – pour reprendre le titre du texte au style télégraphique qui comprend significativement une occurrence du verbe « coaguler » dont on va également préciser les implications sous-jacentes –, la fixation ou la coagulation du processus temporel en tant que visée ultime de la création artistique réunit indissolublement les deux autres plans constitutifs du discours de la chanson dont seule la strate poétologique réalise la fusion : si l’un correspond bien comme prévu à la description des « lieux du crash129 », l’autre réinterprète la totalité des indications contenues dans le texte – à commencer par les « vestiges éventrés / corps décapités130 » de la strophe initiale – pour en faire les indicateurs précis d’une dynamique érotico-sexuelle dont l’accomplissement coïncide naturellement avec l’expérience de l’anéantissement physique, reflétant l’alliance constante d’Éros et de Thanatos. Par le recours au concept favori d’Isou qu’il décline simultanément sur trois niveaux sémantiques et connotatifs, le discours thiéfainien transpose au cadre de la chanson le postulat initial du roman de J.G. Ballard, où les photographies de victimes d’accidents de voiture apparaissent comme autant de manifestations de l’attraction sexuelle que celles-ci exercent sur l’auteur des clichés.
Pour revenir à la formulation comprimée de « photographie-tendresse » évoquant les « baisers-tranxène-coagulés-sur-miroir131 », la nature de réminiscence historique aux éléments plus ou moins directement perceptibles – renvoyant essentiellement au Troisième Reich et à la Seconde Guerre Mondiale – qui est à maints égards celle de la chanson fournit aux « baisers » leur arrière-plan sanglant qui anticipe la soif de sang exprimée en allemand dans le dernier vers « wo ist das blut ? ich habe durst132 », la coagulation poétique telle que la décrit Isou devenant là aussi le véhicule de l’entrelacement du sexe et de la mort. La dimension sanglante et mortifère de l’Éros accède directement au plan explicite du discours dans « 113e cigarette sans dormir » avec les vers « les petites filles de mahomet / mouillent aux anticoagulants133 ». Renforçant encore l’impact polémique et provocateur de la séquence, le basculement vers le niveau sous-jacent où se déploie la lecture poétologique et isouienne des « anticoagulants » parachève le démontage de la dictature du « méchant gros minet134 » – derrière lequel se profile l’ayatollah Khomeini pour peu que le nom de celui-ci soit prononcé de la façon qui convient – en la faisant apparaître sous son jour d’ennemi juré de toute expression artistique, qui étouffe ou brise la dynamique de « coagulation » nécessaire à l’activité créatrice.
La valorisation de la « Tranquillité » face à la « Bagarre » revendiquée dans le portrait « du poète seul, tranquille135 » est un autre des éléments centraux de la réflexion d’Isou – » la poésie est tranquille dans son écoulement136 » – auquel fait écho le discours thiéfainien à travers son utilisation de l’adjectif « tranquille », dans la mesure où celle-ci intervient en liaison avec le renvoi à l’activité du protagoniste en tant qu’elle est investie d’une dimension créatrice ou productrice. Alors même que la superposition des références est évidente – bien qu’impossible à expliciter en détail – dans tous les exemples qu’on va citer et impose donc de ne pas se borner à une appréhension dictée par la correspondance avec les formulations d’un auteur donné, la lecture évocatrice de la « tranquillité » isouienne gagne à être prise en compte dans les déclinaisons du terme du seul fait du lien explicite qu’elle établit avec la sphère de la poésie dont on a constaté la présence récurrente au moins au plan sous-jacent du discours, et qui parfois même en vient à occuper le devant de la scène sans pour autant priver de leur impact propre les accentuations adjacentes. Le protagoniste de « loin des temples en marbre de lune » qui s’avoue « enfin tranquille & sans rancune137 » voit son identité poétique – qui valide de fait la référence au traité d’Isou – établie de façon incontestable par ses paroles précédentes « j’attends l’heure de ma rédemption138 » dans lesquelles résonne un écho direct à la triple évocation de « mon rédempteur139 » qui domine la séquence finale du monologue du Minotaure de Borges en tant que protagoniste de La Demeure d’Astérion. Cité dans son intégralité, le quatrain thiéfainien « j’ai découvert la solitude / le jour de ma fécondation / & bien que j’en aie pris l’habitude / j’attends l’heure de ma rédemption140 » laisse transparaître en filigrane les lignes de Borges « J’ignore qui ils sont. Mais je sais que l’un deux, au moment de mourir, annonça qu’un jour viendrait mon rédempteur. Depuis lors, la solitude ne me fait plus souffrir, parce que je sais que mon rédempteur existe et qu’à la fin il se lèvera sur la poussière. […] Comment sera mon rédempteur ?141 » dont il ne retient que les deux concepts de la « solitude » et du « rédempteur » pour les redéfinir sous un angle excluant toute référence au Minotaure. Ce nouvel exemple de « coagulation » des éléments d’un hypotexte accroît encore la pertinence intrinsèque du recours à la conception de la « tranquillité » en tant qu’attribut essentiel du poète, hypothèse que vient également conforter la variante de l’idée de rédemption représentée par « la rédemption de ses cuisses142 » à laquelle aspire dès lors qu’il succombe à l’attraction de la jeune Mardou le héros des Souterrains de Jack Kerouac, qui partage la qualité de poète avéré ou du moins potentiel avec l’ensemble des figures de narrateur – pour ne rien dire des autres personnages masculins rencontrés par celles-ci – évoluant dans l’œuvre de l’auteur de Sur la route.
L’application au protagoniste des chansons de l’épithète « tranquille » dans l’acception poétologique que lui confère Isou est tout aussi plausible en ce qui concerne l’autre incarnation du modèle artistique reconnaissable dans le personnage central d’« angélus » qui se définit à travers « le calme désespoir / de mon bonheur tranquille143 », créant un entrelacement suggestif entre le rappel des réflexions d’Isou et l’évocation du « calme » ou du « tranquille désespoir144 » – selon la traduction adoptée pour rendre l’expression quiet despair – sur laquelle s’ouvre le Walden ou la vie dans les bois de Thoreau. Le « je » nimbé de mystère de « exit to chatagoune-goune », qui recourt pour sa présentation aux termes évocateurs « jadis cavalier du néant / je reviens en vampire tranquille145 », adjoint au renvoi implicite à la conception du « poète seul, tranquille146 » exposée par Isou le rappel littéral de la formule de Jim Morrison relative aux spectateurs de cinéma “film spectators are quiet vampires”147, dont le détournement révèle ses implications poétologiques à travers son association avec la première dénomination adoptée par le personnage : le « cavalier du néant » qui renouvelle la constellation de la Lenore de Bürger – ainsi que de sa traduction par Gérard de Nerval où le cavalier monté sur son « noir coursier » emporte sa fiancée vers la tombe au refrain de « hurra, les morts vont vite !148 » –, occupe une place prépondérante dans la lignée des figures d’artistes à l’aura maléfique, qui prend naissance dans un romantisme aux accentuations gothiques et resurgit à l’époque contemporaine sous le masque du vampire morrisonien, auquel la réinterprétation implicite à laquelle il se voit soumis dans le discours thiéfainien restitue seule sa dimension proprement poétique. Le protagoniste de « nyctalopus airline » que sa quête menée « dans la nuit des villes sans lumière149 » conduit « vers l’assassin tranquille150 » réédite un parcours analogue, que sa double accentuation baudelairienne – du renvoi latent au poème L’Amour et le Crâne apostrophant l’Amour en tant que « monstre assassin151 » à la redéfinition étymologique de l’assassin-haschichîn qui établit le lien avec l’univers des Paradis artificiels – légitime pleinement en tant qu’émanation de la sphère poétique – et à ce titre susceptible d’inclure l’accentuation attribuée par Isou à l’adjectif « tranquille » –, qu’il s’agisse de sa dimension érotico-sexuelle ou de son caractère d’incursion dans le domaine des substances à même de déclencher la transe inspiratrice. Si l’assimilation implicite de l’âme à un chien qui intervient dans « un vendredi 13 à 5h » à travers l’apostrophe énergique « couchée mon âme, au pied, tranquille152 » perd sa connotation animalière lors de sa reprise par les choristes dans sa version anglaise « be still, my soul » – qui revêt au passage les accents caractéristiques d’un gospel, en décalage manifeste et délibéré avec la tonalité générale de la partition –, sa valeur de référence poético-musicale au plein sens du terme – et donc de marqueur de la « tranquillité » au sens revendiqué par Isou – n’est révélée que par la reconnaissance de l’entrelacement implicite qui se crée entre la séquence thiéfainienne et le lied de Richard Strauss Ruhe, meine Seele153 – formulation qui est à la fois celle du titre et du refrain de l’œuvre – dont la polysémie fait précisément osciller le sens entre « couchée, mon âme » et « sois tranquille, mon âme ». En légitimant en retour la double lecture suggérée d’un côté par la quasi-brutalité des paroles du protagoniste et de l’autre par la version adoucie qu’en propose le refrain, le rappel straussien résout en l’absorbant dans la multivocité inhérente à l’expression allemande la contradiction apparente qui se dessine entre les deux plans de la chanson, tandis que l’horizon de référence élargi qu’il fournit à celle-ci souligne à nouveau la faculté propre au discours thiéfainien de mettre indirectement au jour les rapports de filiation culturelle existant entre des œuvres et des genres poétiques ou musicaux a priori très éloignés les uns des autres, et que la dynamique de réappropriation réunit dans une même totalité d’appréhension implicite. Le rappel baudelairien du premier vers de Recueillement, « Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille !154 », parachève l’entrelacement associatif en introduisant un moyen terme entre le chien et l’âme en tant que destinataires de l’injonction du protagoniste, tout en conservant à l’adjectif « tranquille » sa valeur de marqueur poétique, qui s’infléchit dans la retranscription thiéfainienne vers la sphère de l’aperçu poétologique.
L’intitulé « scènes de panique tranquille155 » relève de même de la réécriture cryptique d’un texte préexistant dont l’identification résulte de la mise en relation de l’énumération paradoxale « Valium, Tranxène, Nembutal, yogourts, acides ?156 » placée en tête de la chanson avec la liste des remèdes vantés sur le marché par la sorcière de L’État de siège : « Mélisse, menthe, sauge, romarin, thym, safran, écorce de citron, pâtes d'amande... Attention, attention, ces remèdes sont infaillibles !157 ». Tandis que la formulation « scènes de panique tranquille » prend sa pleine signification en tant que renvoi indirect à l’atmosphère de « terreur générale158 » signalée dans la didascalie de la pièce de Camus, la modification oxymorique de la séquence réalisée dans le discours thiéfainien permet d’associer de façon aussi inattendue que révélatrice la mention de l’affect irrépressible – soit la « terreur » devenue « panique » – et la désignation plus ou moins cryptée des substances calmantes destinées à le combattre, dont l’efficacité réelle contraste avec le caractère manifestement illusoire de l’arsenal thérapeutique proposé par la sorcière.
Le discours explicite de « villes natales et frenchitude » laisse apparemment peu de place à une redéfinition poétique du terme « tranquille » dans la mesure où l’attribution à un chat de la qualité correspondante semble la cantonner dans le domaine de la notation à la fois gothique et naturaliste, conformément à l’atmosphère générale de la chanson dominée par les « fantômes étoilés de verglas159 » : « et là c’est juste la grimace / d’un matou sénile et pelé / mais ses yeux sont tellement zarbi / et son agonie si tranquille / que même les greffiers par ici / donnent l’impression d’être en exil160 » Même s’il ne saurait être question d’entrer dans les multiples possibilités de réaccentuation offertes par les strates latentes, il est urgent de remarquer que la réhumanisation du chat s’opère aisément à partir de l’étymologie ou du sens figuré du « matou » – dérivé du prénom Marcou ou du terme mate en tant que forme jurassienne du terme maître, mais aussi désignation de l’amant ou du souteneur dans la littérature du XIXe siècle161 –, tandis que la redéfinition étymologique du « greffier » en tant qu’utilisateur du graphium – et donc spécialiste en écriture – le transforme instantanément en incarnation du poète. C’est à la lumière d’une telle réinterprétation que la mention de l’« exil » se charge de tout son impact symbolique en tant que renvoi à la condition humaine et plus spécifiquement à celle du poète, telle que la déplore le lyrisme romantique à travers l’exemple particulièrement représentatif des vers de Lamartine : de l’interrogation « sur la terre d’exil pourquoi resté-je encore ?162 » rencontrée dans L’Isolement à l’apostrophe de la figure féminine d’Invocation « ou dans ce lieu d’exil, de deuil et de misère / dois-tu poursuivre encore ton pénible chemin ?163 », l’exil apparaît comme le synonyme de l’existence humaine et de ses vicissitudes, tel qu’on le retrouve dans nombre d’autres références régulièrement sollicitées par Thiéfaine, des Dieux en exil de Heine à l’album des Rolling Stones Exile on Main Street. L’adéquation indiscutable de « l’agonie tranquille » au portrait du poète en exil autorise du même coup – soutenue par la lecture étymologique de l’« agonie » au sens grec de « lutte » ou « combat » – la transposition de l’épithète au domaine de l’expression artistique telle que la définit Isou : la cohérence de l’aperçu poétologique va de pair avec l’association inattendue de la « Tranquillité » et de la « Bagarre » ou plus exactement avec l’ascendant pris par la première sur la seconde, l’épithète « tranquille » modifiant de façon définitive le caractère de l’« agonie » même au niveau de discours de surface.
L’exception notable que constitue « gynécées » trouve son origine dans la féminisation appuyée du cadre de l’évocation qui entraîne celle de l’épithète, qui devient un élément de la description des figures féminines dans les vers « elles ont cette folie si tranquille / ce calme étrange au bord du stress164 ». Nonobstant la réorientation de principe dictée par le thème de la chanson, la « folie si tranquille » associée au « calme étrange » prend une coloration révélatrice à travers la référence latente à Hippocrate dont le traité Sur la Maladie Sacrée fait figurer la « folie tranquille165 » parmi les diverses formes de la mélancolie : le voisinage de « gynécées » avec les « confessions d’un never been » donne une acuité prenante à la référence mélancolique qui domine l’ensemble des chansons de Scandale mélancolique, « gynécées » devenant ainsi le pendant symbolique des « confessions d’un never been » qui constituent à maints égards le sommet de l’album et de la création thiéfainienne en générale, à égalité aux propres dires de l’auteur166 avec Les dingues et les paumés et En remontant le fleuve. Une fois identifié le renvoi implicite aux catégories de la médecine antique, la correspondance sous-jacente entre « gynécées » et les « confessions d’un never been » relève de l’évidence dans la mesure où il s’agit pour ces dernières d’une chanson où est évoquée « l’algèbre des mélancolies167 » et dont la principale source – ou plus exactement la matrice originale tant est vertigineuse et difficile à reconstituer dans sa totalité la complexité du halo référentiel168 – est justement le XXXe Problème d’Aristote – rebaptisé dans une édition française L’Homme de génie et la mélancolie169 –, dont Thiéfaine mentionne lui-même l’importance comme déclencheur de son inspiration170 et dont le texte de la chanson reproduit au plan latent la disposition argumentative, tout en l’enrichissant d’une impressionnante série de parallèles directs ou implicites qui embrasse le déroulement historique et culturel jusqu’à l’époque contemporaine.
Dans deux autres cas enfin, l’appartenance des personnages ainsi que de leur activité au domaine de la création poétique fait d’emblée partie intégrante de la strate explicite du discours, infléchissant du même coup vers le domaine de la notation poétologique le contenu sémantique de l’épithète « tranquille ». Le distique « les poètes aujourd’hui / ont la farce plus tranquille171 » basé sur le détournement du slogan de la « Force Tranquille » utilisé par François Mitterrand lors de l’élection présidentielle de 1981 autorise le recours parallèle aux catégories esthétiques, complétant la critique qui sous-tend le texte d’« affaire rimbaud » – et qui s’exerce à l’encontre de l’attitude des « poètes » exploitant à leur propre profit la famine en Éthiopie172 – par une appréciation tout aussi cinglante de leur production. Précisons par ailleurs que le démontage des postures caritatives s’effectue par le biais d’un cut-up – autre constante référentielle de l’écriture thiéfainienne que la place manque pour évoquer dans ces lignes – englobant la quasi-totalité du texte et réalisé à partir de séquences rimbaldiennes : ainsi est opposée à la grossièreté primitive de la « farce » la subtilité jubilatoire d’un arrangement totalement organisé qui ne se réduit nullement à un simple enchaînement de citations comme une lecture erronée pourrait le supposer au premier abord, mais commande au contraire par le seul biais de leur déplacement une réinterprétation radicale des matériaux poétiques. Le vers final « où la lumière pleut173 » se transforme par sa seule recontextualisation en dénonciation des conditions climatiques en tant que facteur aggravant de la famine : le rebasculement vers son sens littéral – et désormais porteur d’une nouvelle image à l’impact dramatique inattendu – de l’évocation métaphorique rencontrée dans Le Dormeur du Val devient ici le signal éloquent de l’absence de toutes précipitations telle qu’elle découle de l’ensoleillement permanent, tandis que le vers précédent « et pas de cresson bleu174 » précise les dimensions de la catastrophe par la négation de la formule originelle issue du même poème175, insistant pour sa part sur l’absence de l’élément aquatique indispensable à la croissance de la plante. L’élément « tranquille » caractéristique de la production poétique est ainsi à chercher dans sa réalité et son authenticité non pas du côté des prétendus « poètes », mais bien dans la revisitation du texte de Rimbaud qui lui confère une nouvelle urgence, tout en restant dans le cadre de son accentuation d’origine en tant que nouvelle dénonciation d’une mort absurde et aux causes opaques. Le texte d’« annihilation » enfin réalise dans les vers « anéantissement tranquille & délicieux / dans un décor d’absinthe aux tableaux véroleux176 » une recréation suggestive de l’univers des Poètes Maudits tel que le dépeint Verlaine, où les ingrédients réunis de l’ivresse alcoolisée ou sexuelle – sans oublier le revers de la médaille que constituent les maladies vénériennes – connaissent leur culmination dans la célébration de la « fée » ou de la « sorcière verte177 » en tant que centre du processus de création artistique178. La filiation artistique établie par le protagoniste de la chanson englobe également Rimbaud à travers la formule « vous est un autre je179 » en tant que réinterprétation fulgurante du « je est un autre180 », ainsi que Baudelaire auquel le vers « memento remember je tremble & me souviens181 » fait doublement écho, du « remember ! souviens-toi, prodigue ! esto memor !182 » de L’Horloge au « toute chair qui se souvient se met à trembler183 » énoncé dans Richard Wagner et Tannhaüser à Paris. « Le poète seul, tranquille184 » célébré par Isou met en scène son « anéantissement » sous la forme d’une apothéose symbolique, qui remémore les présupposés de sa création tout en les assimilant entièrement au système de fonctionnement de son propre discours : l’authenticité de la signature thiéfainienne s’élabore à travers un processus d’intégration ou d’amalgamation latentes, qui « prend les trouvailles dispersées en en faisant un bloc185 », accomplissant au-delà du résultat que laissent escompter les possibilités théoriques les postulats définissant la « nouvelle poésie ».
Un autre des renvois à l’univers d’Isou décelables dans le corpus thiéfainien – et le dernier qu’on évoquera ici pour ne pas exagérer les dimensions du présent article – est centré sur le Traité de Bave et d’Éternité dont Isou se fait lui-même l’exégète, précisant le sens symbolique de son intitulé à travers la remarque : « Mon film, je l’appellerai “La Bave et l’Éternité” ou “La Bave et le Marbre” ou “La Bave et l’Acier”, pour marquer la distance entre la poussière de notre parole et la hauteur de son pouvoir. Je mettrai en exergue la phrase de Nietzsche : “Il faut beaucoup de chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse.”186 ». Outre la communauté de la référence nietzschéenne que Thiéfaine appréhende également dans le sens d’« une ardeur, un appel vers le haut187 », le titre du film et particulièrement la mention de la « bave » trouvent une résonance frappante dans la séquence de « petit matin 4.10. heure d’été » « déjà je m’avance en bavant / dans les vapeurs d’un vague espoir188 » où le contraste entre l’attitude du protagoniste « bavant » et le « vague espoir » qui se dessine ajoute une nouvelle déclinaison à l’énumération proposée par Isou. Le rapprochement avec la formulation première « La Bave et l’Éternité » semble s’imposer ici comme la correspondance la plus évidente, la version thiéfainienne de l’antagonisme soulignant elle aussi tant la distance en apparence incommensurable entre les limitations de la condition humaine et ses aspirations irrépressibles – on laisse ici de côté la dimension physiologique et clinique que revêt le participe « bavant » en tant que renvoi à la tentation du suicide – que la perspective tangible de son surmontement telle que la réalise la seule « parole » poétique. C’est par contre davantage à la variante « La Bave et le Marbre » que fait implicitement référence la conclusion de « droïde song » : en donnant corps à la littéralité du programme annoncé par Isou, le distique « et je viendrai troubler de mon cri distordu / les chants d’espoir qui bavent aux lèvres des statues189 » remet en question la hiérarchie des valeurs statuée dans le titre entre les deux composantes opposées, qui se voient toutes deux opposer le démenti du « cri distordu », dont la vocation à « troubler » rejoint toutefois la « lignée trouble » revendiquée par Isou dans un développement ultérieur du même texte sur lequel on va revenir dans la suite immédiate de ces lignes. Le vers « les chants d’espoir qui bavent aux lèvres des statues » adjoint cependant au substrat poétologique véhiculé par la réminiscence du Traité de Bave et d’Éternité le rappel du titre français de la nouvelle de J.G. Ballard La statue qui chante – signalons ici que le titre original Prima belladonna réapparaît pour sa part dans un vers de « sweet amanite phalloïde queen », la figure féminine se voyant qualifiée de « prima belladonna made in / moloch-city destroy machine190 » dans le cadre d’un discours aux associations multiples, entrelaçant pour l’essentiel références bibliques et renvois au Moby Dick de Herman Melville. Conformément au haut degré de cohérence organisatrice dont témoigne l’expression thiéfainienne, les dérivés de « bave » ou de « baver » que sont « baveux » et « bavard » – sans oublier la « bavure » mentionnée plus haut à propos de « special ado sms blues » – sont eux aussi dotés d’une connotation symbolique analogue, dont l’activation statue même en l’absence d’un corollaire à l’accentuation positive une déficience dont la nature récurrente d’émanation spontanée – soit de sécrétion physiologique – autorise le cas échéant – et même dans « petit matin 4.10. heure d’été » – la redéfinition érotico-éjaculatoire, notamment dans la formulation complexe de « special ado sms blues » dont il faudrait préciser pour chacun des termes – et surtout pour le « silence » dont la valeur de substitut cryptique du rapprochement physique est récurrente dans le discours thiéfainien – les implications latentes suggérant la possibilité de réaccentuation sexuelle.
Pour clore ces développements consacrés à l’écho que trouvent les textes d’Isou dans le corpus thiéfainien, on retiendra la concordance fascinante qui se fait jour entre la superposition des niveaux d’agencement et de signification du Traité de Bave et d’Éternité telle que la définit Isou et l’entrelacement des strates du discours multivoque inauguré par Thiéfaine. Les précisions fournies par Isou – « Mon film sera comme l’Enfer composé de cercles : il y aura le cercle premier, mes idées du cinéma et mon désir de faire un film qui envelopperont le tout ; et au-dessous le cercle d’Ève, et au-dessous Denise et le lettrisme, les choses les plus chères.191 » – se prêtent idéalement à la transposition à la polysémie du discours thiéfainien dont le niveau explicite est constamment sous-tendu – soit selon le cas élargi à de nouvelles dimensions mais également remis en question voire carrément redéfini suivant la nature des options de lecture alternatives – par les strates sous-jacentes dont au moins l’une – équivalente en cela au « cercle d’Ève » explore la dimension de l’Éros par le biais de la dynamique d’érotisation d’inspiration lacanienne inhérente au traitement thiéfainien du langage –, tandis que l’autre – correspondant en cela à « Denise et le lettrisme, les choses les plus chères » – se charge des implications poétologiques également propres par définition à la démarche d’écriture de l’auteur. Dans leur application au discours à strates multiples pratiqué dans les chansons, les « cercles » décrits par Isou comprennent de surcroît l’étendue du halo associatif de nature essentiellement intertextuelle, mais qui inclut également les possibilités de redéfinition nées de la sollicitation du sens étymologique ou du basculement vers un autre système linguistique, ainsi qu’on a pu le constater dans ces lignes lors de l’examen de la recréation du personnage de Humpty Dumpty : la dimension multivoque du discours thiéfainien se double ainsi d’un plurilinguisme latent mais assumé dont la perception est tout aussi nécessaire à l’appréhension adéquate du projet de l’auteur que celle de l’aura connotative, parachevant ainsi la complexité exemplaire de l’architecture poétique.
La restriction apportée par Isou à la présentation de son film se révèle tout aussi fructueuse en tant que point de départ de la reconnaissance d’une nouvelle analogie fondamentale avec la création thiéfainienne : « mais ce caractère décidé, voire forcé, de la construction ne doit pas aveugler sur l’évidente dimension parodique de l’ensemble – dimension coutumière par ailleurs aux œuvres critiques. Divine comédie de ciné-club, c’est dans la lignée trouble de Lautréamont qu’il faut inscrire le didactisme du Traité192 ». Une telle présentation concorde exactement avec le projet artistique de Thiéfaine, qui se définit lui-même à l’aide de catégories similaires à celles utilisées par Isou : « Je suis un clown joyeux, j’aime les farces, mes chansons en sont remplies. C’est comme cela que je suis, un homme de cirque193 ». Il est tout aussi significatif que la même dénomination de « clown » s’applique tant au protagoniste de « syndrome albatros » qualifié de « clown masqué décryptant les arcanes de la nuit194 » qu’à l’inspirateur supposé de celui des « confessions d’un never been » déclarant « j’ai volé mon âme à un clown195 ». Renforçant encore le parallélisme des approches esthétiques, la « lignée trouble de Lautréamont » à laquelle se rattache de son propre aveu la démarche d’Isou est bien aussi celle de Thiéfaine, qui rappelle le rôle novateur de Lautréamont196 dans l’évolution de la poésie moderne et introduit dans « les dingues et les paumés » un renvoi direct à la principale œuvre de ce dernier : « ils ont cru s’enivrer des chants de maldoror / et maintenant ils s’écroulent dans leur ombre animale197 ». En ce qui regarde l’appellation de « Divine comédie de ciné-club » décernée par Isou à son film, on peut noter que le parallèle avec la Divine Comédie est également sollicité à plusieurs reprises dans le discours des chansons auquel le vers d’« annihilation » « je revisite l’enfer de Dante & de Virgile198 » pourrait à maints égards servir d’épigraphe symbolique, tant pour ce qui est de la pertinence de la recréation dantesque qu’en ce qui concerne sa réaccentuation sur le mode de « Guignol », tel qu’il est évoqué dans le même texte mais aussi dans « vendôme gardénal snack » où le distique « dans la rue des travelots t’as rencontré guignol / qui s’était déguisé en poète illusoire199 » établit de façon explicite aussi bien l’impératif esthétique du travestissement que l’identité de la figure guignolesque avec celle du poète. L’adéquation quasi littérale avec les spécifications d’Isou atteint un sommet de dans « syndrome albatros » dont le protagoniste évolue « dans les eaux troubles et noires des amours-commando200 » avant de reproduire au plan explicite de l’évocation le périple infernal relaté par Dante : « tu cherches dans les cercles où se perdent les âmes / les amants fous, maudits, couchés sur le grésil201 ». Si l’élément « trouble » renvoie également dans le cadre spécifique de « syndrome albatros » aux catégories de l’optique goethéenne telles qu’elles sont exposées dans le Traité des couleurs – le « trouble » étant d’après Goethe la zone de rencontre de l’obscurité et de la lumière dans laquelle prennent naissance les couleurs, dont le texte de la chanson décline le spectre avec une précision sans faille –, il importe de signaler que tant l’adjectif « trouble » que les différentes formes du verbe « troubler » – dont on vient de remarquer la présence à la fin de « droïde song » – signent dans le discours thiéfainien la permanence d’une volonté de déranger ou de provoquer expressément revendiquée par l’auteur – « Je voulais provoquer. J’ai toujours aimé ça. C’est une façon de voir, de faire bouger les choses202. » –, et qui prolonge à sa manière l’aspiration « parodique » propre à la démarche d’Isou : le protagoniste de « photographie d’un rêveur203 » qui se présente comme « un esprit tapageur / qui vient troubler tes nuits » transpose au domaine de l’intimité l’attitude de provocation destructrice qui se manifeste dans « droïde song » sur un plan qui semble a priori relever de la sphère publique. Il est à noter toutefois que le discours implicite de la strophe finale fait une place tout aussi déterminante aux processus d’ordre sexuel, dont l’évocation devient perceptible par le biais de la réinterprétation érotisante de l’ensemble des constituants de l’évocation. En écho latent à l’holorime de Marc Monnier souvent attribué à Victor Hugo » Gal, amant de la reine, alla, tour magnanime / galamment de l’arène à la Tour Magne à Nîmes », le vers précédent « j’enlèverai ma cagoule pour entrer dans l’arène204 » se double au plan implicite de la lecture alternative « pour entrer dans la reine », la « cagoule » devenant alors une désignation cryptique de la « capote ». De même, les « lèvres des statues » du dernier vers sont désormais susceptibles de désigner celles de la zone génitale conformément à la double lecture qu’elles appellent régulièrement dans le discours thiéfainien, sans oublier que l’« espoir » est utilisé de façon récurrente – dont la démonstration ne peut être apportée dans la présente contribution faute de pouvoir passer en revue l’ensemble des occurrences du terme et de leurs contextes d’apparition – comme synonyme énigmatique mais parfaitement identifiable du processus de l’engendrement auquel la « cagoule » a jusqu’ici fait obstacle. Alors qu’il ne s’agit nullement de substituer la supposée authenticité de cette seule redéfinition implicite – dont on aurait plaisir à souligner à nouveau la proximité avec la conception lacanienne du langage – à la série d’exégèses concurrentes ou complémentaires qui peuvent être faites de ce distique et notamment de sa strate explicite, il importe à nouveau de souligner la cohérence exemplaire de l’organisation discursive, qui confère à chacune des lectures envisageables d’une même séquence une homogénéité énonciative qui ne saurait être mise en défaut et qui s’étend jusqu’aux détails de l’expression. Ainsi se trouve validé le postulat d’une polysémie de principe dont il appartient certes à chacun de souhaiter ou non détailler les modalités de fonctionnement, mais dont la possibilité entièrement vérifiable d’appréhension comme de description exhaustive de sa dynamique d’élaboration suffit manifestement à établir l’existence.
Pour citer un autre exemple de la dimension programmatique au sens précisé plus haut que le discours thiéfainien réserve au verbe « troubler », l’évocation en forme de dénégation « surtout pas troubler nos consciences / dans le vertige des vibrations205 » réalisée dans « loin des temples en marbre de lune » débouche sur la remise en question radicale de la recherche de la sécurité en tant que besoin prioritaire de l’humanité. En tant que résumé inversé de la visée essentielle du projet artistique de l’auteur, la séquence citée trouve un parallèle éloquent dans la radicalité de l’annonce programmatique faite à l’origine à propos de « alligators 427 », mais qui peut aisément être étendue à l’ensemble de la démarche thiéfainienne : « je viens bousculer le citoyen qui pense que, parce qu’il a une assurance chez Axa, il est tranquille206 ».
Alors qu’on se propose de conclure le présent article en mettant à nouveau en exergue la spécificité du discours thiéfainien en tant que système organisationnel, le renvoi au passage du Traité de Bave et d’Éternité évoquant le parcours « à travers les mots qui sont les murs d’un vaste labyrinthe où on se perd pour toujours207 » se révèle remarquablement opportun dans la mesure où le labyrinthe appelé de ses vœux par Isou atteint à sa pleine réalisation tant dans « les labyrinthes obscurs aux fumeux artifices208 » dans lesquels « le jeu de la folie » entraîne ses adeptes que « dans les dédales obscurs où plane la folie209 » d’« exil sur planète-fantôme », qui peuvent être complétés par le « labyrinthe » aux dimensions de l’univers dont le protagoniste de « whiskeuses images again » « imagine l’exit210 » ou par l’image de la figure adolescente de « la ballade d’abdallah geronimo cohen » perdue « dans le labyrinthe de son spleen211 ». Au-delà de la valeur de principe à la fois philosophique et structurel dévolue au labyrinthe par Nietzsche, qui qualifie son œuvre de « labyrinthe d’audacieuses connaissances212 » et dont les déclinaisons variées du motif sont intégrées par Thiéfaine dans la conception de son projet artistique – aspect sur lequel il est exclu de se pencher ici –, il est capital de prendre en compte le fait que l’architecture du labyrinthe thiéfainien est d’abord et avant tout le résultat d’un travail sur la composante verbale, avant même de se charger d’implications – qui de plus varient selon la strate du discours qui les suscite – d’ordre supra-énonciatif, que celles-ci soient sémantiques, conceptuelles ou symboliques. En complément aux divers facteurs structurants qu’on a pu détecter dans ce qui précède – rappelons qu’il s’agit essentiellement de l’intertextualité qui régit le fonctionnement du réseau des résonances et des réaccentuations implicites, ainsi que de la polysémie née soit du basculement vers une autre langue réalisé par le biais de l’homophonie, soit de l’activation du sens étymologique issu de l’idiome dans lequel un terme donné trouve son origine –, un autre présupposé incontournable de l’analyse du discours thiéfainien réside dans l’identification d’une fonction organisatrice à l’importance éminente – et qui va de surcroît grandissant au fil des albums et des années –, dont la portée dépasse par définition le cadre de la chanson prise isolément pour concerner l’ensemble du corpus, que l’on peut alors considérer – même si la place manque pour développer ce parallèle – comme un équivalent du « rhizome » défini par Deleuze et Guattari. Les ramifications « souterraines » propres au rhizome, telles que les décrit avec précision le texte consacré à la structure ce dernier, trouvent de fait un pendant exact dans les « mathématiques souterraines213 » considérées non pas comme le seul intitulé d’une chanson voire de deux, mais bien comme désignation du principe sous-jacent qui dicte son agencement au corpus poétique et musical, les « mathématiques souterraines » offrant par ailleurs la version actualisée de la Physica subterranea du XVIIe siècle. De même, la priorité indiscutable accordée par Deleuze et Guattari à la « cartographie » par rapport au « calque » se retrouve à l’identique dans le corpus thiéfainien où figure la dénomination à la résonance évocatrice de « cartographie des ténèbres », par opposition au verdict de dépréciation dont sont l’objet tous les objets issus d’une technique de reproduction à l’identique, qu’il s’agisse des maladies « à décalquer sur les poumons en suivant les pointillés214 » dans « exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable » ou de la remarque lancée dans « le vieux bluesman & la bimbo » à l’adresse de la figure féminine « il est trop tard pour décalquer ma peau / sur ton tambour en faisant des saltos215 ». Notons brièvement qu’un substitut adéquat du « calque » est le « cliché216 » qui apparaît doté de l’ensemble des caractéristiques attribuées par Deleuze et Guattari au « calque », à commencer par la notion de filiation en ligne directe que celui-ci véhicule, et dont le « cliché » se voit également investi dans le discours thiéfainien en tant que moyen de reproduction au sens biologico-génétique du terme.
Le « rhizome » du discours thiéfainien dont il s’agit de dresser la « cartographie » tire une part essentielle de sa dynamique de développement du processus de déclinaison totalement original dont on va immédiatement tenter de préciser brièvement le caractère proprement sériel, et qui enrichit sans cesse depuis le début de la création de l’auteur la structure spécifique définie par Henry Miller dans Le temps des assassins à partir de la constatation révélatrice que « tout écrivain est obsédé par un certain nombre de mots qu’il ne cesse de se répéter et qui nous apprennent beaucoup plus sur lui que toutes détails collectionnés par de patients biographes. […] Ils sont la trame et le fil conducteur de son paysage intime217 ». La démonstration apportée par Miller dans son essai à propos de des textes de Rimbaud peut en effet être réitérée dans les mêmes conditions en ce qui concerne le corpus thiéfainien dont nous avons nous-même réalisé – en préalable à toute investigation de détail du corpus des chansons et a fortiori antérieurement à la rédaction de toute contribution scientifique – un inventaire à visée exhaustive, dont les résultats sont contenus dans un catalogue en instance de publication de plus de 300 pages, qui est d’ailleurs appelé à s’élargir encore avec la parution des futurs albums. Le processus en question – dont existe une amorce encore fragmentaire et qu’on s’abstiendra de détailler ici chez les romantiques allemands et notamment Heine – conduit à l’élaboration d’un langage poétique entièrement chiffré non de par son seul caractère énigmatique et/ou polysémique, mais bien dans la substance même de ses constituants verbaux dans la mesure où certains termes, constructions ou séquences se répondent d’une chanson à l’autre voire tout au long du parcours de l’auteur, créant de facto un lexique thiéfainien dont les éléments peuvent être recensés séparément mais dont le caractère essentiellement dynamique génère un réseau de correspondances particulièrement développé qui embrasse l’ensemble des textes des chansons sans exception aucune. Un exemple suggestif de ces résonances sans fin – qui restera comme on peut aisément le comprendre le seul examiné dans le présent article – est offert par ce qu’on peut appeler la « série du soleil », qui réunit au moins trois chansons dont certaines séquences se répondent de façon directe indépendamment du contexte général, l’effet d’écho autorisant une mise bout à bout des formulations concernées qui deviennent à elles seules les maillons d’une enchaînement spécifique, qui se poursuit au-delà des trois textes qui en forment le noyau initial. Le vers de « redescente climatisée » « un vieux soleil glacé retraverse la nuit218 » forme le point de départ de la série auquel le titre de l’album Soleil cherche futur ainsi que sa forme chiffrée « 713705 cherche futur219 » utilisée pour l’intitulé de la chanson d’ouverture apportent un complément à l’apparence prometteuse – puisqu’il semble opposer un démenti au slogan no future ou tout du moins ne pas en sceller l’accomplissement – jusqu’à ce que le refrain de « lobotomie sporting club » « soleil-cafard / futur glacé220 » vienne inverser les critères d’appréciation par la seule redistribution du participe épithète, mettant un terme apparent à toute attente d’un futur porteur de vie mais confirmant par là même la validité intemporelle de la constatation initiale, le « vieux soleil glacé » incarnant en fait d’emblée le futur que la « fin programmée221 » est censée apporter. La forte composante auto-référentielle dont est doté le discours thiéfainien est par définition – et ainsi qu’on vient d’en apporter la démonstration – repérable au seul niveau de détail des textes, sachant en outre que la perception des résonances « souterraines » n’obère en rien l’impact émanant d’une chanson écoutée en tant que telle, sans souci de repérer les diverses lignes de correspondances, tandis que l’importance et les ramifications du réseau des échos en série – dont l’enchaînement analysé ici ne représente qu’un exemple pris isolément parmi une multitude de configurations analogues – s’accroissent naturellement avec les années.
On peut d’ailleurs le constater à travers le prolongement à la « série du soleil » apporté par la conclusion de « médiocratie… » : « devons-nous croire à un réveil / dans l’au-delà des jours fériés / avec la photo du soleil / brillant sur nos calendriers ?222 ». Le remplacement du soleil – qui n’est plus ni « vieux » ni « glacé » pour la simple raison qu’il n’est plus présent en tant que tel – par sa reproduction artificielle ou éventuellement par la lumière au sens générique du terme à laquelle renvoie la lecture étymologique – la « photo » étant de surcroît circonscrite à un cadre qui a tout au plus la valeur d’un substitut de la sphère naturelle – signale au plan explicite une nouvelle altération de son état voire son effacement sans remède, en dépit du doute que laisse planer tout y mettant indirectement un terme l’ambiguïté de la présentation en forme de question rhétorique. Abstraction faite des réaccentuations susceptibles d’intervenir au niveau implicite – et qu’on laisse également de côté pour ce qui est des autres constituants de la « série du soleil » –, la séquence citée augmente tout en la réorientant la probabilité du no future en tant que seule perspective offerte au soleil et avec lui à l’existence tant de l’homme que de l’univers. Ainsi se dessine un schéma évolutif résultant de la seule juxtaposition de vers ou de fragments de vers relevant d’une même strate du « paysage intime », et dont l’examen ouvre la voie à des associations dotées d’un authentique potentiel exégétique. La question du caractère délibéré de la constitution du « rhizome » thiéfainien mise à part – et se révélant par ailleurs sans objet puisqu’elle n’influe pas sur la perception du réseau « souterrain » –, les mécanismes d’élaboration et de fonctionnement du corpus thiéfainien tels qu’on a tenté de les décrire correspondent en tous points aux caractéristiques décelées dans « l’œuvre-machine » de Philip K. Dick par l’auteur de la préface à une anthologie de ses écrits : « Imaginez les pièces d’une machine, ou d’un puzzle, qui, toutes et toujours, se juxtaposent parfaitement les unes aux autres, et toutes et toujours constituent une image nouvelle ou se mettent aussitôt à fonctionner.223 ». Pour parvenir à une appréhension adéquate de ce corpus à l’extension multidirectionnelle et potentiellement infinie, l’analyste du discours thiéfainen se voit donc logiquement conduit à adopter pour sa part l’« optique esthétique » définie – toujours chez Philip K. Dick dont l’interview citée plus haut a souligné la place qui lui revient dans les lectures de Thiéfaine – par un personnage du Temps désarticulé : « Vous distinguez un certain schéma dans l’espace et dans le temps, et vous essayez de le compléter, de prévoir où il s’étendra si on le rallonge224. »
Pour citer un dernier exemple des « associations coulant obliquement » ou du « voyage de réflexe en réflexe225 » tels qu’ils caractérisent le processus autonome de déclinaison sérielle, il est révélateur que les vers déjà cités de « critique du chapitre 3 » « & les roses de l’été / sont souvent aussi noires / que les charmes exhalés / dans nos trous de mémoire226 » reçoivent une continuation sous-jacente dans « les fastes de la solitude » dont le premier vers « les fleurs de rêve obscur secrètent de noirs parfums227 » apparaît conditionné par la modification ou le cas échéant la permutation de chacun des termes de l’énoncé antérieur. La substitution du « rêve obscur » aux « trous de mémoire » va de pair avec la conservation voire le renforcement de la coloration « noire » déjà attribuée aux « roses de l’été » et qui se déplace ici des « fleurs » à leurs « parfums », entraînant la création d’une synesthésie remarquablement suggestive dans laquelle se reflètent les réflexions exposées par Bachelard dans le chapitre liminaire de L’Eau et les rêves : « Au fond de la matière pousse une végétation obscure ; dans la nuit de la matière fleurissent des fleurs noires. Elles ont déjà leur velours et la forme de leur parfum228. ». Par la logique inhérente au processus associatif, le discours poétique plonge naturellement dans les profondeurs archétypales de l’activité onirique, rejoignant du même coup les circonstances de création de la chanson dont l’auteur indique qu’il l’a conçue en rêve, puis s’est efforcé de se réveiller pour la coucher sur le papier229.
Alors que sa nature de « prolégomènes » interdit par définition au présent article toute investigation exhaustive de ce corpus semblable à un « corps dont les organes sont toujours vivants, toujours recomposés, toujours prêts à de nouveaux agencements et à de nouvelles fonctions230 », signalons toutefois que celle-ci est en cours de réalisation en tant que premier volume de notre série consacrée à l’analyse du discours poétique et musical des chansons de Thiéfaine. Si la dimension musicale est ici passée sous silence, elle ne réclame en effet pas moins d’attention dans le cadre d’une exégèse globale, qui débouche pour l’essentiel précisément sur la constatation d’une adéquation totale entre les deux registres d’expression tant sur le plan des éléments structurants que sur celui du processus d’écriture, qui repose pour une large part sur l’interpénétration constante des deux discours, ainsi que le précise l’auteur relatant sa décision d’adolescent de réunir son cahier de poésie et son cahier de chansons : « À partir de ce moment-là, je me suis dit qu’un cahier suffisait : ce que j’essaie de faire passer à l’écrit, on va le mettre à l’oral et on va chanter, ce sera plus abouti !231 » Le caractère « plus abouti » qui résulte de l’alliance de la poésie et de la musique se traduit notamment par le recours constant aux critères musicaux en tant que facteur d’élaboration de l’écriture poétique, renforçant la priorité déjà revendiquée de la composante sonore par rapport à l’élément sémantique232 : « dans une chanson la sonorité des mots est importante. C’est sur ce point que les Anglais sont supérieurs à nous : leur langue est faite pour ça, ça glisse. J’essaie quant à moi d’avoir les mêmes sonorités en français. Ils se disent : “Mais qu’est-ce qu’il a voulu dire ?” Mais il a juste eu envie de chanter, c’est tout ! Parfois cela correspond à ce que je veux dire mais ça ne sonne pas, alors je déguise et j’utilise des mots qui vont sonner pour casser le sens de la phrase. Je m’en fous, je suis chanteur, je ne suis pas théoricien. Alors oui, ça fait bizarre, mais peu importe, je suis un musicien et quand j’écris il faut que ma musique soit autant dans les textes que dans les notes233. »
On conclura cette description encore partielle des principales caractéristiques du discours thiéfainien en faisant à nouveau appel à la voix essentielle pour l’auteur qu’est celle de Philip K. Dick, dont la présence dans le halo référentiel des textes des chansons a été mise en exergue tant ici même que dans de précédentes contributions234 mais dont il importe d’abord de dégager les éléments de nature proprement poétologique, qui présentent une adéquation suggestive avec le projet artistique de Thiéfaine et les modalités d’élaboration de son discours poétique.
Le personnage principal du Temps désarticulé réfléchissant sur « le problème central de la philosophie » arrive à la conclusion qu’il consiste dans « la relation entre le mot et l’objet… Qu’est-ce qu’un mot ? Un signe arbitraire. Mais nous vivons avec des mots. Notre réalité se situe dans un univers de mots, non de choses. […] Le mot est plus réel que l’objet qu’il désigne. Le mot ne représente pas la réalité, le mot est la réalité. Du moins pour nous. Dieu, lui, parvient peut-être à atteindre l’objet. Mais pas nous235. » Dépouillé de ses connotations métaphysiques dont la pertinence éventuelle ne trouve pas d’écho dans l’écriture des chansons, un tel postulat recouvre exactement l’authenticité profonde du discours thiéfainien dont la nature « d’acrobatie verbale236 », l’agencement en strates multiples porteuses chacune d’un processus discursif qui lui est propre et la polysémie plurilingue témoignent chacun à sa manière de l’adhésion à la priorité des « mots » – et bien entendu des « sons » – telle qu’on a tenté d’en décliner les divers aspects tout au long de ces lignes. Dans une variante significative de la réponse apportée à l’interrogation sur la nature de la réalité, la réflexion développée dans Siva substitue ensuite aux « mots » en tant que seule manifestation valide de la réalité le phénomène de l’irruption de dieu dans le monde, auquel le renvoi à Héraclite apporte l’autorité d’un authentique fondement philosophique : « Dans le fragment 123, Héraclite affirme : “La nature des choses a coutume de se dissimuler. ” Et dans le fragment 54 : “La structure invisible l’emporte sur la visible” […] Si la réalité est “cachée” dans une certaine mesure, qu’entend-on alors par “théophanie” ? Parce qu’une théophanie est un surgissement de Dieu, un surgissement qui équivaut à une invasion de notre monde, et pourtant notre monde n’est qu’apparence, il n’est qu’“harmonie visible” que surpasse une “harmonie invisible”. […] Parce que si Héraclite a raison, il n’est d’autre réalité que celle des théophanies ; le reste n’est qu’illusion237 ». Par le rétablissement de l’équivalence implicite entre les « mots » et la « théophanie », l’« harmonie visible » de la création poétique et la révélation de son « harmonie invisible » s’élèvent au rang d’une « théophanie » au plein sens du terme, justifiant l’amalgame implicite des deux énoncés dont le discours des chansons incarne la réalisation aussi achevée que tangible. Prolongeant avec subtilité et une note auto-ironique le postulat dickien d’une « théophanie » dont le vecteur serait désormais la fulguration poétique, l’identité sémantique – révélée par l’étymologie du nom propre – entre le vocable « théophanie » et le nom même de Thiéfaine prend alors la valeur à la fois d’une « rencontre fortuite238 » et d’une adéquation pleinement assumée par l’auteur : la résonance symbolique est même revendiquée dans toute son ambivalence parodique à travers la signature « Théophane de Monstredieu239 » qui figure dans L’agenda d’un mort européen au bas d’une strophe datée du « XVe », dans laquelle la reconstitution virtuose de la langue du Moyen Âge sert de support à l’énonciation de préoccupations qui auraient pu certes être celles de Villon, mais qui renvoient tout autant aux conditions d’existence d’un auteur-compositeur-interprète du XXIe siècle. En réunissant les deux sens du verbe grec φαίνομαι – « apparaître » ou bien « faire apparaître », soit « montrer » –, la double paraphrase du patronyme « Thiéfaine » offerte par le pseudonyme à la transparence révélatrice – une fois dépassée l’impression déroutante qu’il est susceptible de produire au premier abord – apparaît tant comme le signe de l’adhésion à la conception poétologique de la « théophanie » conçue comme l’ultime horizon de l’entreprise artistique que comme la revendication provocatrice de son détournement, tel que le réalise dans le discours des chansons le processus récurrent de travestissement parodique.
Notes de bas de page
1 Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles / De l’autre côté du miroir [1871], illustrations de John Tenniel, traduction de Jacques Papy, édition présentée et annotée par Jean Gattégno, Paris, Gallimard, 1994, coll. « folio », pp. 269-275.
2 H.F. Thiéfaine, « sentiments numériques revisités », in La tentation du bonheur, Paris, Sony, 1996.
3 H.F. Thiéfaine, « sentiments numériques revisités ».
4 H.F. Thiéfaine, « pulque mescal y tequila », in Eros ûber alles, Paris, Sterne, 1988.
5 H.F. Thiéfaine, « une ambulance pour elmo lewis », in Défloration 13, Paris, Sony, 2001.
6 Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles / De l’autre côté du miroir, p. 275.
7 Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles / De l’autre côté du miroir, p. 275.
8 H.F. Thiéfaine, « sentiments numériques revisités ».
9 Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles / De l’autre côté du miroir, p. 269.
10 https://www.merriam-webster.com/dictionary/humpty-dumpty
11 H.F. Thiéfaine, extrait du quatrain récité en prélude à l’interprétation en concert de « les dingues et les paumés », Routes 88, Paris, Sterne, 1988.
12 Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles / De l’autre côté du miroir, p. 275.
13 Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles / De l’autre côté du miroir, p. 276.
14 H.F. Thiéfaine, « whiskeuses images again », in Alambic – sortie sud, Paris, Sterne, 1984.
15 Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles / De l’autre côté du miroir, p. 136.
16 http://musique.rfi.fr/musique/20110304-hubert-felix-thiefaine-cracheur-mots
17 Philip K. Dick, Humpty Dumpty à Oakland [1960], traduit de l’anglais par Jean-Paul Naudon, Paris, Joëlle Losfeld, 2001, coll. « Arcanes », p. 234.
18 https://www.facebook.com/notes/hubert-felix-ou-thiefaine/le-sens-pour-moi-cest-pas-intéressant/351713144935464/
19 Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles / De l’autre côté du miroir, note p. 362.
20 https://www.lemonde.fr/culture/article/2011/02/28/thiefaine-je-suis-une-sorte-de-limace-qui-secrete-des-chansons-dans-sa-trace_1486226_3246.html
21 H.F. Thiéfaine, texte de présentation du coffret H.F. Thiéfaine – 40 ans de chansons. L’intégrale des albums studio en vinyles, Paris, Sony, 2018.
22 http://musique.rfi.fr/musique/20110304-hubert-felix-thiefaine-cracheur-mots
23 https://www.causeur.fr/thiefaine-mai-68-nihiliste-gauchistes-151172#disqus_thread
24 https://www.causeur.fr/thiefaine-mai-68-nihiliste-gauchistes-151172#disqus_thread
25 H.F. Thiéfaine, « cabaret sainte lilith », in Dernières balises (avant mutation), Paris, Sterne, 1981.
26 H.F. Thiéfaine, « cabaret sainte lilith ».
27 Arthur Rimbaud, « lettre à Paul Démery, 15 mai 1871 », Œuvres complètes, Édition d’André Guyaux avec la collaboration d’Aurélia Cervoni, Paris, Gallimard, 2009, coll. « La Pléiade », p. 344.
28 H.F. Thiéfaine, « annihilation », in Séquelles [édition collector], Paris, Sony, 2009.
29 Roland Barthes, Le Plaisir du texte, Paris, Éditions du Seuil, 1973, p. 89.
30 Roland Barthes, Le Plaisir du texte, p. 89.
31 Roland Barthes, Le Plaisir du texte, p. 89.
32 Roland Barthes, Le Plaisir du texte, p. 78.
33 Roland Barthes, Le Plaisir du texte, p. 78.
34 Roland Barthes, Le Plaisir du texte, p. 78.
35 H.F. Thiéfaine, « première descente aux enfers par la face nord », in Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir, Paris, Sterne, 1978.
36 Roland Barthes, Le Plaisir du texte, p. 79.
37 Roland Barthes, Le Plaisir du texte, p. 79.
38 H.F. Thiéfaine, « comment j’ai usiné ma treizième défloration », in Défloration 13 (CD-ROM), Paris, Sony / Lilith Érotica, 2001.
39 https://legrenierdumacumbanight.wordpress.com/page/57/ (19 décembre 2011).
40 http://expositions.bnf.fr/brouillons/expo/3/listes.htm
41 Plutarque, Consolation à sa femme, 8, http://remacle.org/bloodwolf/historiens/Plutarque/consolation.htm
42 H.F. Thiéfaine, « droïde song », in Eros über alles, Paris, Sterne, 1988.
43 H.F. Thiéfaine, « droïde song ».
44 H.F. Thiéfaine, « des adieux… », in La tentation du bonheur.
45 H.F. Thiéfaine, « camélia / huile sur toile », in Défloration 13.
46 H.F. Thiéfaine, « camélia / huile sur toile ».
47 H.F. Thiéfaine, « exil sur planète-fantôme », in Dernières balises (avant mutation).
48 cf. Hubert P. Heinen, Permutability and mutation, University of Texas, Austin.
49 On peut s’en faire idée pour les textes de Défloration 13 à travers les étapes successives de leur élaboration révélées dans « comment j’ai usiné ma treizième défloration ».
50 H.F. Thiéfaine, « comment j’ai usiné ma treizième défloration ».
51 H.F. Thiéfaine, « comment j’ai usiné ma treizième défloration ».
52 Roland Barthes, « La rature » [1966], Le bruissement de la langue. Essais critiques IV, Paris, Éditions du Seuil, 1984, collection « Points Essais », p. 228.
53 Roland Barthes, « La rature », p. 232.
54 H.F. Thiéfaine, « special ado sms blues », in Amicalement blues, Paris, Sony/RCA, 2007.
55 Roland Barthes, « La rature », p. 232.
56 H.F. Thiéfaine, « special ado sms blues ».
57 H.F. Thiéfaine, « special ado sms blues. ».
58 H.F. Thiéfaine, « special ado sms blues ».
59 H.F. Thiéfaine, « special ado sms blues ».
60 H.F. Thiéfaine, « special ado sms blues ». La dimension christique de la figure de l’« ado » et de façon générale la coloration métaphysico-eschatologique du texte gagneraient à faire l’objet d’une analyse de détail qui en ferait également ressortir la polysémie récurrente, dont la perception conduit à une remise en question de la supposée univocité blasphématoire des divers énoncés au profit de la reconnaissance de l’agencement complexe des éléments du puzzle d’inspiration biblique, dont l’impact symbolique reste éminemment perceptible jusque dans le détournement dont ils font l’objet.
61 cf. le discours d’introduction à la chanson dans les concerts de l’Homo Plebis Ultimae Tour (2011-2013) et notamment dans l’enregistrement live officiel, Paris, Sony/Columbia, 2012.
62 Roland Barthes, « La rature », p. 230-231.
63 H.F. Thiéfaine, « l’étranger dans la glace », in Scandale mélancolique.
64 Roland Barthes, « La rature », p. 230.
65 Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe [1942], Œuvres complètes, I, 1931-1944, Édition publiée sous la direction de Jacqueline Lévi-Valensi, Paris, Gallimard, 2006, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », p. 234.
66 H.F. Thiéfaine, « l’étranger dans la glace ».
67 Philip K. Dick, Ubik [1969], in Aurore sur un jardin de palmes, Paris, Omnibus / Presses de la Cité, 1994, pp. 501-671, p. 509 pour la citation.
68 Philip K. Dick, Ubik, p. 510.
69 H.F. Thiéfaine, « l’étranger dans la glace ».
70 H.F. Thiéfaine, « l’étranger dans la glace ».
71 Roland Barthes, « La rature », p. 228.
72 Roland Barthes, « La rature », p. 228.
73 H.F. Thiéfaine, « l’étranger dans la glace ».
74 Roland Barthes, « La rature », p. 228.
75 Roland Barthes, « La rature », p. 228.
76 H.F. Thiéfaine, « l’étranger dans la glace ».
77 Roland Barthes, « La rature », p. 229.
78 H.F. Thiéfaine, « l’étranger dans la glace ».
79 H.F. Thiéfaine, « l’étranger dans la glace ».
80 Roland Barthes, « La rature », p. 232.
81 Roland Barthes, « La rature », p. 232.
82 H.F. Thiéfaine, « critique du chapitre 3 », in La tentation du bonheur.
83 https://www.causeur.fr/thiefaine-mai-68-nihiliste-gauchistes-151172#disqus_thread
84 H.F. Thiéfaine, « annihilation ».
85 https://www.causeur.fr/thiefaine-mai-68-nihiliste-gauchistes-151172#disqus_thread
86 H.F. Thiéfaine, « toboggan », in Stratégie de l’inespoir, Paris, Sony/Columbia, 2014. Signalons la remarquable définition du discours poétique de Thiéfaine contenue dans le commentaire élaboré à partir du même vers cité sous la forme « fabricant de réminiscences » : « ça veut dire que non seulement je suis un voleur, mais que je suis un receleur aussi », https://www.youtube.com/watch?v=0cONL5c0vKo (émission Alcaline l’instant du 5/12/2014).
87 H.F. Thiéfaine, « une ambulance pour elmo lewis », in Défloration 13 ; « confessions d’un never been », in Scandale mélancolique, Paris, Sony, 2005.
88 H.F. Thiéfaine, « was ist das rock’n’roll ? », in Eros über alles.
89 H.F. Thiéfaine, « critique du chapitre 3 ».
90 Guy Debord / Gil Wolman, Mode d’emploi du détournement [1956], Guy Debord, Œuvres, Édition établie et annotée par Jean-Louis Rançon en collaboration avec Alice Debord, Paris, Gallimard, 2006, collection « quarto », p. 222.
91 Guy Debord / Gil Wolman, Mode d’emploi du détournement, p. 222.
92 Guy Debord / Gil Wolman, Mode d’emploi du détournement, p. 227.
93 On trouvera la liste complète des réalisations sur la page http://unice.fr/membres/tous-les-membres/ctel/salvan-renucci-francoise ainsi que sur la page « Projet et Travaux » du site www.fsalvanrenucci-projet-thiefaine.com, les travaux déjà publiés pouvant être consultés sur la page « Travaux en ligne ».
94 H.F. Thiéfaine, « 713705 cherche futur », in Soleil cherche futur, Paris, Sterne, 1982.
95 H.F. Thiéfaine, « mathématiques souterraines », in HFT en concert, volume 1, Paris, Sterne, 1983.
96 H.F. Thiéfaine, « rock autopsie », in Scandale Mélancolique Tour, Paris, Sony, 2007.
97 Isidore Isou, Explication sur la Créatique et la Novatique, Paris, CICK, 1978, p. 5.
98 Isidore Isou, Explication sur la Créatique et la Novatique, p. 5.
99 Isidore Isou, Explication sur la Créatique et la Novatique, p. 5.
100 Isidore Isou, Explication sur la Créatique et la Novatique, p. 5.
101 https://sharedsite.com/hlm-de-renaud/bar-tabac/forum/phpBB3/viewtopic.php?t=27588 (entretien avec Hubert Félix Thiéfaine, par Vincent Capraro, 06/11/2016)
102 Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, Paris, Gallimard, 1947, p. 66.
103 Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, p. 67.
104 H.F. Thiéfaine, « was ist das rock’n’roll ? ».
105 http://www.thiefaine.org/presse/interviews-thiefaine.html (Guitares et Claviers n° 85, 1988).
106 http://musique.rfi.fr/musique/20110304-hubert-felix-thiefaine-cracheur-mots
107 https://www.telerama.fr/musique/hubert-felix-thiefaine-je-suis-l-ado-qui-ne-veut-pas-mourir-idiot,78275.php
108 http://leelooh.free.fr/media/interview/interview3.html
109 http://leelooh.free.fr/media/article/article12.html
110 https://www.lanouvellerepublique.fr/actu/hubert-felix-thiefaine-c-est-mon-cote-t-es-pas-cap
111 http://www.leparisien.fr/musique/albums/hubert-felix-thiefaine-je-suis-plus-en-forme-qu-avant-06-10-2014-4191483.php
112 https://guce.oath.com/collectConsent?brandType=nonEu&.done=https%3A%2F%2Fquebec.huffingtonpost.ca%2F2013%2F05%2F29%2Fhubert-felix-thiefaine-supplements-dame-entrevue_n_3353960.html%3Fguccounter%3D1&sessionId=3_cc-session_ea5b5177-8def-407b-b5d1-13fe1ac76129&lang=fr-ca&inline=false
113 http://www.dhnet.be/medias/musique/hubert-felix-thiefaine-le-renouveau-d-un-survivant-51b78647e4b0de6db97fd41d
114 Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, p. 57.
115 Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, p. 68.
116 Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, p. 31.
117 Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, p. 67.
118 Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, p. 100.
119 Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, p. 104.
120 Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, p. 119.
121 Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, p. 159.
122 Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, p. 58.
123 http://www.lavoixdunord.fr/archive/recup%3A%252Fregion%252Fthiefaine-a-lille-une-chanson-qui-raconte-des-ia19b0n3083420
124 H.F. Thiéfaine, « dies ole sparadrap joey », in Meteo für nada, Paris, Sterne, 1986.
125 http://leelooh.free.fr/media/interview/interview15.html
126 H.F. Thiéfaine, « bruits de bulles », in Fragments d’hébétude, Paris, Sony, 1993.
127 H.F. Thiéfaine, « bruits de bulles ».
128 H.F. Thiéfaine, « photographie-tendresse », in Dernières balises (avant mutation).
129 H.F. Thiéfaine, « bruits de bulles ».
130 H.F. Thiéfaine, « bruits de bulles ».
131 H.F. Thiéfaine, « photographie-tendresse », in Dernières balises (avant mutation).
132 H.F. Thiéfaine, « photographie-tendresse ». Traduction : « où est le sang ? j’ai soif ».
133 H.F. Thiéfaine, « 113e cigarette sans dormir », in Dernières balises (avant mutation).
134 H.F. Thiéfaine, « 113e cigarette sans dormir ».
135 Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, p. 144.
136 Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, p. 142.
137 H.F. Thiéfaine, « loin des temples en marbre de lune », in Scandale mélancolique.
138 H.F. Thiéfaine, « loin des temples en marbre de lune ».
139 Jorge Luis Borges, La Demeure d’Astérion [1957], cité d’après http://rue74.fr/portail/data/aleph.pdf , § 5.
140 H.F. Thiéfaine, « loin des temples en marbre de lune ».
141 Jorge Luis Borges, La Demeure d’Astérion, § 5, lignes 48-52.
142 Jack Kerouac, Les Souterrains [1958], traduction par Jacqueline Bernard, Paris, Gallimard, [1964] 1985, coll. « folio », p. 15.
143 H.F. Thiéfaine, « angélus », in Stratégie de l’inespoir.
144 Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois [1854] traduction par Louis Fabulet, Paris, Gallimard, 1990, p. 12.
145 H.F. Thiéfaine, « exit to chatagoune-goune », in Soleil cherche futur.
146 Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, p. 144.
147 Jim Morrison, Écrits, édition bilingue, Paris, Christian Bourgois, 1993, p. 92.
148 Gérard de Nerval, Lénore, in Poésies allemandes [1830], Paris, Éditions Garnier Frères, 1877, pp. 394-398.
149 H.F. Thiéfaine, « nyctalopus airline », in Alambic / sortie sud.
150 H.F. Thiéfaine, « nyctalopus airline ».
151 Charles Baudelaire, L’Amour assassin, in Les Fleurs du Mal [1857], Œuvres complètes, préface de Claude Roy, commentaire et notes de Michel Jamet, Paris, Robert Laffont, 1980, coll. « Bouquins », p. 88.
152 H.F. Thiéfaine, « un vendredi 13 à 5 heures », in Alambic / sortie sud.
153 Richard Strauss, Ruhe, meine Seele, op. 27, n°1, Vienne (Autriche), Universaledition, 1894. La connaissance des lieder de Strauss par Thiéfaine – dont la familiarité avec la langue allemande relève par ailleurs de l’évidence – peut être inférée avec une quasi-certitude des passages de Au-dessous du volcan de Malcolm Lowry – roman dont la présence est récurrente dans le discours implicite des chansons de Thiéfaine et dont l’auteur est mentionné explicitement dans « pulque, mescal y tequila » [in Eros über alles] – qui évoquent les lieder de Strauss et notamment celui intitulé Allerseelen (Jour des morts), en correspondance symbolique avec la date de l’action du roman qui s’étend du 2 novembre 1938 au 2 novembre 1939. cf. Malcolm Lowry, Au-dessous du volcan[1940], traduit de l’anglais par Stephen Spriel avec la collaboration de Clarisse Francillon et de l’auteur, Paris, Gallimard, 1973, coll. « folio », pp. 93, 266.
154 Charles Baudelaire, Recueillement, Œuvres complètes, p. 127.
155 H.F. Thiéfaine, « scènes de panique tranquille », in Dernières balises (avant mutation).
156 H.F. Thiéfaine, Scènes de panique tranquille, in Dernières balises (avant mutation).
157 Albert Camus, L’État de siège, Œuvres complètes II, Paris, Gallimard, 2008, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », p. 456.
158 Albert Camus, L’État de siège, p. 456.
159 H.F. Thiéfaine, « villes natales et frenchitude », in Chroniques bluesymentales, Paris, Sony, 1990.
160 H.F. Thiéfaine, « villes natales et frenchitude », in Chroniques bluesymentales.
161 http://www.cnrtl.fr/etymologie/matou
162 Alphonse de Lamartine, L’Isolement, Méditations poétiques, Paris, Dépôt de la librairie grecque-latine-allemande, 1820, p. 1.
163 Alphonse de Lamartine, Invocation, Méditations poétiques, p. 59-60. Avec Keats et Schiller, Lamartine est mentionné par Thiéfaine comme prototype du poète dans « comment j’ai usiné ma treizième défloration ».
164 H.F. Thiéfaine, « gynécées », in Scandale Mélancolique.
165 https://www.unicaen.fr/puc/images/07psychiatries_histoire.pdf http://eduardo.mahieu.free.fr/Cercle%20Ey/CirculoEy/maladie-sacree.htm
166 https://www.ouest-france.fr/culture/musiques/musique-hubert-felix-thiefaine-se-raconte-en-chansons-video-2974814
167 H.F. Thiéfaine, « confessions d’un never been », in Scandale mélancolique.
168 On trouvera une description encore provisoire du halo associatif des « confessions d’un never been » dans Françoise Salvan-Renucci, « “adieu gary cooper adieu che guevara” : quelques exemples de la référence à Romain Gary dans l’œuvre de Hubert-Félix Thiéfaine », http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=7743, et « “trafiquant de réminiscences” : autour du projet artistique de Hubert-Félix Thiéfaine », Conférence n° 1, Bruxelles 1, Point Culture, 23/04/2015, https://www.youtube.com/watch?v=c4kI3rXBb10&t=4s
169 Aristote, L’Homme de génie et la mélancolie, Traduction, présentation et notes de J. Pigeaud, Paris, Rivages Poche, 1991, coll. « Petite Bibliothèque ».
170 https://www.dailymotion.com/video/xs82r1 (interview au Paléo Festival de Nyon 2012).
171 H.F. Thiéfaine, « affaire rimbaud », in Meteo für nada.
172 Thiéfaine précise les circonstances d’élaboration de la chanson dans l’interwiew intitulée « l’affaire du rimbaud warrior », Guitares et claviers n° 85, 1988.
173 H.F. Thiéfaine, « affaire rimbaud ».
174 H.F. Thiéfaine, « affaire rimbaud ».
175 Arthur Rimbaud, Le Dormeur du Val, Œuvres complètes, Édition établie, présentée et annotée par Pierre Brunel, Paris, Le Livre de Poche, 1999, p. 217.
176 H.F. Thiéfaine, « annihilation ».
177 Paul Verlaine, Confessions, Messein, Vanier, 1905, p. 58.
178 cf. Françoise Salvan-Renucci, « “quand la fée aux yeux de lézard / me plonge dans ses brouillards nacrés” : l’évocation de l’absinthe dans le discours poétique d’une chanson de H.F. Thiéfaine », L’Actualité Verlaine 2018, pp. 34-38.
179 H.F. Thiéfaine, « annihilation ».
180 Arthur Rimbaud, lettre à Georges Izambard du 13 mai 1871, Œuvres complètes, p. 236.
181 H.F. Thiéfaine, « annihilation ».
182 Charles Baudelaire, L’Horloge, in Les Fleurs du Mal, Œuvres complètes, p. 59.
183 Charles Baudelaire, Richard Wagner et le Tannhäuser à Paris, Œuvres complètes, p. 859.
184 Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, p. 144.
185 Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, p. 66.
186 Isidore Isou, Traité de Bave et d’Éternité, Paris, Gallimard, 1954, coll. « Œuvres de spectacle », p. 79.
187 Jean Théfaine, Hubert Félix Thiéfaine – Jours d’orage, Paris, Fayard, deuxième édition revue et augmentée, 2011, p. 380. La place manque pour récapituler les innombrables renvois à Nietzsche dans le corpus des chansons, mais on peut au moins signaler que le titre de l’album Suppléments de mensonge reprend directement la traduction par Pierre Klossowski du titre d’un chapitre du Gai Savoir. cf. https://www.youtube.com/watch?v=1Y9qfBZ997U (discours pour la remise du Grand Prix de la SACEM 2011) et https://mytaratata.com/taratata/387/interview-hf-thiefaine-2011 (interview à propos de l’album).
188 H.F. Thiéfaine, « petit matin 4.10. heure d’été », in Suppléments de mensonge, Paris, Sony/Columbia, 2011.
189 H.F. Thiéfaine, « droïde song », in Eros über alles.
190 H.F. Thiéfaine, « sweet amanite phalloïde queen », in Meteo für nada. La variante live « bella primadonna » restitue explicitement à la figure féminine sa dimension musicale dans le concert à Saint-Martin du 01/03/2013, https://www.youtube.com/watch?v=-NY_PQVupK4. L’entrelacement référentiel repérable dans le discours de la chanson est détaillé dans Françoise Salvan-Renucci, « “ne vous retournez pas la facture est salée” : la relecture des textes sacrés (Bible, Coran) dans le discours poétique des chansons de H.F. Thiéfaine », Conférence n°8, Angers, 29/02/2016, https://www.youtube.com/watch?v=uiwLjFUbz4w.
191 Isidore Isou, Traité de Bave et d’Éternité, p. 79.
192 Isidore Isou, Traité de Bave et d’Éternité, p. 106.
193 https://www.lepopulaire.fr/limoges/loisirs/art-litterature/2013/01/11/hubert-felix-thiefaine-40-ans-de-scene-et-de-rencontres-avec-un-public-de-plus-en-plus-large_1400536.html
194 H.F. Thiéfaine, « syndrome albatros », in Eros über alles.
195 H.F. Thiéfaine, « confessions d’un never been ».
196 https://www.dailymotion.com/video/x330tb4 (interview au festival Cabaret Vert, 23/08/2015).
197 H.F. Thiéfaine, « les dingues et les paumés », in Soleil cherche futur.
198 H.F. Thiéfaine, « annihilation ».
199 H.F. Thiéfaine, « vendôme gardénal snack », in De l’amour, de l’art ou du cochon ?, Paris, Sterne, 1980.
200 H.F. Thiéfaine, « syndrome albatros ».
201 H.F. Thiéfaine, « syndrome albatros ».
202 https://www.ladepeche.fr/article/2018/06/05/2811522-hubert-felix-thiefaine-j-ai-toujours-aime-provoquer.html
203 H.F. Thiéfaine, « photographie d’un rêveur », in Amicalement blues.
204 H.F. Thiéfaine, « droïde song ».
205 H.F. Thiéfaine, « loin des temples en marbre de lune ».
206 https://laval.maville.com/actu/actudet_-Hubert-Felix-Thiefaine-Supplement-de-mensonge-en-ecoute-_40501-1718551_actu.Htm (Ouest-France, 01/03/2011).
207 Isidore Isou, Traité de Bave et d’Éternité, Paris, Gallimard, 1954, coll. « Œuvres de spectacle », p. 49.
208 H.F. Thiéfaine, « le jeu de la folie », in Scandale mélancolique.
209 H.F. Thiéfaine, « exil sur planète-fantôme ».
210 H.F. Thiéfaine, « whiskeuses images again », in Alambic / sortie sud.
211 H.F. Thiéfaine, « la ballade d’abdallah geronimo cohen », in Le bonheur de la tentation, Paris, Sony, 1998.
212 Friedrich Nietzsche, Ecce homo [1888], traduit de l’allemand par Henri Albert, Œuvres II, Édition dirigée par Jean Lacoste, Paris, Robert Laffont, 1993, coll. « Bouquins », p. 1149.
213 H.F. Thiéfaine, « mathématiques souterraines », in Dernières balises (avant mutation), « autoroutes jeudi d’automne – mathématiques souterraines n° 2 », in Soleil cherche futur.
214 H.F. Thiéfaine, « exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable », in Le bonheur de la tentation.
215 H.F. Thiéfaine, « le vieux bluesman & la bimbo », in Amicalement blues.
216 H.F. Thiéfaine, « 113e cigarette sans dormir », in Dernières balises (avant mutation) ; « villes natales et frenchitude », in Chroniques bluesymentales ; « bruits de bulles », in Fragments d’hébétude.
217 Henry Miller, Le temps des assassins. Essai sur Rimbaud, traduit de l’américain par F.J. Temple, Paris, Pierre-Jean Oswald, 1971, p. 40-41.
218 H.F. Thiéfaine, « redescente climatisée », in Dernières balises (avant mutation).
219 H.F. Thiéfaine, « 713705 cherche futur », in Soleil cherche futur. Les chiffres lus tête en bas forment le mot « soleil ».
220 H.F. Thiéfaine, « lobotomie sporting club », in Suppléments de mensonge.
221 H.F. Thiéfaine, « lobotomie sporting club ».
222 H.F. Thiéfaine, « médiocratie… », in Stratégie de l’inespoir.
223 [n.d.e.] à Philip K. Dick, « Si ce monde vous déplaît… » et autres écrits, anthologie établie et préfacée par Michel Valensi, traduit de l’américain par Christophe Wall-Romana, Paris, éditions de l’éclat, 1998, p. 7.
224 Philip K. Dick, Le temps désarticulé [1958], traduction de Philippe R. Hupp, in La Porte obscure, Paris, Presses de la Cité / Omnibus, 1994, pp. 925-1093, citation p. 950.
225 Philip K. Dick, Le temps désarticulé, p. 947.
226 H.F. Thiéfaine, « critique du chapitre 3 ».
227 H.F. Thiéfaine, « les fastes de la solitude », in Défloration 13.
228 Gaston Bachelard, L’eau et les rêves. Essai sur l’imagination de la matière [1942], Paris, José Corti, 1983. Cité d’après http://classiques.uqac.ca/classiques/bachelard_gaston/eau_et_les_reves/eau_et_les_reves_intro.html (édition numérique réalisée par Daniel Boulagnon).
229 En remontant le fleuve, entretien avec Hubert-Félix Thiéfaine, Hexagone, revue trimestrielle de la chanson, #08, Été 2018, pp. 124-131, citation p. 128.
230 [n.d.e.] à Philip K/ Dick, « Si ce monde vous déplaît… » et autres écrits, p. 8.
231 En remontant le fleuve, entretien avec Hubert-Félix Thiéfaine, p. 129.
232 cf. note 18 du présent article.
233 En remontant le fleuve, entretien avec Hubert-Félix Thiéfaine, p. 130.
234 cf. notamment Françoise Salvan-Renucci, « “quand la fée aux yeux de lézard / me plonge dans ses brouillards nacrés” : l’évocation de l’absinthe dans le discours poétique d’une chanson de H.F. Thiéfaine », L’Actualité Verlaine, 2018, pp. 34-38.
235 Philip K. Dick, Le temps désarticulé, p. 962.
236 H.F. Thiéfaine, « was ist das rock’n’roll ? ».
237 Philip K. Dick, Siva [1981 pour la version originale et la traduction française], Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Robert Louit, traduction harmonisée par Gilles Goullet, La Trilogie divine, Paris, Denoël, 2013, coll. « Lunes d’encre », pp. 7-296, citation p. 50.
238 Comte de Lautréamont, Les Chants de Maldoror, s. l., E. Wittmann, 1874, p. 292.
239 http://www.thiefaine.com/agenda-dun-mort-europeen/