Riches de références culturelles qui embrassent la quasi-totalité du legs occidental et extra-occidental de l’Antiquité à nos jours, les textes de Hubert Félix Thiéfaine déclinent cette aura associative d’ampleur exceptionnelle sur le mode d’une polysémie complexe dans laquelle le discours explicite est sous-tendu par au moins deux strates implicites : l’une dont l’inspiration érotisante donne spectaculairement corps à la conception lacanienne du langage, l’autre relevant de la réflexion poétologique telle que l’ont notamment développée Barthes et Bakhtine. Le décryptage du discours multivoque – entreprise dont il importe de souligner qu’elle ne nourrit aucune visée d’ordre explicatif ou interprétatif et que son seul propos est au contraire d’établir des « inventaires[1] » idéalement exhaustifs des « réminiscences[2] » mobilisées dans la création de l’auteur – passe ainsi par deux étapes complémentaires et si possible concomitantes : l’identification des composants de l’entrelacement intertextuel – dont le foisonnement incessant oblige à la sollicitation conjointe de contextes référentiels a priori très éloignés les uns des autres – se double de la lecture mutiple et plurilingue le plus souvent déductible du recours au sens étymologique grec ou latin, mais aussi de la retraduction homophonique du terme français dans une langue étrangère.
Du seul fait qu’il est à la fois un connaisseur averti de la Bible et du Coran – ainsi que plus généralement des textes sacrés de provenance multiple – et un latiniste et helléniste passionné qui aborde dans l’original les textes de l’Antiquité classique, il est naturel que l’authentique poeta doctus qu’est Thiéfaine se tourne fréquemment vers le modèle traditionnel de l’entretien ou du colloque, dont son œuvre offre un large spectre d’exemples – partant de la simple formule d’invocation intégrée dans le flux d’un discours apparemment étranger à toute préoccupation spirituelle ou métaphysique pour aboutir à la recréation intégrale d’un schéma discursif établi et immédiatement reconnaissable. C’est par l’étude de ce dernier cas de figure que nous allons débuter notre examen.
Angélus, deuxième chanson de l’album de 2014 Stratégie de l’inespoir, revendique de par son seul titre son ancrage dans la sphère du colloque spirituel, qualité de surcroît explicitement soulignée par l’auteur qui fait précéder l’exécution de la chanson en concert par la récitation de la séquence latine « angelus domini nuntiavit Mariae et concepit de Spiritu Sancto ». L’incipit « je te salue seigneur[3] » achève de restituer à l’identique la constellation habituelle de l’entretien avec dieu, laissant augurer d’une continuation dans l’esprit de la prière traditionnelle dont la triple répétition rythme encore aujourd’hui le déroulement quotidien dans les campagnes[4]. D’autant plus spectaculaire apparaît le détournement inattendu qui s’installe dès le deuxième vers à travers la précision « du fond de l’inutile[5] », qui invalide d’emblée le geste linguistique de l’invocation tant au niveau explicite que par le biais du réseau d’associations sous-jacentes : si le positionnement ainsi revendiqué par le « je » semble dénier toute possible efficience voire toute pertinence au salut adressé à « dieu », le jeu des résonances intertextuelles décelables au plan cryptique du discours transforme radicalement la catégorie de « l’inutile » en la délivrant de toute connotation dépréciative pour l’assimiler au contraire à une valeur suprême, dans la lignée de la démarche de Baudelaire qualifiant Les Fleurs du Mal de livre « essentiellement inutile[6] », ou de Camus célébrant dans Le Mythe de Sisyphe « la splendeur et l’inutilité d’une vie d’homme[7] » en tant qu’achèvement ultime de l’existence absurde. En un premier démenti symbolique à l’intitulé de la chanson – dont on aura par ailleurs l’occasion d’explorer la polysémie révélatrice –, la double caution esthétique et philosophique apportée au plan latent par deux des principales références de Thiéfaine[8] inscrit Angélus dans une démarche de refus du divin – ou plus exactement d’indifférence envers celui-ci – et d’acceptation de l’absurdité terrestre, à travers une démarche délibérément assumée dont les contours se dessinent avec une netteté supplémentaire dans la séquence évoquant « le calme désespoir / de mon bonheur tranquille / & la sérénité / de mon joyeux néant[9] ». L’écho continu à des formules d’inspiration analogue et à valeur programmatique permet à nouveau d’offrir une légitimation aussi frappante qu’indiscutable à la posture du « je » qui peut ainsi tour à tour refléter le diagnostic devenu classique de Thoreau constatant chez les « neuf dixièmes des citoyens » l’omniprésence d’un « calme désespoir[10] » – ou d’un « désespoir tranquille » selon la traduction retenue, ce qui ferait de la recréation thiéfainienne une manière de cut-up tel que le pratique l’auteur de façon récurrente[11] – ou la double invitation lucrétienne à quitter la vie comme un conviva plenus et à opposer aux dieux un cœur empli d’une serena pace[12], telle qu’elle résonne également dans l’incipit du refrain « & je m’en vais ce soir / paisible & silencieux[13] ». La réécriture provocatrice du colloque spirituel culmine dans la revendication du « joyeux néant » qui rejoint la définition paradoxale de Henry Miller « être joyeux, c’est porter le moi à son sommet le plus élevé et l’y déposer triomphalement[14] », tout en ouvrant la voie à la réaccentuation parallèle de l’idée du « néant » prise en compte comme une donnée objective de l’existence, et non comme l’aveu d’humilité inhérent au geste de supplication propre à la prière.
Le basculement blasphématoire se fait jour au plan explicite dans la strophe finale, qui décline en deux étapes successives un défi direct au divin d’inspiration radicalement nietzschéenne. Si la reprise de la formule initiale « je te salue seigneur » suggère apparemment un retour à la conformité linguistique du discours religieux, la triple localisation de l’invocation « du fond de tes abîmes / de tes clochers trompeurs / de tes églises vides[15] » bouleverse successivement les données de l’entretien spirituel jusqu’à les réduire à néant. Le rapport vertical entre l’homme et la figure divine est redéfini à l’inverse à travers la reprise littérale du De profundis [clamavi ad te] qui situe non plus l’homme pécheur et suppliant, mais bien dieu lui-même dans les abîmes, qu’il les habite en se substituant au diable en tant que leur occupant privilégié, ou qu’il les ait créés pour y perdre ses propres créatures. L’idée ainsi suggérée d’un dieu cruel – telle qu’elle est constitutive du discours sadien – est complétée par la dénonciation de l’imposture délibérée incarnée par les « clochers trompeurs », dont la verticalité suggestive met en scène une supposée aspiration à l’élévation dévoilée dans sa vacuité foncière, à laquelle fait écho la notation relative aux « églises vides » qu’on ne saurait réduire à la constatation de la baisse de fréquentation des lieux de culte catholiques, ainsi que le révèle la seconde moitié de la strophe « je suis ton cœur blessé / le fruit de ta déprime / je suis ton assassin / je suis ton déicide[16] ». La harangue du fou dans Le gai savoir « Où est allé Dieu ? s’écria-t-il, je veux vous le dire ! Nous l’avons tué, - vous et moi ! Nous tous, nous sommes ses assassins ! » et sa conclusion logique « À quoi servent donc ces églises, si elles ne sont pas les tombes et les tombeaux de Dieu ?[17] » se profilent manifestement à l’arrière-plan du discours thiéfainien en tant que principale offre exégétique, dont la validité de principe est encore renforcée par la correspondance littérale de la formulation. Au-delà de la reprise à valeur de confirmation que suggère au premier abord la réappropriation quasi explicite des paroles attribuées au fou, la réécriture opérée par Thiéfaine s’accomplit en réalité sur le mode d’une dialectique complexe où la validation de l’énoncé nietzschéen se superpose à son infirmation latente : le dialogue qui s’instaure avec la réflexion du philosophe relaie au plan cryptique le modèle classique de l’entretien avec dieu dans la mesure où le processus de réaccentuation débouche in fine sur une relativisation, voire une remise en question de la proclamation originale à laquelle le discours de la strophe – lui souscrivant en apparence pour mieux s’en distancer dans la même dynamique ambivalente – substitue de fait la permanence d’une oscillation sémantique irréfragable, reflet approprié du « néant » souligné par l’énoncé explicite. Si le vide des églises en tant qu’elles sont le tombeau de dieu peut en effet se lire dans le texte multivoque de la chanson – en concordance avec le diagnostic nietzschéen – sur le mode de la disparition ou de la non-existence de la figure divine, il peut cependant tout autant résonner comme un rappel du vide du tombeau au matin de la résurrection, rétablissant in extremis la légitimité du schéma religieux dont la sollicitation se révèle à nouveau tout aussi opportune dans la suite du texte. Le « cœur blessé » du protagoniste devient alors l’image de celui de Jésus ou de Marie en tant que motif récurrent du colloque spirituel et de l’iconographie religieuse, tandis que la « déprime » appréhendée selon le sens étymologique du latin deprimere se dévoile comme « l’abaissement » consenti par dieu en prenant figure humaine, dans une reproduction à l’identique des postulats fondateurs du christianisme puisque le terme « fruit » renouvelle la désignation de Jésus comme « fruit de vos entrailles » rencontrée dans l’Ave Maria.
Le spectre des variations polysémiques possède une amplitude analogue pour ce qui concerne la revendication du protagoniste se présentant comme « ton assassin » ainsi que « ton déicide[18] », dans un nouveau renvoi direct au discours nietzschéen du fou que le je reprend ici à son seul compte. Le colloque spirituel s’abolit ou se dissout dans le rappel du meurtre d’un dieu dont le je assume déjà les principales caractéristiques dénotatrices d’un affaiblissement symbolique, la conformité au discours dogmatique et la négation délibérée de celui-ci se rejoignant au plan sous-jacent pour aboutir à la mise sur la touche – pour ne pas dire au rebut – de l’instance divine définitivement dépossédée de tout attribut évocateur de puissance. Renouvelant la description camusienne de « l’œuvre révoltée » elle-même déduite des spéculations développées par Sade, la connotation véhiculée par le terme « déicide » témoigne de l’affinité de principe entre la proclamation « déicide » et l’aspiration « révolutionnaire[19] », la création d’un monde sans dieu se profilant alors – provisoirement du moins et sans préjudice d’un rebasculement inopiné dans la phase finale du texte – en tant que visée ultime du processus discursif. La dénomination plus polymorphe d’« assassin » s’inscrit d’abord dans la continuité de l’apologie significative de « l’ordre invisible des Assassins » célébrée par Nietzsche dans La Généalogie de la Morale, où la secte historique – dont l’appellation trouve sa racine tant linguistique que comportementale dans la référence au haschisch – est dépeinte comme « ordre des esprits libres par excellence, […] seuls dépositaires de cet ultime secret : “Rien n’est vrai, tout est permis.”[20] » Dépassant le problème de l’existence de dieu et de son rôle dans le devenir du monde, la profession de foi du je « assassin » relève de la même démarche de remise en question radicale que l’hommage nietzschéen aux « Assassins » assimilant « la vraie liberté d’esprit » à « une parole qui mettait en question la foi même en la vérité[21] » : considéré sous l’aspect de ses implications d’ordre poétologique, un tel postulat apparaît en même temps comme le fondement philosophique du discours énigmatico-polysémique développé par Thiéfaine, qui se révèle comme un lecteur assidu et compétent de Nietzsche pour lequel il éprouve une admiration affirmée de façon récurrente[22]. Parallèlement à la dimension résolument blasphématoire incarnée dans Angélus par la paraphrase comprimée de la réflexion nietzschéenne, la dénomination d’« assassin » appréhendée à travers le prisme de la formule prophétique de Matinée d’ivresse « Voici le temps des Assassins[23] » voit son aura associative s’élargir à un domaine encore inexploré par le biais de la prise en compte – et donc de l’intégration dans le discours implicite de la chanson – des deux spécifications préalables qui forment dans le texte de Rimbaud le présupposé dialectique de la culmination finale. Si l’affirmation « nous avons foi au poison » réitère l’allégeance symbolique au haschisch en tant que susbtance indispensable aux agissements des Assassins originels ainsi que de leurs continuateurs modernes, le postulat complémentaire « nous savons donner notre vie tout entière tous les jours[24] » vient réorienter l’entretien thiéfainien vers la perspective d’une implication active du je que sa nature d’« assassin » prédispose alors paradoxalement au don inconditionnel de sa personne. À travers le halo connotatif à caractère prismatique qui se met en place autour de l’auto-qualification du je comme « assassin » lue à travers la grille de la vision rimbaldienne, le texte de la chanson renoue au niveau cryptique avec le mode de pensée et d’expression du discours religieux que l’énoncé explicite vise justement à désavouer de façon définitive, à ceci près toutefois que la réhabilitation sous-jacente de l’idée du sacrifice coïncide nécessairement avec une modification profonde du concept chrétien qui se voit transformé tant dans sa visée et sa portée intrinsèques que relativement aux conditions de sa mise en œuvre, laissant subsister essentiellement l’impératif d’un engagement sans réserve dont il est superflu de souligner qu’il est par définition à géométrie variable.
C’est en fin de compte le refrain « & je m’en vais ce soir / paisible & silencieux / au bras de la première / beauté vierge tombée des cieux[25] » qui est à chacune de ses répétitions – et surtout après la troisième et dernière strophe où il fait directement suite à la revendication par le je de la double qualité d’« assassin » et de « déicide » – le principal vecteur d’une dynamique de repositionnement à double détente, qui parachève l’édifice d’une polysémie à la complexité foisonnante, déductible à la fois de la reconnaissance de l’entrelacement intertextuel et de la sollicitation de la dimension plurilingue et historique des différents constituants énonciatifs. L’annonce du départ qui ouvre la séquence bascule d’emblée vers l’évocation d’un adieu à la vie où resurgit avec un impact encore accru le souvenir de l’injonction lucrétienne citée plus haut et dont on a déjà noté le rôle d’arrière-plan référentiel de la première strophe, alors même que l’indication temporelle « ce soir » rappelle a posteriori aussi bien le sens premier que les possibilités de réinterprétation métaphorique de la « sérénité » précédemment revendiquée par le je à ce même endroit du texte. L’anticipation du repos éternel suggérée par la correspondance entre l’auto-caractérisation du je comme « paisible & silencieux » et la formule consacrée du requiescat in pace – le silence apparaissant ipso facto comme un attribut de la mort – amène l’entretien à s’abolir sans remède faute d’interlocuteurs disponibles, cette dernière évolution se traduisant cependant dans les faits non pas par la disparition du je – dont on va au contraire assister à l’ultime métamorphose –, mais par l’élimination du tu et donc de l’instance divine, dont l’absence totale dans le discours du refrain scelle selon toute apparence l’aboutissement du processus d’affranchissement par rapport au modèle du colloque spirituel.
La peinture de l’effacement inéluctable – quoique accepté sans réticence – du je s’infléchit en effet dans la seconde partie du refrain vers les accents de jubilation triomphale qui sous-tendent l’apothéose finale, qu’il serait ici tout aussi légitime de redéfinir en tant que « catathéose » pour en respecter les modalités paradoxales d’accomplissement. La sortie de scène « au bras de la première beauté vierge tombée des cieux » substitue à l’interlocuteur divin des trois strophes du texte une figure féminine dont seule l’origine céleste est acquise de toute évidence, tandis que ses autres caractéristiques ainsi que le cadre et la nature de sa rencontre avec le je restent pris dans l’ambivalence persistante et la tension sémantique inhérentes au discours multivoque. Les possibilités multiples d’associations littéraires englobent à l’évidence le renvoi rimbaldien à « l’austérité des vierges » qui compte précisément au nombre des éléments antérieurs destinés à se voir surmontés et abolis dans la Matinée d’ivresse, où leur remplacement par des « anges de flamme et de glace » renforce par ailleurs le lien sous-jacent entre l’annonce du « temps des Assassins[26] » et sa réécriture cryptique dans le texte de la chanson. Un écho tout aussi révélateur est apporté par l’Artémis de Nerval dont le vers final « la sainte de l’abîme est plus sainte à mes yeux[27] » semble anticiper l’idée d’une « beauté vierge tombée des cieux » que le discours thiéfainien évite en même temps de localiser dans le monde inférieur, maintenant au contraire ouvert le spectre des hypothèses jusques et y compris celle d’une rencontre purement terrestre intervenant sous le seul effet du hasard, ainsi que le suggère l’adjonction inopinée – et brisant délibérément le cadre métrico-rythmique des hexasyllabes – de l’épithète « première » à la mention de la « beauté vierge ». Le champ des avatars religieux ou mythologiques est tout aussi vaste, allant d’Artémis, Athéna, Amateratsu et autres figures analogues – « première » étant alors pris au sens de la temporalité primitive des cosmogonies – à la vierge Marie telle qu’elle est nommément citée dans l’incipit de l’angélus, sans oublier Jeanne d’Arc qui satisfait elle aussi aux critères spécifiés par le je. L’incarnation la plus riche de résonances est cependant celle qui fait de « la première beauté vierge tombée des cieux » une messagères céleste – soit un « ange » au sens premier du grec aggeloV tel qu’il se retrouve dans la définition de l’angelus – en lien direct avec la mort, qu’il s’agisse des houris de l’islam ou surtout des walkyries nordiques : l’envoyée d’Odin descend en effet du Walhalla pour convier à des noces symboliques celui qu’elle s’est elle-même choisi – d’après l’étymologie de val = combat et kyrian = choisir –, puisqu’elle va l’escorter depuis le lieu du combat où il est destiné à tomber jusqu’au banquet éternel réservé aux guerriers morts en héros. Associée au corbeau odinique et à l’atmosphère orageuse traversée par des éclairs, c’est d’ailleurs manifestement une walkyrie juvénile qui vient à la rencontre du protagoniste incarné par l’auteur lui-même dans le clip à l’atmosphère prenante réalisé lors de la sortie de la chanson.[28] Quelle que soit l’identité que l’on choisisse d’assigner à la figure féminine – sans préjudice ici de la plausibilité conservée par les lectures concurrentes –, la conclusion qui s’impose à l’issue de ce survol comparatif est celle de la substitution au colloque spirituel de la rencontre avec la « beauté vierge », dans un échange dont la non-verbalisation – conforme à l’habitus « paisible & silencieux » adopté par le je – est une caractéristique essentielle. Le dialogue mené au plan latent du discours avec le réseau des correspondances dont le filigrane est repérable à chaque endroit du texte se poursuit pour sa part d’un bout à l’autre de la chanson indépendamment de la présence ou de l’absence de l’interlocuteur divin, ainsi que de son relaiement par la figure concurrente tel qu’il intervient dans le seul contexte du refrain.
Si le texte d’Angélus témoigne de façon privilégiée de l’importance centrale dévolue au modèle classique de l’entretien avec dieu dans le corpus des chansons, il est tout autant révélateur – à travers le jeu des identités multiples de la « beauté vierge tombée des cieux – du syncrétisme référentiel pratiqué de façon systématique dans le discours thiéfainien : l’adresse au dieu de la tradition chrétienne voisine en effet régulièrement avec l’évocation de « dieux » qui rappellent essentiellement ceux de l’Olympe antique, même si le panthéon nordique ou américain – ainsi la supplique adressée à « wakan-tanka[29] » dans Un vendredi 13 à 5 heures –, voire celui d’un univers de science-fiction, peut tout autant assumer la fonction de « contrôle[30] » qui lui échoit dans la création de Thiéfaine. C’est dans l’exercice de ce rôle que les dieux révèlent leur cruauté foncière, dont la traduction revisite l’évocation homérique du « rire inextinguible des dieux[31] » en l’infléchissant vers l’expression de la joie malfaisante éprouvée par les habitants des sphères célestes au spectacle des vicissitudes de l’humanité : cette constellation transparaît aussi bien dans le distique de Parano-safari en ego-trip-transit « si la vie est une illusion / avec des fous-rires en voix-off[32] » que dans la spectaculaire séquence de bruitage – inspirée des conceptions de John Cage[33] – qui apporte une conclusion définitive à Terrien, t’es rien et dans laquelle les bêlements d’un troupeau de moutons – écho direct à la conception nietzschéenne de « l’homme du troupeau[34] » – sont suivis par des rafales d’armes automatiques, avant que le silence absolu qui s’installe alors ne soit rompu par une cascade de fous rires émanant à l’évidence des spectateurs divins[35]. La redéfinition négative de la vision homérique se combine avec l’image d’une splendide indifférence reflétant davantage la réflexion lucrétienne, qui présente les dieux comme jouissant d’un bonheur absolu et restant totalement à l’écart des préoccupations des humains : abstraction faite de sa possibilité de réaccentuation sexuelle, le spectacle évocateur d’une EMI dépeint dans le distique de Méthode de dissection du pigeon à Zone-la-Ville « peu à peu t’aperçois le tunnel / où brillent les immortels[36] » témoigne de la même conception d’une distance infranchissable que l’union « sous la rumeur des immortels[37] » des Amants destroy ou l’évocation du suicide de Nerval accompli dans Le jeu de la folie « sous le regard des dieux, au bout d’un drap en berne [38]».
L’immobilité inaltérable et la cruauté foncière tour à tour attribuées aux « dieux » basculent tout aussi fréquemment vers l’annonce d’une dépossession inéluctable née précisément du caractère outrancier de leur comportement, les débordements sexuels auxquels ils se livrent renouant alors avec la peinture homérique des dieux telle qu’elle est récusée par Platon au nom de son immoralité : le refrain de Mathématiques souterraines « y’a personne au contrôle / et les dieux du radar sont tous out et toussent / et se touchent et se poussent et se foutent et se mouchent / dans la soute à cartouches[39] » décline ainsi la référence classique sur un mode « no-limit[40] » qui ne fait qu’en exacerber la dynamique intrinsèque, telle qu’elle se fait jour dans l’épisode des amours d’Arès et d’Aphrodite au chant VIII de L’Odyssée. Oscillant entre le tragique et le grotesque suggérés simultanément par le discours multivoque, la méditation d’Annihilation s’ouvre sur l’évocation d’un « crépuscule des dieux » placé sous le signe de l’inversion des polarités dans la confrontation entre les dieux et l’humain : « qu’en est-il de ces heures troubles & désabusées / où les dieux impuissants fixent l’humanité[41] ». Ainsi que le discours sous-jacent de la séquence en fournit un exemple particulièrement représentatif, c’est de fait essentiellement dans le domaine de l’Éros que Thiéfaine situe le rapport de rivalité qui s’instaure entre le monde de l’humain et celui des dieux et dont le corpus des chansons décline les diverses facettes : « J’ai toujours aimé imaginer les dieux jaloux quand l’humain est heureux, notamment quand l’humain est amoureux[42] ». La recréation conjointe des mythes de Prométhée et de Tityon opérée sur fond d’érotisation du motif du « feu[43] » – telle qu’elle donne son titre à un des tomes du Journal d’Anaïs Nin – donne naissance au défi adressé par le protagoniste de Ad orgasmum aeternum à sa partenaire, dans lequel les « dieux » ne sont que des émanations quasi corporelles de cette dernière : « je reviendrai narguer tes dieux / déguisé en voleur de feu / et crever d’un dernier amour / le foie bouffé par tes vautours[44] ». Alors que En remontant le fleuve se présente aux dires mêmes de l’auteur[45] comme la réécriture inversée du Bateau ivre, c’est le texte de Matinée d’ivresse qui se profile derrière la séquence « en remontant le fleuve vers cette éternité / où les dieux s’encanaillent en nous voyant pleurer[46] », offrant une validation spectaculaire à la relecture érotisante de l’éternité qui s’applique sur la base du même postulat à l’ensemble des occurrences du terme recensées dans le corpus thiéfainien : le glissement qui conduit chez Rimbaud de la peinture des ambitions antérieures « afin que nous amenions notre très pur amour » à l’aveu d’une impuissance passagère « ne pouvant nous saisir sur-le-champ de cette éternité[47] » confère une évidence palpable à l’équivalence sémantique amour-éternité qui fonde la possibilité récurrente de permutation des deux termes dans l’énoncé énigmatique, telle qu’elle est par exemple décelable dans L’amour est une névrose à travers l’évocation cryptique d’« une éternité / qui s’amuse à l’envers[48] ». L’équivoque qui s’attache à la définition du comportement des dieux fait osciller celui-ci entre un abaissement voulu considéré comme une distraction sur le mode de la signification usuelle du verbe « s’encanaillent », et l’animalité d’un débridement sexuel dans lequel réapparaît l’identification au chien commandée par le sens étymologique renvoyant au latin canis. La conception d’inspiration homérique déjà rencontrée à plusieurs reprises dans le discours des chansons – et dans laquelle la réaction amusée des dieux se délectant au spectacle de la souffrance humaine est le signe de leur cruauté foncière – s’enrichit ici d’une notation directement voyeuriste dérivant de la lecture sexuelle du verbe « pleurer », dont la plausiblité se voit garantie en retour par la substitution de l’amour à l’éternité telle que l’établit la littéralité du renvoi à Rimbaud. À l’inverse mais dans une complémentarité remarquable des offres herméneutiques, la lecture de la séquence à partir de la conclusion des Phares de Baudelaire évoquant « cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge / et vient mourir au bord de votre éternité ![49] » autorise la réinterprétation des pleurs – d’ailleurs désignés comme « sanglots[50] » dans la strophe finale – sous l’angle d’une l’affirmation de la valeur de l’humanité face à l’indifférence ou à la cruauté des dieux qui relaient chez Thiéfaine le « Seigneur » invoqué par Baudelaire, occultant du même coup le modèle de l’entretien direct auquel souscrit pour sa part le texte des Phares.
L’animosité constante manifestée par les dieux à l’égard du bonheur des humains reste apparemment inopérante dans les derniers vers d’Exit to chatagoune-goune « les dieux sont jaloux de nos corps / nous balayons l’éternité[51] » où le triomphe de l’humain est célébré à travers le processus de réaccentuation sous-jacente de la notion d’éternité sous l’aspect de l’amour. Notons par ailleurs que l’équivalence essentielle à la dynamique du discours thiéfainien et dont le texte de Matinée d’ivresse établit comme on l’a constaté les modalités de fonctionnement se décline avec une limpidité analogue à partir du « il est l’Éternité ![52] » baudelairien lors duquel le protagoniste de L’Horloge lit l’heure dans les yeux de la femme aimée, confirmant à nouveau le principe de la double voire triple correspondance intertextuelle en tant que constituant central du référentiel associatif. Portant la richesse connotative de la séquence à un nouveau degré de complexité, la formule « nous balayons l’éternité[53] » véhicule en même temps l’idée d’une réévaluation radicale substituant à l’aspiration à une durée sans fin – que ce soit celle de l’union des deux figures ou celle de l’existence post mortem – le primat de l’intensité du rapprochement sexuel dont l’accomplissement apparaît comme une priorité absolue, reléguant au rang d’un élément négligeable – et donc à « balayer » au sens dépréciatif du verbe – la nature de l’éternité dispensée effectivement par les dieux. La réminiscence du défi baudelairien « mais qu’importe l’éternité de la damnation à celui qui a trouvé dans une seconde l’infini de la jouissance ?[54] » – que l’on verra réapparaître dans un contexte associatif très différent au terme de la présente contribution – se superpose à la recréation sur le mode du cut-up du quatrain d’Emily Dickinson « Balayer le cœur avec soin / Mettre l’amour de côté / Nous ne nous en servirons plus / Avant l’Éternité.[55] », où la seule permutation des termes-clés suffit à opérer la redéfinition de l’action de « balayer » et la dévalorisation de l’éternité qui en découle. L’intensification provocatrice de la revendication d’indépendance exprimée par l’humain à l’égard des dieux trouve même une traduction visuelle dans Misty dog in love où la séquence finale « je te veux dans la prière / des dieux suppliant l’Humain[56] » souligne au plan typographique – dimension de l’écriture qui fait régulièrement l’objet d’une attention particulière dans les textes de l’auteur – l’inversion de la constellation de la prière statuée par le je dans l’adresse à la figure féminine. Alors que la redistribution de la majuscule en tant que marqueur de valorisation signale l’abaissement des dieux dépouillés des attributs de leur prestige au profit de l’humain, c’est plus spécifiquement la femme objet de l’invocation du je qui les relaie dans la double fonction d’instance suprême et d’interlocuteur de l’entretien dont la forme reste conservée tout au long du texte. On reviendra plus longuement sur ces deux aspects dans la conclusion de ces lignes, dans la mesure où ils sont à la base du modèle de colloque élaboré dans le discours thiéfainien en concurrence avec les formes traditionnelles de l’entretien avec dieu.
Avant d’en venir à la conséquence ultime d’une telle réorientation de l’entretien poétique, il importe cependant de constater que l’effacement plus ou moins affirmé de la figure divine ne trouve pas de compensation véritable dans le corpus des chansons, malgré le projet d’« offrir à lucifer / mon âme en sacrifice[57] » ou l’apparition du « diable en personne[58] » à la fin de Roots & déroutes plus croisement qui semble reproduire la rencontre mythique de Robert Johnson avec le diable – sans toutefois que se renouvelle la signature du pacte passé à un carrefour par le bluesman des années 1930. Le même épisode connaît un traitement plus explicite dans Your terraplane is ready Mister Bob !, où Robert Johnson lui-même revit son expérience passée en des termes apparemment sans équivoque : « je retrouve le carr’four / le diable & son contrat[59] », qui apportent en même temps le pressentiment de sa fin : « mais soudain mon rêve / devient lourd / j’me réveille trempé / dans tes draps[60] ». Le diable est de même le protagoniste principal dans la séquence finale d’Annihilation où il est invoqué par le je en écho direct à la constation initiale de l’impuissance des dieux dont il a déjà été question dans les lignes qui précèdent : « & j’attends le zippo du diable pour cramer / la toile d’araignée où mon âme est piégée[61] » – malgré l’exacerbation du sentiment d’urgence exprimé par le protagoniste, il s’agit ici à nouveau d’une attente qui peut tout aussi bien rester vaine que le sentiment de La nostalgie de dieu[62] vouée par principe à demeurer inassouvie dans le discours thiéfainien. L’omniprésence et l’attractivité de la sphère diabolique se traduit également dans le fait que l’enfer – dont on souligne à nouveau la dimension multivoque et notamment la possiblité de redéfinition érotico-sexuelle bien qu’on doive renoncer à l’exploration de celle-ci dans le cadre de ces lignes – constitue également un séjour de prédilection associé à la figure féminine, qu’il s’agisse de la « sister[63] » apostrophée dans Juste avant l’enfer ou de la « petite fille un peu paumée » du Rendez-vous au dernier carrefour – dont la localisation est d’emblée évocatrice de la présence du diable – qui succombe à l’appel irrésistible des « chiens de l’enfer[64] ». Nyctalopus airline s’ouvre sur une parodia sacra qui ne semble renouer avec le modèle du colloque spirituel que pour lui opposer une redéfinition blasphématoire, alors que le détournement à tonalité « satanique » de la formule consécratoire « au nom du père au nom du vice[65] se lit en même temps comme un double commentaire cryptique apporté à l’invocation traditionnelle des trois personnes de la trinité : alors que le terme « vice » suggère à première vue une allégeance diabolique, sa lecture d’après le sens étymologique du latin *vicis met en exergue le rapport de réciprocité existant entre le père et le fils, l’absence de l’esprit apparaissant alors comme l’élément déclencheur de la quête ambivalente qui se déroule « dans la nuit des villes sans lumière[66] ».
La dimension aléatoire de la possiblité d’entrer en contact avec dieu et de créer les conditions d’un entretien authentique est mise en lumière dans l’injonction « téléphone à la météo[67] » qui détourne de façon subtile la formulation de Benjamin Péret « téléphone au Bon Dieu[68] » en lui adjoignant un double rappel symbolique : le renvoi implicite au manque de fiabilité bien connu des prévisions météorologiques souligne d’emblée l’inutilité de la tentative de dialogue, tandis que la substitution de la « météo » au « Bon Dieu » s’opère par le biais du sens étymologique du terme grec metew renvoyant à une dynamique d’élévation telle qu’elle s’associe idéalement à l’évocation de la sphère céleste. L’insuccès de la même démarche semble programmé à l’avance dans Narcisse 81 dont la conclusion « et tu t’accroches au bout du fil / qui te ramène à ton silence[69] » évoque en premier lieu une communication avortée à travers la mention du « bout du fil », sans préjudice de la nature du partenaire injoignable ou qui décide de mettre fin à la conversation. Qu’il puisse s’agir ou même s’agisse prioritairement de dieu découle d’abord du parallélisme avec le vers « téléphone à la météo » – qui présente une verbalisation explicite de l’action dont on rencontre ici la traduction imagée mais immédiatement évocatrice –, mais aussi du rapprochement avec le « pour appeler le dément qui inventa l’ennui[70] » de Autoroutes jeudi d’automne qui revisite le colloque spirituel à travers le rappel de la réécriture du récit de la Genèse élaboré par Nietzsche, où « l’ennui » lancinant éprouvé tour à tour par dieu puis l’homme n’est banni qu’avec la création de la femme, saluée par un lapidaire « et donc l’ennui cessa[71] ». L’évidence du renvoi au fil du téléphone suggéré dans Narcisse 81 par la lettre de la formulation est toutefois concurrencée par l’identification du fil avec celui de la Parque sur le point d’être coupé, le silence auquel cette action « ramène[72] » le personnage basculant alors vers la sphère de la mort dont il constitue un attribut essentiel, qui se retrouve décliné sur le mode explicite dans la formule « le silence des morts[73] » de Petit matin 4.10. heure d’été. –(Signalons ici que la lecture létale du silence fait cependant figure d’exception relative dans le discours thiéfainien où le silence relève essentiellement de la sphère de l’Éros et devient donc le plus souvent un substitut cryptique du rapprochement sexuel, à travers une équivalence issue de la conception tantrique et plus généralement mystique du phénomène en tant qu’expression de la plénitude de l’accomplissement.) Débutant par « je connais tous les dieux du ciel et de l’enfer[74] », la strophe inédite de Zoos zumains zébus déclamée en concert met en lumière une autre impasse du colloque spirituel en soulignant l’insuffisance commune aux figures divines – y compris de substitution – et aux textes sacrés – ainsi qu’aux productions profanes assimilées à ces derniers par un détournement provocateur –, et débouche finalement sur le constat à la tonalité pascalienne « et maintenant j’imagine un godbook inédit / avec les pages en blanc sur le vide infini[75] ». La reconnaissance du vide métaphysique va de pair avec le soulignement récurrent d’un néant qui peut prendre la forme sublimée du « joyeux néant[76] » rencontré dans Angélus, mais dont l’impact destructeur ressort avec une netteté particulère dans Le chaos de la philosophie à la conclusion empreinte de dérision cynique « pendant que le néant m’étrille / à mort & me rend louf[77] ».
Face à l’absence ou au retrait de dieu et à l’emprise constante du néant, les présences les plus nettement perceptibles sont paradoxalement celle des « morts » dont l’existence s’entremêle avec celle des « vivants » dans un dialogue permanent. La triple déclinaison de l’interrogation du je « demandant / si les morts s’amusaient autant que les vivants / si les morts s’ennuyaient autant que les vivants / si les morts se sentaient aussi seuls que les vivants[78] » dans la répétition finale du refrain de 24 heures dans la nuit d’un faune[79] établit un rapport d’équivalence exacte entre les deux univers, l’amusement n’étant que le masque passager d’un ennui et d’une solitude qui selon toute probabilité se sont pas l’apanage exclusif des vivants, mais se poursuivent inchangés « de l’autre côté du passage obscur[80] ». La notation d’Annihilation « c’est l’heure où les morts pleurent sous leur dalle de granit / lorsque leur double astral percute un satellite[81] » confère la même évidence de perception à l’intrication des deux sphères d’existence que la révélation du « scandale mélancolique » à travers la constatation « les morts parlent en dormant / & leurs cris oniriques / traversent nos écrans[82] » – à l’inverse, leur mutisme devient dérangeant dans Petit matin 4.10. heure d’été où il est ressenti comme un appel renforçant le lien entre les deux mondes : « le silence des morts est violent / quand il m’arrache à mes pensées[83] »
L’évocation d’une solitude sans recours culmine dans le détournement récurrent de la forme usuelle du dialogue – faisant se répondre un tu et un je – au profit d’une apparence de colloque où le je s’adresse en réalité à lui-même : l’identité fondamentale des deux partenaires ressort du « vous est un autre je[84] » d’Annihilation qui relaie le « je est un autre[85] » rimbaldien dans son rôle d’affirmation programmatique, tout en reflétant la réflexion de Camus « l’absurde qui prétend exprimer l’homme dans sa solitude le fait vivre devant un miroir[86] ». Cette dernière correspondance trouve une traduction adéquate dans l’importance de la place dévolue au miroir dans le discours thiéfainien. Le double face-à-face avec soi-même tel qu’il est évoqué dans Éloge de la tristesse – où le je apparaissant sous le masque du tu est confronté à son reflet dans le miroir – prend ainsi la valeur d’une révélation déstabilisante qui mobilise les connotations négatives propres à la sphère diabolique : « ton fax fixe un démon qui passe / à l’heure où tout devient trop clair / où tu contemples dans ta glace / une certaine idée de l’enfer[87] » La séquence finale de Nyctalopus airline fait également du miroir l’indicateur de la désorientation du je aux prises avec sa recherche multivoque et multidirectionnelle, qui oppose tour à tour la descente dans les abîmes et sa réorientation vers les profondeurs du moi à la dynamique ascensionnelle résumée par le refrain « je flye » : « je pars vers le chaos caché / dans les vestiges de ma mémoire / quand je ne sais plus de quel côté / se trouvent mes yeux dans les miroirs[88] ». L’indépassabilité de la connaissance en miroir en tant que point ultime de toute investigation – que celle-ci soit de caractère monologico-introspectif ou tournée vers la dimension dialogique propre au modèle du colloque – se révèle dans toute son inéluctabilité au terme de l’exploration menée dans En remontant le fleuve, qui trouve son aboutissement au point même « où de furieux miroirs nous balancent en cadence / la somptueuse noirceur de nos âmes en souffrance[89] » Alors même que la mise en scène des miroirs renvoie de fait au scénario de la dernière partie du Cycle du fleuve, les « furieux miroirs » apportent un écho direct à « i micidiali specchi[90] » pétrarquiens, signant d’entrée la présence récurrente du Canzoniere – dont on rencontrera un nouvel exemple à la toute fin de la présente contribution – à l’arrière-plan de l’album Stratégie de l’inespoir. Le renvoi implicite à l’opposition métaphysique statuée par Saint Paul entre insuffisance humaine et plénitude de la connaissance émanant de dieu – « car nous voyons, à présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. » (1 Cor., 13, 12) – affirme a contrario le caractère de nec plus ultra de la vision en miroir, l’éventualité – sans parler de la certitude prophétique à laquelle se sont déjà substitués « les feux de nos doutes[91] » – d’un correctif apporté « alors » restant inexprimée dans le discours poétique.
Tandis que le colloque spirituel se heurte au double écueil de l’absence ou de l’indifférence de dieu et que le dialogue avec un interlocuteur terrestre s’annule d’emblée en raison de l’identité de principe entre le je et son partenaire supposé, l’adresse à la figure féminine se révèle comme une incarnation privilégiée du modèle de l’entretien dans le discours thiéfainien du seul fait de la substitution de la femme à dieu en tant qu’instance suprême et objet d’invocation : des vers d’Amant sous contrôle « je t’ai souvent priée / comme une déesse[92] » à leur corollaire désabusé de Vendôme gardénal snack « quand on traîne à genoux aux pieds d’une prêtresse / à résoudre une énigme qui n’existe pas[93] », le corpus des chansons décline inlassablement la dynamique à la fois régénératrice et destructrice de l’Éros à laquelle rend hommage le titre programmatique Eros über alles[94]. Le texte de Fièvre résurrectionnelle dote la figure féminine des attributs d’une apparition divine – « mais toi tu viens d’ailleurs, d’une étrange spirale / d’un maelström unique dans la brèche spatiale[95] » – avant de faire culminer la dynamique de célébration dans un renouvellement tant de la danse de Zarathoustra[96] que de la définition goethéenne de l’Éternel-Féminin invitant l’homme à accéder aux hauteurs célestes – ou à celles de la félicité érotique : « & tu me fais danser là-haut sur ta colline / dans ton souffle éthéré de douceurs féminines[97] ». La rencontre tumultueuse qui donne son titre à Syndrome albatros lu à travers le prisme du grec sundromh voit émerger la promesse d’un accomplissement de la dynamique de l’Éros à travers l’aspiration partagée à une identification fusionnelle, qui n’occulte nullement l’ambivalence de l’appel vers les profondeurs émanant de la figure mélusinienne : « vois la fille océane des vagues providentielles / qui t’appelle dans le vert des cathédrales marines / c’est une fille albatros, ta petite sœur jumelle / qui t’appelle et te veut dans son rêve androgyne[98] », le rappel du mythe de l’androgyne signalant par principe dans le corpus des chansons l’exception d’un rapprochement entre deux partenaires qui se reconnaissent chacun comme le double ou le reflet idéal de l’autre[99].
C’est sur l’analyse d’une recréation remarquablement complexe du modèle de l’entretien que l’on voudrait s’attarder en conclusion de ces lignes, afin de leur incorporer aussi un témoignage éloquent de l’intérêt porté par Thiéfaine à la littérature italienne – ainsi que de son évidente compétence en la matière, telle qu’elle ressort de l’annonce poétologique « je revisite l’enfer de Dante et de Virgile[100] » contenue dans Annihilation. Non contente de faire se rejoindre dans un entrelacement virtuose le modèle du colloque spirituel déclinant sa réflexion sur la condition humaine et le dialogue mené sous les auspices de l’Éros, l’adresse à la figure féminine exposée dans Stratégie de l’inespoir s’élabore à partir de la double référence à Dante et Pétrarque dont l’œuvre fait d’un objet à la fois d’un éclairage pertinent et d’une réaccentuation significative, amorcée par le seul jeu de la contamination des renvois implicites ou explicites. Tandis que le titre Stratégie de l’inespoir résonne comme un écho à l’inscription « lasciate ogni speranza, voi ch’entrate ![101] » placée au-dessus de la porte de l’enfer, et que le vers du Canzoniere « chi pò dir com’ egli arde, è in picciol’ fuoco[102] » placé en exergue du texte réoriente le « feu » vers la sphère de l’affect érotique, la strophe de Thiéfaine « je veux brûler pour toi petite / mais gâche pas mon enfer / avec ton paradis / mais lâche pas tes prières / sur mes cris hypocrites[103] » synthétise les deux lectures par le biais de la recréation inversée de la constellation Dante-Béatrice : l’intercession de la femme en prières est ici rejetée par le je – qui souligne en même temps le caractère artificiel de sa propre attitude à travers la lecture grecque de l’upokrithV en tant qu’acteur – au profit de l’option déclarée pour un « enfer » qui rappelle celui revendiqué par Don Juan chez Camus à travers la devise « les flammes de la terre valent bien les parfums célestes[104] ». L’oscillation entre Dante et Pétrarque, le feu infernal et celui de l’Éros trouve sa résolution paradoxale à travers son maintien oxymoral qui transcende jusqu’à la redéfinition érotico-blasphématoire des concepts antagonistes[105], telle qu’elle sous-tend le déroulement de l’entretien en rappelant au plan cryptique son enjeu sexuel – alors même que la question de l’accomplissement voire de la simple possiblité d’une réponse de la femme s’abolit d’elle-même dans l’embrasement sans fin du je.
Notes
[1] Hubert Félix Thiéfaine, Annihilation, in Séquelles [édition collector], Paris, Sony, 2009 [A].
[2] Hubert Félix Thiéfaine, Toboggan, in Stratégie de l’inespoir, Paris, Sony, 2014 [17].
[3] Hubert Félix Thiéfaine, Angélus [17].
[4] Thiéfaine rappelle l’histoire de l’angélus dans deux interviews de 2015 :
http://culturebox.francetvinfo.fr/musique/rock/hubert-felix-thiefaine-est-dans-la-strategie-de-l-inespoir-212765 http://www.tv5monde.com/cms/chaine-francophone/Revoir-nos-emissions/L-invite/Episodes/p-30387-Hubert-Felix-Thiefaine.htm
[5] Hubert Félix Thiéfaine, Angélus [17].
[6] Charles Baudelaire, Préface aux « Fleurs du Mal », Œuvres complètes. Préface de Claude Roy. Notices et notes de Michel Jamet, Paris, Robert Laffont, 1980, coll. « Bouquins », p. 131.
[7] Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe, Œuvres, préface de Raphäel Enthoven, Paris, Gallimard, 2013, coll. « Quarto », p. 315.
[8] cf. pour Baudelaire http://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/ardennes/charleville-mezieres/nos-photos-et-videos-en-direct-du-festival-du-cabaret-vert-de-charleville-mezieres-790295.html, et à propos de Camus http://www.europe1.fr/mediacenter/emissions/on-connait-la-musique/sons/on-connait-la-musique-avec-hubert-felix-thiefaine-et-mina-tindle-2317139.
[9] Hubert Félix Thiéfaine, Angélus [17].
[10] Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois, traduit de l’anglais par Louis Fabulet, Paris, Gallimard, 1990. p. 12.
[11] http://radio-en-construction-interview-du-musicien-hubert-felix-thiefaine
[12] Lucrèce, De la Nature, tomes I et II, texte établi, traduit et annoté par Alfred Ernout, Paris, Les Belles Lettres, 2002. IV, 605 ; IV, 906.
[13] Hubert Félix Thiéfaine, Angélus [17].
[14] Henry Miller, Le Colosse de Maroussi, Paris, Le Livre de Poche, 1972, p. 108. L’importance centrale du « bon pédagogue » qu’est Miller dans l’itinéraire de Thiéfaine est précisée dans Galaxie Thiéfaine – Supplément d’âme. Un film de Michel Buzon et Dominique Debaralle. Une coproduction France 3 Franche-Comté / Séquence SDP / Couleurs du Monde Production (2012).
[15] Hubert Félix Thiéfaine, Angélus [17].
[16] Hubert Félix Thiéfaine, Angélus [17].
[17] Friedrich Nietzsche, Le Gai savoir, traduit de l’allemand par Henri Albert, traduction révisée par Jean Lacoste, Œuvres I, pp. 267-545, Paris, Robert Laffont, 1993, coll. « Bouquins », p. 131-132.
[18] Hubert Félix Thiéfaine, Angélus [17].
[19] Albert Camus, L’Homme révolté, Œuvres, p. 864.
[20] Friedrich Nietzsche, La Généalogie de la morale, traduit de l’allemand par Henri Albert, traduction révisée par Jean Lacoste, Œuvres II, pp. 267-545, Paris, Robert Laffont, 1993, coll. « Bouquins », p. 879.
[21] Friedrich Nietzsche, La Généalogie de la morale, traduit de l’allemand par Henri Albert, traduction révisée par Jean Lacoste, Œuvres II, pp. 267-545, Paris, Robert Laffont, 1993, coll. « Bouquins », p. 879.
[22] Outre la remarque « Nietzsche a toujours été très mal traduit » [http://www.lindependant.fr/2012/07/28/hubert-felix-thiefaine-fidele-a-mes-reves-de-gosse,155522.php] qui est le fait d’un lecteur à même de fréquenter le philosophe dans l’original, signalons que le titre Suppléments de mensonge (Paris, Sony/Columbia, 2011, [16]) du seizième album de Thiéfaine est emprunté à la traduction par Pierre Klossowski du titre Die Hinzulügner d’un chapitre du Gai Savoir, comme le précise l’entretien http://mytaratata.com/taratata/387/interview-hf-thiefaine-2011 où l’auteur s’exprime sur son rapport à Nietzsche en général.
[23] Arthur Rimbaud, Matinée d’ivresse, Œuvres complètes, Introduction, chronologie, édition, notes, notices et bibliographie par Pierre Brunel, Paris, Le Livre de Poche, 1999, coll. « La Pochothèque », p. 467.
[24] Arthur Rimbaud, Matinée d’ivresse, Œuvres complètes, p. 467.
[25] Hubert Félix Thiéfaine, Angélus [17].
[26] Arthur Rimbaud, Matinée d’ivresse, Œuvres complètes, publiées par André Guyaux avec la collaboration d’Aurélia Cervoni, Paris, Gallimard, 1984, coll. « La Pléiade », p. 467.
[27] Gérard de Nerval, Artémis, Œuvres complètes III, Édition publiée sous la direction de Jean Guillaume et Claude Pichois, Paris, Gallimard, 1993, coll. « La Pléiade », p. 648.
[28] http://www.concertlive.fr/videos/hubert-felix-thiefaine-clip-angelus-youtube/ . Le clip d’Angélus est l’œuvre de Yann Orhan.
[29] Hubert Félix Thiéfaine, Un vendredi 13 à 5 heures, in Alambic – sortie sud, Paris, Sterne, 1984 [6].
[30] Hubert Félix Thiéfaine, Mathématiques souterraines, in Dernières balises (avant mutation), Paris, Sterne, 1981 [4].
[31] Homère, L’Odyssée, tomes I à III, texte établi et traduit par Victor Bérard, Paris, Les Belles Lettres, 1924, VIII, 326 ; cf. aussi L’Iliade, tomes I à III, texte établi et traduit par Paul Mazon, Paris, Les Belles Lettres, 1943, I, 599.
[32] Hubert Félix Thiéfaine, Parano-safari en ego-trip-transit, in Défloration 13, Paris, Sony, 2001 [13].
[33] cf. « pendant que je te joue Cage à l’harmonica », Hubert Félix Thiéfaine, Fièvre résurrectionnelle [16].
[34] Friedrich Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, traduit de l’allemand par Henri Albert, traduction révisée par Jean Lacoste, Œuvres II, pp. 800-890, Paris, Robert Laffont, 1993, coll. « Bouquins », p. 642.
[35] Hubert Félix Thiéfaine, Terrien, t’es rien, in Fragments d’hébétude, Paris, Sony, 1993 [10].
[36] Hubert Félix Thiéfaine, Méthode de dissection du pigeon à Zone-la-ville, in Le bonheur de la tentation, Paris, Sony, 1998 [12].
[37] Hubert Félix Thiéfaine, Amants destroy [6].
[38] Hubert Félix Thiéfaine, Le jeu de la folie, in Scandale mélancolique, Paris, Sony, 2005 [14].
[39] Hubert Félix Thiéfaine, Mathématiques souterraines [4].
[40] Hubert Félix Thiéfaine, Ad orgasmum aeternum, in Soleil cherche futur, Paris, Sterne, 1982 [5].
[41] Hubert Félix Thiéfaine, Annihilation [A].
[42] http://www.tv5monde.com/cms/chaine-francophone/Revoir-nos-emissions/L-invite/Episodes/p-30387-Hubert-Felix-Thiefaine.htm
[43] Anaïs Nin, Journal de l’amour. Journal inédit et non expurgé des années 1932-1939. Inceste (1932-1934), Le Feu (1934-1937), Comme un arc-en-ciel (1937-1939). Avant-propos par France Jaigu. Traduction de l’anglais par Béatrice Commengé. Paris, Le Livre de Poche, 2003, coll. « La Pochothèque ».
[44] Hubert Félix Thiéfaine, Ad orgasmum aternum [5].
[45] http://www.thiefaine.com/en-remontant-le-fleuve-epk/
[46] Hubert Félix Thiéfaine, En remontant le fleuve [17].
[47] Arthur Rimbaud, Matinée d’ivresse, Œuvres complètes, p. 467.
[48] Hubert Félix Thiéfaine, L’amour est une névrose [16].
[49] Charles Baudelaire, Les phares, Œuvre complètes, p. 10.
[50] Hubert Félix Thiéfaine, En remontant le fleuve [17].
[51] Hubert Félix Thiéfaine, Exit to chatagoune-goune [5].
[52] Charles Baudelaire, L’Horloge, Petits poèmes en prose, Œuvres complètes, p. 175.
[53] Hubert Félix Thiéfaine, Exit to chatagoune-goune [5].
[54] Charles Baudelaire, Le Mauvais Vitrier, Petits poèmes en prose, Œuvres complètes I. Poésies, p. 166.
[55] Emily Dickinson. Lieu-dit l’éternité. Poèmes choisis. Édition bilingue. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) et présenté par Patrick Reumaux, Paris, Points, 2007, coll. « Poésie », p. 23.
[56] Hubert Félix Thiéfaine, Misty dog in love, in Chroniques bluesymentales, Paris, Sony, 1990 [9].
[57] Hubert Félix Thiéfaine, Première descente aus enfers par la face nord, in Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir, Paris, Sterne, 1978 [1]. La polysémie blasphématoire propre tant à cette déclaration qu’à son corollaire « je réserve les cieux / pour d’autres aventures / ce soir je sais que dieu / est un fox à poil dur » est détaillée dans Françoise Salvan-Renucci « “tel un disciple de jésus / je boirai le sang de ta plaie” : érotisme et blasphème dans le discours poétique des chansons de H.F. Thiéfaine », Béatrice Bonhomme / Christine Di Benedetto / Ghislaine Del Rey / Jean-Pierre Triffaut (éd.) : Babel transgressée. La subversion d’un art vivant à l’autre, de la jouissance au blasphème, Paris, L’Harmattan, 2017, coll. « Thyrse », pp. 335-345.
[58] Hubert Félix Thiéfaine, Roots & déroutes plus croisement [13].
[59] Hubert Félix Thiéfaine, Your terraplane is ready mister Bob ! [15]. La polysémie du texte et notamment sa strate érotisante reste inexplorée dans ces lignes, la validité de la lecture littérale faisant intervenir le diable n’étant en effet nullement obérée par la reconnaissance du discours implicite.
[60] Hubert Félix Thiéfaine, Your terraplane is ready Mister Bob ! [15].
[61] Hubert Félix Thiéfaine, Annihilation [A].
[62] Hubert Félix Thiéfaine, La nostalgie de dieu, in La tentation du bonheur, Paris, Sony, 1996 [11].
[63] Hubert Félix Thiéfaine, Juste avant l’enfer, in Amicalement blues, Paris, Sony/RCA 2007 [15].
[64] Hubert Félix Thiéfaine, Rendez-vous au dernier carrefour [15]. Signalons que le discours implicite associe le diptyque de William Blake The Little Girl lost / The Little Girl Found et le recueil de poèmes de Charles Bukowski L’amour est un chien de l’enfer, multipliant ainsi les connotations « infernales ».
[65] Hubert Félix Thiéfaine, Nyctalopus airline [6].
[66] Hubert Félix Thiéfaine, Nyctalopus airline [6].
[67] Hubert Félix Thiéfaine, Comme un chien dans un cimetière (le 14 juillet), in De l’amour, de l’art ou du cochon ?, Paris, Sterne, 1980 [3].
[68] Benjamin Péret, Œuvres complètes, tome I, Paris, Éric Losfeld, 1969, p. 234.
[69] Hubert Félix Thiéfaine, Narcisse 81 [4].
[70] Hubert Félix Thiéfaine, Autoroutes jeudi d’automne [5].
[71] Friedrich Nietzsche, Le Crépuscule des idoles, , traduit de l’allemand par Henri Albert, traduction révisée par Jean Lacoste, Œuvres II, pp. 1000-1056, Paris, Robert Laffont, 1993, coll. « Bouquins », p. 1023.
[72] Hubert Félix Thiéfaine, Narcisse 81 [4].
[73] Hubert Félix Thiéfaine, Petit matin 4.10. heure d’été [16].
[74] Hubert Félix Thiéfaine, Zoos zumains zébus, Bluesymental tour, un film de Gérard Pullicino, enregistré au Transbordeur, Lyon, Lala Production, 1991.
[75] Hubert Félix Thiéfaine, Zoos zumains zébus, in Bluesymental tour.
[76] Hubert Félix Thiéfaine, Angélus [17].
[77] Hubert Félix Thiéfaine, Le chaos de la philosophie [11].
[78] Hubert Félix Thiéfaine, Vingt-quatre heures dans la nuit d’un faune [11].
[79] Le titre de la chanson renvoie simultanément à Mallarmé (Prélude à l’après-midi d’un faune,) Stefan Zweig (24 heures dans la vie d’une femme) et Arno Schmidt (Scènes dans la vie d’un faune).
[80] Hubert Félix Thiéfaine, Eurydice nonante sept [12].
[81] Hubert Félix Thiéfaine, Annihilation [A]. La réinterprétation érotico-sexuelle qu’on ne détaillera pas ici renforce à cet égard l’impression de « vie » qui se dégage de l’évocation du monde des morts.
[82] Hubert Félix Thiéfaine, Scandale mélancolique [15].
[83] Hubert Félix Thiéfaine, Petit matin 4.10. heure d’été [16].
[84] Hubert Félix Thiéfaine, Annihilation [A].
[85] Arthur Rimbaud, Lettre à Paul Demeny (15 mai 1871), Œuvres complètes, p. 239.
[86] Albert Camus, L’Homme révolté, Œuvres, p. 884.
[87] Hubert Félix Thiéfaine, Éloge de la tristesse [13]. On passe à nouveau sous silence la polysémie de la séquence, dont la reconnaissance ne remet nullement en question la dimension « infernale » de l’expérience.
[88] Hubert Félix Thiéfaine, Nyctalopus airline [6]. La dimension spirituelle de l’entreprise a été précisée plus haut à travers le décryptage de l’incipit blasphématoire.
[89] Hubert Félix Thiéfaine, En remontant le fleuve [17].
[90] Francesco Petrarca, Canzoniere, a cura di Paola Vecchi Galli, annotazioni di Paola Vecchi Galli e Stefano Cremonini, Milano, BUR Classici, 2012, XL, 7, p. 245.
[91] Hubert Félix Thiéfaine, En remontant le fleuve [17].
[92] Hubert Félix Thiéfaine, Amant sous contrôle [15].
[93] Hubert Félix Thiéfaine, Vendôme gardenal snack [3].
[94] Hubert Félix Thiéfaine, Eros über alles, Paris, Sony, 1988 [8]. Le titre rétablit le primat du legs culturel allemand en détournant le Deutschland über alles pour le rapprocher de l’hommage à Éros « so herrsche denn Eros, der alles begonnen ! » [« que règne donc Éros, par qui tout a commencé ! », traduction Françoise Salvan-Renucci] de la Nuit de Walpurgis classique du Second Faust de Goethe.
[95] Hubert Félix Thiéfaine, Fièvre résurrectionnelle [16].
[96] Friedrich Nietzsche, Ains parlait Zarathoustra, traduit de l’allemand par Henri Albert, traduction révisée par Jean Lacoste, Œuvres II, pp. 267-545, Paris, Robert Laffont, 1993, coll. « Bouquins », De la danse, p. 366-368.
[97] Hubert Félix Thiéfaine, Fièvre résurrectionnelle [16].
[98] Hubert Félix Thiéfaine, Syndrome albatros [8].
[99] cf. Hubert Félix Thiéfaine, Exil sur planète-fantôme [4], Ad orgasmum aeternum [5], Nyctalopus airline [6], Zone chaude môme (in Meteo für nada, Paris, Sterne, 1986 [7]), Série de 7 rêves en crash position [10], Sentiments numériques revisités [11], Lubies sentimentales [17].
[100] Hubert Félix Thiéfaine, Annihilation [A].
[101] Dante, La Divine Comédie, texte original, présentation et traduction par Jacqueline Risset, Paris, GF Flammarion 1216-1217-1218, édition corrigée 2004, Inferno III, 9.
[102] Francesco Petrarca, Canzoniere, CLXX, 14, p. 645.
[103] Hubert Félix Thiéfaine, Stratégie de l’inespoir [17].
[104] Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe, Œuvres, p. 309.
[105] cf Françoise Salvan-Renucci, « “tel un disciple de jésus / je boirai le sang de ta plaie” : érotisme et blasphème dans le discours poétique des chansons de H.F. Thiéfaine »