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  • Photo du rédacteurFrançoise Salvan-Renucci

« au hasard de ma route entre deux quais de gare » : regard sur le parallèle entre « Jacques le Fata


La recherche de dénominateurs communs entre le discours propre aux chansons de H.F. Thiéfaine et le parcours des figures mises en scène par Diderot dans Jacques le Fataliste apparaît d’emblée comme une entreprise aux perspectives prometteuses, malgré le caractère paradoxal que peut présenter le rapprochement de deux modèles d’élaboration littéraire a priori très éloignés l’un de l’autre. Les thématiques centrales du texte de Diderot – récit sans cesse contrarié des amours de Jacques, péripéties multiples du voyage qui font régulièrement obstacle à la relation autobiographique et controverses toujours renouvelées sur la part respective prise par le hasard et le destin dans le déroulement d’une vie humaine – connaissent dans la création de Thiéfaine une déclinaison remarquablement pertinente, dont la principale caractéristique est qu’elle s’effectue sur le mode d’une simultanéité ou d’une concomitance absolue telle que peut seule l’instaurer la polysémie du discours énigmatique inauguré et constamment pratiqué par l’auteur. Cette spécificité d’écriture – dont il importe de noter qu’elle se réapproprie de façon virtuose le dogme du sens multiple du texte écrit qui régit les modalités de la production et de la réflexion médiévales, et qu’un auteur comme Villon pratique avec une dextérité confinant à l’indépassable – se situe par définition à l’opposé du postulat de linéarité qui – abstraction faite de l’évidence de la non-univocité inhérente au récit de Diderot – dicte à tout roman son schéma organisationnel : l’investigation du parallèle entre le corpus des chansons et Jacques le Fataliste passe ainsi par la confrontation de deux paradigmes artistiques, dans laquelle la dynamique d’entrelacement aux résonances multiples qui imprègne le corpus des chansons fait face à la succession tant des phases du processus narratif que des séquences de conversation avec lesquelles elles alternent, sans oublier le va-et-vient réitéré de leurs accentuations thématiques.

La prise en compte de cette différence fondamentale constitue l’étape préalable à la mise en oeuvre d’une lecture conjointe du roman philosophique d’inspiration picaresque et du corpus poétique qui vient lui faire écho à plus de deux siècles de distance, un pré-requis plus spécifique découlant quant à lui des catégories incontournables qui président à la description de la signature poétique de Thiéfaine, et dont on a déjà esquissé les contours dans les lignes qui précèdent : l’identification de la multivocité du discours des chansons et de l’oscillation de principe qu’il installe en permanence entre ses divers plans sémantiques se révèle de fait comme la condition sine qua non de son appréhension adéquate – et a fortiori de la possibilité de son rapprochement avec d’autres univers littéraires. C’est précisément ce même polymorphisme des formulations cryptiques qu’il s’agit avant tout de mettre en exergue lors de la lecture parallèle du corpus des chansons et du récit de Diderot que l’on se propose de réaliser ici, sans qu’il s’agisse pour autant d’avancer à cette occasion l’hypothèse d’un rapport d’intertextualité à proprement parler telle qu’elle s’impose avec une évidence absolue dans le cas de la mobilisation d’autres références. L’écriture « kaléidoscopique et plurielle[1] » des chansons – pour appliquer de nouveau à la poétique de Thiéfaine la définition si suggestive élaborée en son temps par Kristeva à propos de Dostoïevski – embrasse de fait la totalité du spectre d’évocation couvert par le discours du roman – et dont on a pu préciser précédemment les principaux constituants –, établissant ipso facto un réseau de correspondances à la pertinence et à la densité surprenantes, dont il est relativement simple de rendre compte dans le détail pour peu que l’on prenne d’abord conscience du degré de complexité organisationnelle qui se fait jour dans chaque séquence d’une chanson donnée à travers le processus de superposition comme d’articulation des strates discursives. Sous l’effet de la pluralité énonciative systématiquement mise en place par Thiéfaine – qui rappelle à dessein dans ses interviews l’affinité qu’il a ressentie dès le début de son parcours avec l’écriture de Villon –, le discours explicite apparemment cantonné à une sphère thématique bien déterminée – et censée a priori demeurer reconnaissable et inchangée quelles que soient les difficultés de compréhension posées par tel ou tel terme de la formulation cryptique et perçue comme telle – se voit doté au plan sous-jacent d’un voire de plusieurs corollaires implicites qui s’élaborent à partir des mêmes éléments dont la réunion dans la lettre du vers ou de la strophe suggère dans un premier temps l’unicité de la lecture immédiate. Sans invalider pour autant les conclusions découlant de l’application de la première grille de lecture, la perception de l’offre herméneutique complémentaire – et porteuse d’un potentiel d’évocation tout aussi développé voire plus riche de résonances symboliques –qu’un affinement des repères fait surgir à la manière d’une lectio difficilior aux côtés de l’exégèse la plus évidemment acceptable ouvre la voie à une confrontation de perspectives d’appréhension divergeant sensiblement entre elles tant sur le plan du cadre thématique qui leur est assigné que sur celui de leur teneur énonciativo-sémantique, alors même qu’elles sont toutes également légitimées et donc recevables au même titre du fait de la structure spécifique revêtue par le discours multivoque. L’impératif d’une perception simultanée des diverses lignes de la polyphonie discursive peut toutefois rester occulté du fait de la prééminence spontanément accordée à la conception littérale, les strates implicites courant alors le risque de demeurer tout d’abord – voire irrémédiablement – inaperçues lors de la tentative de saisie herméneutique : la possibilité de reconnaissance du principe polysémique va en effet de pair avec celle de la mise en lumière des critères énonciatifs précis – qui sont dans chaque cas nettement définis et sur lesquels on aura tout loisir de s’attarder dans la suite de ces développements – qui autorisent ou déclenchent le basculement d’un niveau du discours à un autre. La cohérence sans faille ainsi décelable tant au niveau de la globalité de l’expression qu’à celui de chacun des plans respectifs de l’évocation cryptique s’accompagne en même temps d’une répartition tout aussi maîtrisée – et de surcroît révélatrice à un degré impressionnant du caractère totalement organisé du discours thiéfainien – des accentuations thématico-sémantiques attribuées à chacune des composantes de la dynamique discursive. Une telle exactitude de la répartition des axes offre d’entrée de jeu la certitude d’une orientation fiable de bout en bout dans le cas extrême du rapport intertextuel – parce que davantage fondé sur l’analogie des démarches que sur l’identification de renvois délibérés à telle ou telle formulation du roman de Diderot – auquel peut être assimilée la mise en perspective avec Jacques le Fataliste et sa thématique multiple. L’entrelacement des strates énonciatives réunies dans les textes des chansons – et plus précisément dans celles apparentées sur le plan des priorités explicites avec la sphère d’évocation du récit – entre point par point en résonance avec les passages correspondants du roman : les divers contenus dont se voit investi le discours de surface font directement écho aux controverses sur la part respective prise par le « destin » ou le « hasard » aux errances ou plus généralement au parcours biographique des deux protagonistes du récit, tandis que la dimension des « amours » est essentiellement dévolue au plan latent de l’énoncé poétique dont le décryptage révèle la fonction essentielle de vecteur de la dynamique érotico-sexuelle qui est au cœur du projet artistique de H.F. Thiéfaine. Le primat récurrent qui revient à celle-ci dans l’approche de l’auteur est de fait résumé idéalement dans le titre de l’album Eros über alles dont on aura l’occasion de préciser toute la portée symbolique dans la suite de ces lignes, en liaison précisément avec un aspect essentiel du texte de Jacques le Fataliste.

En accord avec les présupposés poétologiques caractéristiques de la création de Thiéfaine, on préfèrera à un parcours linéaire à travers le récit de Diderot le recours à une présentation en raccourci sous la forme d’un compendium qu’on espère à la fois significatif et suffisamment dense dans le cadre de l’investigation projetée ici : un tel abrégé sera à même de rassembler – tout en les soulignant délibérément pour les besoins de la cause – les éléments à valeur emblématico-signalétique du roman qui resurgissent au détour des chansons à travers une déclinaison aussi suggestive que personnelle, mais dans laquelle on peut voir se profiler – sans que la parenté manifeste de la démarche existentielle exposée dans la production des deux auteurs doive pour autant faire conclure à une réappropriation délibérément calculée de la part de Thiéfaine – les contours du périple à deux acteurs que retrace le texte de Jacques le Fataliste. À partir de cette « base de données » réunie dans un but essentiellement fonctionnel, il est aisé de constater que la mise en regard de formulations récurrentes prises dans leur littéralité respective suffit à établir la plausibilité – et au-delà de celle-ci la réalité tangible – de convergences aussi fréquentes que riches de signification entre le roman du XVIIIème siècle et le corpus poétique contemporain.

Les premières lignes du roman apparaissent à cet égard comme la matrice originelle d’où découle par dérivations successives la totalité des péripéties relatées dans les pages du récit, et en même temps comme la première fixation énonciative du principal leitmotiv des réflexions de Jacques, dont les déclarations au fil du roman dévident ensuite la chaîne des variations successives :

Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut.[2]

Il manque seulement à cette entrée en matière l’exposition du second motif central, qui vient rejoindre le premier à très brève échéance et ferme ainsi le cercle des possibilités évocatrices que le roman va s’attacher à décliner ad libitum et ad infinitum dans la succession des épisodes de la narration directe ou indirecte :

Jacques commença l’histoire de ses amours. […] La nuit les surprit au milieu des champs ; les voilà fourvoyés. [3]

Le tableau ainsi esquissé n’a pas besoin d’être développé davantage pour servir de fil rouge à l’exploration du corpus des chansons sous l’angle de ce double postulat initial, dont la suite du roman confirme sans cesse à nouveau l’importance sans qu’il soit besoin d’en détailler ici les répétitions ou les variations ultérieures. Notons en manière de préambule à des investigations plus détaillées que la constatation « La nuit les surprit dans les champs » qui assigne dès l’abord son caractère heurté au déroulement narratif possède une correspondance exacte au début de la dernière strophe de Narcisse 81 où les vers

la nuit te glace au fond d’un train

où tu croyais trouver l’oubli[4]

signalent l’irruption de la nuit comme celle d’un facteur perturbant qui exerce un effet analogue à celui décrit par le narrateur de Diderot : si elle ne peut empêcher ni différer le déplacement entrepris par le personnage, à la différence de ce qui intervient dans le roman, l’atmosphère nocturne influence négativement ses sensations et son état physique, annihilant du même coup les attentes qu’il nourrissait par rapport à cette nouvelle étape de son parcours – et rejoignant ainsi la problématique à laquelle sont confrontées les figures de Jacques le Fataliste. À partir de l’identification de ce parallèle à valeur symbolique – la question du diagnostic d’un rapport intertextuel voire de l’éventuelle intentionnalité de celui-ci passant ici de toute évidence au second plan –, la recherche de correspondances significatives peut s’engager sous des auspices manifestement favorables, ouvrant la voie à la prise en compte d’une série de rapprochements chargés d’un impact tout aussi voire encore plus déterminant.

C’est en premier lieu l’influence déterminante du « hasard », désigné d’entrée par le narrateur comme l’équivalent matérialiste et impersonnel d’une quelconque puissance tutélaire, qui scelle l’affinité du roman avec le discours thiéfainien dont le « hasard » constitue un paradigme essentiel, toujours nimbé d’une aura symbolique dont témoignent nombre de formulations définitives : le vers « au hasard de ma route entre deux quais de gare[5] » qui donne son titre à ces réflexions permet d’assimiler la constellation de Vendôme gardenal snack à celle d’un parcours se déroulant dans des conditions analogues à celles qui président à l’itinéraire de Jacques et son maître, sans qu’il soit encore question de se pencher sur la polysémie du « quai de gare » dont on verra par la suite qu’il évoque également une situation dont le rapport avec la notion du voyage est tout au plus métaphorique. Le texte de Cabaret sainte Lilith met en exergue la même triplicité thématique – voyage, hasard, sphère de l’Éros – que celle autour de laquelle s’organise le texte de Diderot à travers le distique

du côté de ces nuits où s’enfuit le hasard

avec les doigts collés de foutre et de sueur[6]

La subordination des deux autres contenus à la personnification allégorique du « hasard » et la déclinaison simultanée des trois motifs qui va de pair avec une telle hiérarchisation permettent de réaliser – et ce dès le plan du discours explicite – la contamination des domaines d’évocation caractéristique de l’écriture thiéfainienne. En même temps que se crée un tel lien organique entre les constituants énonciatifs, le basculement vers la fuite qui modifie la dynamique de déplacement et la corporalité manifeste que revêt l’évocation de la sexualité assignent aux manifestations du « hasard » une coloration spécifique qui en souligne paradoxalement la dimension inéluctable : leur dominance en ce qui concerne aussi bien la sphère du mouvement que celle des processus physiologiques apparaît en fin de compte comme la seule et véritable constante de l’équation du texte, reproduisant indirectement la généralisation apodictique « par hasard, comme tout le monde » rencontrée dans les premières lignes du roman.

En harmonie avec le schéma explicatif proposé par le narrateur au début de Jacques le Fataliste, le « hasard » est présenté comme le paramètre décisif de la rencontre avec la figure féminine dépeinte au début de Portrait de femme en 1922 :

je t’ai rencontrée une nuit

au détour d’un chemin perdu

qui ne conduisait nulle part

où tu te tenais immobile

en équilibre sur un fil

tendu au-dessus du hasard[7]

L’atmosphère nocturne – dont on a déjà souligné l’adéquation avec le point de départ du roman – et le détournement aporétique de l’idée du voyage véhiculé par le rappel heideggérien des Chemins qui ne mènent nulle part fixent la tonalité onorico-fantastique de la scène, fournissant un arrière-plan adéquat à l’apparition de la femme saisie dans le contraste oxymoral de la précarité de sa position et de l’intangibilité troublante de son « équilibre ». L’aspect surréel ainsi dévolu tant à l’itinéraire du protagoniste qu’au surgissement de l’Éros sur la route de celui-ci confirme le primat du hasard qui devient là aussi la loi fondamentale régissant la relation nouée entre le « je » et la mystérieuse inconnue qui se présente en ces termes suggestifs :

tu sais, je n’suis qu’effluve

et je reviens d’ailleurs[8]

– tout en précisant sans ambiguïté l’indépendance radicale de sa démarche existentielle :

mon tendre amour ne m’en veux pas

tu sais je ne suis à personne

et tu reprends ta route

ton ténébreux voyage…[9]

Outre l’appartenance à la sphère du hasard qu’elle partage avec l’ensemble des acteurs évoluant dans le corpus thiéfainien et qui caractérise de surcroît le décor même de leurs « divagations », le « ténébreux voyage » accompli par la femme l’assimile par certains côtés au profil existentiel réservé le plus souvent aux figures masculines des chansons présentées de façon récurrente comme aspirant à une existence « on the road[10] » – pour ne rien dire de la constellation de Jacques le Fataliste où l’errance est principalement associée aux divers prototypes masculins et en premier lieu aux deux personnages éponymes. C’est d’ailleurs à la lueur du motif du « voyage » que l’indication de date « en 1922 » contenue dans le titre se charge d’un potentiel connotatif remarquablement évocateur, et qui s’intègre dans l’aura associative extrêmement développée qui s’installe autour de l’écriture de l’auteur, apparaissant comme le trait dominant d’une signature poétique à l’expression totalement organisée jusque dans le détail de ses constituants énonciatifs et l’assimilation d’une intertextualité à la richesse foisonnante : dans Au-dessous du volcan, le roman de Malcolm Lowry dont les écrits réapparaissent de façon intensive – surtout dans les années 1980 – au détour de la création de Thiéfaine, 1922 est l’année pendant laquelle Yvonne, l’épouse infidèle du consul Geoffrey Firmin, est censée s’être adonnée à une série d’activités inavouables allant jusqu’à l’espionnage, au cours d’un périple qui l’a menée à travers les continents et que le héros retrace avec un luxe de détails, alors qu’il est entièrement issu de son imagination enfiévrée par l’alcool. Le rapport sous-jacent avec le passage du roman offre une possibilité parfaitement plausible de concrétisation de l’image comme de l’itinéraire de la figure féminine de la chanson, entendu qu’il ne s’agit pas d’imposer une fixation définitive du cadre référentiel, mais de renvoyer au plan cryptique à une analogie pertinente, susceptible comme telle d’élargir le spectre référentiel, au lieu de le réduire à une offre univoque comme le ferait l’identification obligée imposée par une intertextualité au profil « traditionnel » : la polysémie du discours thiéfainien débouche au contraire sur la création d’une intertextualité elle aussi multivoque, dans laquelle – pour rester dans le cadre de Portrait de femme en 1922 – la dénomination d’« effluve » fait voisiner la référence à la théorie lucrétienne des simulacres avec le rappel du film Parfum de femme de Dino Risi, titre faisant lui-même écho à l’« odor di femmina » poursuivie par le Don Giovanni de Mozart.

Dans ces voyages qui se rattachent au modèle mis en scène par Diderot du périple entrepris sous le signe du hasard, la différence subtile mais essentielle qui se fait jour entre une telle incarnation du féminin et les protagonistes le plus souvent masculins des chansons réside dans la redéfinition de la notion de l’« ailleurs » en fonction du sexe des personnages : les figures féminines sont localisées d’emblée dans l’ailleurs, le « et je reviens d’ailleurs » qu’on vient de citer trouvant un parallèle exact dans la caractérisation de la femme qui est au centre de Fièvre résurrectionnelle :

mais toi tu viens d’ailleurs d’une étrange spirale

d’un maelström unique dans la brèche spatiale[11]

Le « au bout d’un autre ailleurs[12] » évoqué dans Scandale mélancolique est relié au plan sous-jacent à l’univers des « reines immortelles[13] », soulignant à nouveau l’affinité des représentantes du féminin avec la sphère de l’« ailleurs » considérée sous son aspect sédentaire ou statique. À l’inverse, c’est l’insatiable aspiration à un « ailleurs » en fin de compte inaccessible qui conditionne le projet de vie des figures masculines, ainsi que l’exprime le « tu voudrais toujours être ailleurs[14] » adressé au protagoniste de Orphée nonante huit que son constant « étrange regard vers l’enfer[15] » amène à décliner implicitement l’invitation du cargo « qui t’attend pour d’autres amours[16] ». Le même désir d’ailleurs hérité du projet romantique – et comme tel étranger à l’univers empreint de rationalité du roman de Diderot – revendique sa valeur programmatique aussi bien dans le refrain de Autoroutes jeudi d’automne « et je vais voir ailleurs, toujours plus loin ailleurs[17] » que dans le « à toujours vouloir être ailleurs[18] » qui résume les aspirations des protagonistes de Errer humanum est.

Outre l’intervention constante du « hasard » qui imprime sa marque au modèle thiéfainien du voyage, ce dernier s’affirme à de nombreuses reprises comme relevant de la dimension d’une « errance » explicitement revendiquée dont la récurrence dans les constellations des chansons semblerait élever au niveau d’un postulat de principe la constatation « les voilà fourvoyés[19] » qui ouvre la relation du voyage de Jacques et son maître : le lien étroit entre les deux composantes centrales du programme authentiquement picaresque développé dans le corpus des chansons est manifeste dans le texte de Vendôme gardenal snack qui fait débuter par le vers « tu traînes ton ennui dans les rues de l’errance » la strophe où figure la formule symbolique déjà évoquée « au hasard de ma route entre deux quais de gare[20] ». Une association analogue s’opère dans le quatrain de Misty dog in love

je te veux sur ma route

je te veux dans mes errances

je te veux dans mes doutes

je te veux dans mes silences[21]

que sa nature d’apostrophe à l’adresse de la figure féminine rattache d’entrée à la sphère des « ardeurs érotiques[22] », parachevant là aussi une triplicité thématique que la permutabilité des notions du « hasard » et de l’« errance » rend aisément identifiable. L’« errance au milieu de la nuit[23] » telle qu’elle est évoquée dans Camélia : huile sur toile est également un élément obligé des autoportraits ébauchés par les divers protagonistes thiéfainiens, du « je me revois rêveur errant[24] » de Fenêtre sur désert – sans oublier le redoublement apporté au plan sous-jacent par le errand boy en tant qu’équivalent anglais du « garçon de courses[25] » de la première strophe – au « je suis l’évêque étrusque, un lycanthrope errant[26] » des Confessions d’un never been, sans oublier le « chien errant à minuit[27] » auquel s’identifie le personnage central de Fin de partie. La devise « bourlinguer… errer[28]» adoptée par les « aventuriers des graals perdus[29] » de Errer humanum est met d’abord en exergue la notion d’un périple tous azimuts, dans lequel la composante spécifiquement sexuelle se révèle comme on pourra le constater ultérieurement d’une remarquable richesse suggestive – qui reste dans un premier temps d’autant plus insoupçonnée que le discours explicite accorde pour sa part une importance appréciable à l’évocation des « p’tites frangines[30] », qui semble a priori pouvoir à elle seule faire pendant au récit sans cesse laissé en suspens des « amours » mouvementées de Jacques. Dans la lignée du On the Road de Jack Kerouac directement cité dans le refrain « on the road again, men[31] », c’est donc en premier lieu à la thématique des voyages au long cours et des diverses perturbations que ceux-ci sont susceptibles de connaître que sont censés renvoyer les deux verbes à signification équivalente – en apparence du moins – « bourlinguer » et « errer » ; en ce qui concerne ce dernier, sa nature immédiatement perceptible de détournement de la maxime errare humanum est fait surgir d’emblée toute la complexité de la déclinaison errance-errement-erreur saisie sous son aspect essentiellement dynamique, en conformité avec le projet d’une « dérive nomadiste[32] » analogue à celle prônée par Guy Debord. Le fait qu’un tel programme soit exposé en référence aux vers d’Apollinaire célébrant « la joie d’errer et le plaisir d’en mourir[33] » contribue à la reconnaissance du rapport de filiation symbolique entre le discours poétique de Thiéfaine et la création – ainsi que la réflexion – de ses prédécesseurs, illustrant l’idée centrale de la « continuité de la poésie[34] » qui lui est de son propre aveu particulièrement chère.

L’importance significative de l’apport de Guy Debord dénote un ancrage situationniste délibéré qui est effectivement décelable à tous les niveaux du discours thiéfainien caractérisé par le recours récurrent au détournement et au calembour dont il assume également la dimension subversive, à la condition expresse que celle-ci soit « [profonde et tranquille[35] ». Cette adhésion de principe laisse également une trace visible dans la métalangue poétique des chansons en tant qu’élément essentiel du « paysage intime[36] » de l’auteur, la valorisation du motif de la « dérive » permettant alors une déclinaison fructueuse du motif de l’errance : davantage encore que la constation désabusée « je reste là dans ta dérive[37] » émise par le protagoniste de Modèle dégriffé, le texte de Animal en quarantaine expose la vision d’une « dérive à l’infini[38] » dont le halo connotatif se révélera nettement plus diversifié que ne le laisse attendre le discours explicite, qui suffit cependant à faire prendre conscience de la systématisation de la démarche de l’errance élargie aux dimensions d’un projet existentiel

Les débats menés dans Jacques le Fataliste autour de l’opposition entre caractère aléatoire – « par hasard, comme tout le monde[39] » – et inéluctabilité prévisible – « tout était écrit là-haut[40] » – de la survenue des événements qui jalonnent l’existence humaine trouvent une correspondance remarquablement pertinente dans le discours des chansons à travers le recours simultané ou bien alternatif à la catégorie du « hasard » ainsi qu’à celles exprimant l’idée d’un déterminisme implacable, la coïncidence oxymorale des deux paradigmes interprétatifs laissant de fait la porte ouverte à un « doute » récurrent qui s’inverse alors paradoxalement en seule donnée tangible susceptible d’offrir une amorce d’orientation, ainsi que l’expérimentent les personnages de En remontant le fleuve s’avançant « vers les feux de nos doutes jusqu’au dernier mensonge[41] ». La déclinaison de cette nouvelle triade signalétique donne lieu à des variations multiples dans lesquelles on assiste également à une modification consamment réitérée du cadre référentiel, la mouvance inhérente à celui-ci devenant ainsi l’expression même de l’action combinée du « hasard » et du « doute » qui aboutit à l’élimination temporaire du facteur déterministe – celui-là même qui constitue l’équivalent du « destin » ou du « tout était écrit là-haut » invoqués par Jacques. La maximisation de la dynamique de désorientation qui s’opère dans Les fastes de la solitude par l’intermédiaire de la formulation « et le doute qui ravage même tes incertitudes[42] » instaure la contamination de la démarche d’inspiration socratique avec l’approche relevant du principe de Heisenberg, tandis que le renforcement mutuel des paramètres du « doute » et du « hasard » opéré dans Errer humanum est se double de l’introduction du nouveau couple d’agents perturbants constitué par la « nuit » et le « brouillard », eux-mêmes évoqués de surcroît dans l’indissolubilité de leur action conjointe :

voici les photos de nos routes

prises d’avion par nuit de brouillard

dans ce vieux catalogue des doutes

aux pages moisies par le hasard[43]

La « vision chorégraphique[44] » d’une quadruple influence des facteurs de déstabilisation débouche ainsi sur une expression métaphorique à la complexité achevée dont il s’agira par la suite d’approfondir les implications sémantiques latentes, sans pour autant reléguer au second plan la fulgurance de l’impact immédiat inhérent à la spirale d’intrication qui se déploie au plan du discours explicite.

Une autre modalité de cristallisation verbale destinée à refléter le primat du « hasard » – entendu que l’écriture « kaléidoscopique et plurielle[45] » de Thiéfaine est régie par un mouvement de balancier conduisant à valoriser tour à tour chacune des possibilités d’accentuation antagonistes relevant d’une même thématique – réside dans l’association du terme usuel – tel que l’emploie également l’incipit du roman de Diderot – avec ses équivalents modernes issus de la physique quantique, dont le discours thiéfainien maîtrise aussi bien la terminologie spécifique que les controverses à dimension philosophique qui ponctuent depuis ses débuts le développement de la discipline. Le déroulement dévastateur évoqué dans Amants destroy s’effectue

sur les fusibles du hasard

entre les quarks et les qasars[46]

– et ce alors même que la devise « détruire, détruire, toujours dit-elle[47] » dévolue à la figure féminine laisse davantage escompter une mise en œuvre rapide et sans détours de l’intention de destruction. Le décor ambivalent des « villes en fête[48] » sur lequel s’ouvre Le temps des tachyons réapparaît dans la suite du texte à l’occasion du distique

la roue tourne en saignant sur son axe indécis

entraînant des enfants aux allures de zombies[49]

où l’accessoire principal du divertissement populaire devient le vecteur privilégié du principe d’incertitude, tout en s’incorporant l’accentuation mortifère à la fois anticipatrice des « ténèbres en sang » sur lesquels se clôt le parcours à travers l’histoire et porteuse à un double titre d’une connotation déterministe qui fait contrepoids à la tendance suspensive incarnée par « l’axe indécis » : au-delà de leur adéquation incontestable à la grille exégétique basée sur le postulat d’une redéfinition « gothique » du paysage de la fête, les « zombies » au sens que revêt le terme dans la nomenclature traditionnelle du vaudou dévoilent leur suggestivité symbolique en tant qu’exécutants potentiels d’un programme d’annihilation universelle qu’ils mettent en œuvre avec une implacabilité d’autant plus inéluctable qu’ils ne sont plus que des corps privés d’âme. Le rebasculement vers la dynamique d’un enchaînement prévisible – auquel participe d’ailleurs en fin de compte le mouvement circulaire de la roue – se voit étayé dans la séquence suivante par la mention indirecte de la possibilité d’une lecture a priori des processus historiques, même si celle-ci est concrètement déniée à la figure tutélaire de Goethe qui, malgré sa qualité implicite d’exposant idéal d’une culture à la fois occidentale et universelle, ne peut cependant dépasser les limites dans lesquelles l’enferment à la fois sa situation historique et sa conception idéaliste de l’humain :

c’est Goethe à Weimar qui n’a pas vu le temps

futur des Dakotas dans les ténèbres en sang[50]

La disjonction des composants de la formulation « le temps futur » et la fiction passagère de leur réunion acoustique par le biais de l’enjambement permettent l’appréhension immédiate et simultanée tant de la tentative de surmontement des barrières pré-données que de l’échec auquel celle-ci apparaît irrémédiablement vouée, enrichissant ainsi – dans une proximité manifeste avec la technique de variation des postulats narratifs mise en œuvre dans le texte de Diderot –l’inventaire des modalités symboliques de mise en tension des constituants de l’opposition entre permanence indépassable d’un schéma préétabli et possibilité de sa modification occasionnelle : ainsi se dessine dès le plan purement structurel des processus d’articulation un modèle de présentation multidimensionnel et à double détente, dans lequel l’entrée en jeu inopinée du « hasard » ou de tout phénomène assimilable à celui-ci – comme ici l’entorse aux normes de la déclamation du vers – se révèle éventuellement susceptible d’entraver ou de détourner le cours apparemment immuable du « destin » – représenté dans le contexte qui nous occupe par la répétition inchangée de la disposition régulière.

La richesse des équivalents thiéfainiens à la notion du « registre d’en-haut[51] » auquel se réfère Jacques invite à une exploration de cette dimension spécifique du discours des chansons qui affirme de façon spectaculaire l’omniprésence voire l’omnipotence supposées d’une prétendue instance suprême pour soumettre cette dernière dans le même temps – et dans le cadre du même processus discursif – à une impitoyable reductio ad absurdum : le « computer central[52] » est mis en échec par le protagoniste de Bipède à station verticale qui conserve sa nature d’« animal bluesymental[53] », tandis que la dégradation ubuesque des figures divines à laquelle on assiste dans le vers de Mathématiques souterraines « les dieux du radar sont tous out et toussent[54] » prend – du moins pour ce qui est du discours explicite – les traits d’un « crépuscule des dieux » à l’atmosphère authentiquement wagnérienne dans le distique initial d’Annihilation

qu’en est-il de ces heures troubles & désabusées

où les dieux impuissants fixent l’humanité[55]

La cruauté est l’apanage des dieux ou de leurs équivalents – comme par exemple le « computer[56] » de Une fille au rhésus négatif « avec son œil grinçant fouillant dans nos cerveaux[57] » – dans les cas où ils parviennent à maintenir leur puissance, devenant alors les principaux ennemis de l’humain dont ils raillent les échecs successifs, renouvelant avec une âpreté grinçante le « rire inextinguible des dieux[58] » familier à Homère : les « fous rires en voix- off[59] » évoqués dans Parano-safari en ego-trip-transit retentissent réellement à la fin de la saisissante séquence de bruitage qui conclut Terrien, t’es rien[60], succédant à une série de bêlements évocateurs de « l’homme du troupeau[61] » décrit par Nietzsche puis aux « staccatos des armes automatiques[62] » qui signalent l’extermination de celui-ci. La haine envers les dieux et le désir de revanche sont alors une constante réactionnelle des personnages des chansons, qu’il s’agisse du désir de destruction qui anime la figure féminine de Amants destroy – qualifié de « libre improvisation sur un thème de Marguerite Duras[63] » – qui aspire à « saboter l’œil universel[64] » à travers l’anéantissement de son partenaire, ou du renouvellement du défi prométhéen qui conclut Ad orgasmum aeternum, et dans lequel la femme aimée se confond avec l’instance divine instigatrice du châtiment, devenant ainsi l’incarnation même de ce qui apparaît comme un destin inéluctable :

je reviendrai narguer tes dieux

déguisé en voleur de feu

et crever d’un dernier amour

le foie bouffé par tes vautours[65]

C’est également par le biais du recours aux catégories de l’Antiquité grecque, mais aussi à leur réappropriation goethéenne telle que la réalise dans une diction aussi lapidaire que ciselée la série « orphique[66] » des Paroles originelles, que le texte de Bruits de bulles présente la conjonction oxymorale du « hasard » et de la « nécessité » sous la forme ramassée du distique énigmatique

lasers et lézards

démons de mon hasard[67]

La dimension contradictoire de l’association du « hasard » et des « démons » suppose pour être perçue la sollicitation de l’acception originelle grecque du daimwn au sens qu’il prend par exemple dans le traité de Plutarque consacré au Démon de Socrate, désignant une instance supérieure dont la fonction est de dicter sa conduite à un être humain à travers ses directives à valeur d’impératif absolu. Mais ce sont bien les vers de Goethe – dont la suscription fait suivre le terme original grec de son équivalent allemand – qui établissent l’interdépendance des cinq principes « orphiques » – et parmi eux plus spécialement du daimwn et de la tuch qui ouvrent la série – dans la mesure où les séquences conçues pour se compléter mutuellement ne peuvent être appréhendées que dans la globalité de leur réunion qui transcende en même temps toute tentative de rationalisation au profit d’une acceptation voire d’une exacerbation des polarités dont l’oxymore thiéfainien est précisément la traduction idéale. Une possiblité complémentaire de « dépassement[68] » – le corollaire obligé de la « polarité » selon la conception goethéenne – est ensuite indiquée par l’erwV auquel fait notamment écho chez Thiéfaine tant le titre que le contenu de l’album Eros über alles, dont l’intertextualité à la richesse prodigieuse renferme de part en part un hommage virtuose à Goethe – nonobstant la mobilisation d’une série d’autres références dont l’entrelacement incessant avec l’accentuation principale confère toute sa complexité à la dynamique du discours poétique – : la réécriture de la méditation « orphique » de Goethe met ainsi en exergue la conjonction hasard–démon–amour à laquelle peut également être ramenée la constellation programmatique du texte de Jacques le Fataliste, tout en laissant de façon tout aussi tranchée à l’écart la dimension de l’« espoir » – proscrit en tant que vecteur d’« illusions » et instrument aux mains de ceux que le texte de Fièvre résurrectionnelle nomme « les trafiquants d’espoir aux sorties des vestiaires[69] », pour de rien dire du démenti explicite infligé au concept lui-même – ainsi d’ailleurs qu’à son opposé du « désespoir » – dans le titre de l’album Stratégie de l’inespoir de 2014.

La formulation au profil similaire

ange quantique & démon fatal`

de mes lubies sentimentales[70]

se construit dans Lubies sentimentales à partir de la même triade symbolique dont les données initiales sont cependant soumises à une modification suggestive : en parallèle au travestissement « quantique » de l’action du hasard, le rapprochement des concepts orphiques du « daimwn » et de l’« anagkh » déjà opéré implicitement dans la séquence précédemment citée conduit à la redondance délibérée du « démon fatal » appréhendé au sens premier – respectivement grec et latin – de ses deux composants, tandis que la polarité « ange » – « démon » prend au contraire tout son sens à travers au recours à l’acception dévalorisante du second terme telle qu’elle résulte de la diabolisation du paganisme antique. La réinterprétation biblique du couple « ange » – « démon » qui se surimpose à la lecture originelle est en même temps porteuse d’un double infléchissement vers les deux sphères opposées de l’inéluctable et de l’aléatoire, l’intangibilité propre à l’« ange » venant contrarier l’action du hasard alors que la rigueur du fatum relativise l’instabilité foncière du « démon ». La présence immédiate de l’Éros dans le second vers du distique se nuance également d’une inflexion en direction de la polarité hasard–destin à travers la polysémie des « lubies » que leur acception habituelle assimile à des caprices ou des sautes d’humeur par définition imprévisibles, tandis qu’au contraire la prise en compte du sens premier latin souligne l’urgence irrépressible propre aux manifestations de la libido qui apparaissent alors comme relevant d’une dynamique de la « nécessité » qui reproduit l’action de l’anagkh « orphique ». L’abrégé ainsi élaboré d’un récit exhaustif des « amours » qu’on imaginerait aisément pouvoir faire le pendant à celui annoncé par Jacques confère la même ambivalence à la qualification de « sentimentales » qui balance entre expression de l’impact viscéral de l’affect telle qu’elle est déductible de l’étymologie latine et sens usuel attribué à l’adjectif, celui-ci devenant alors un indicateur de distanciation ironique – d’où la pertinence de son association avec l’accentuation la plus courante des « lubies » – voire d’autodépréciation du « je » qui souligne a contrario la lucidité implacable avec laquelle s’opère au plan sous-jacent du discours l’analyse des mécanismes de l’attachement érotico-sexuel.

L’entrelacement des oppositions entre constellations pré-déterminées et variabilité récurrente des modalités de cristallisation existentielle atteint une complexité achevée dans Les filles du sud où le recours aux catégories issues de la sphère de la « méditerranée » représentée dans son extension la plus large amène une nouvelle variation sur le thème de l’équation fondamentale du texte de Diderot opposant le « registre d’en-haut[71] » et l’influence déterminante du « hasard » éprouvée par « tout le monde[72] » :

mais la belle innamorata

est une femme au corps allongé

entre le doute & son karma

entre ses formes & sa pensée[73]

Un supplément référentiel de provenance analogue est apporté par le refrain « mais peu importe la sourate », dans lequel la possibilité de permutation implicite avec le concept sanscrit du soutra établit un double renvoi à la sphère de la prescription religieuse – sans parler bien évidemment de la possibilité de rappel sous-jacent du Kamasoutra que son intitulé désigne comme un recueil des préceptes relatifs au désir et à sa dynamique d’expression. La disposition chiastique qui semble écarteler la figure féminine rapproche ainsi « doute » et « pensée » en tant que modalités de réflexion caractéristiques de l’approche occidentale, telle qu’elle a été initiée par Socrate et Platon. À l’opposé, la conception hindouiste du « karma » met en exergue l’enchaînement inéluctable des actions et de leurs conséquences, tandis que les « formes » en tant que schéma aristotélicien sont tributaires de l’approche biologiste et donc déterministe également contenue dans le modèle grec ; mais c’est dans cette même continuité d’un déroulement programmé que vient également s’inscrire « sourate » qui est le terme utilisé par les commentateurs arabes pour traduire le concept de morfh / forma dans toute l’étendue sémantique que lui confère Aristote, l’opposition « surat–mâdda[74] » devenant – par exemple chez Al-Farabi – l’équivalent exact de l’antagonisme établi entre forma et materia.

Le prolongement du refrain par la sentence « ce qui doit être dit est dit[75] » contribue à asseoir l’emprise d’une inspiration analogue – on fait ici abstraction de résonances connexes comme le possible écho au titre Ce qui est dit doit être fait de Jacques Higelin –, renforçant l’adhésion supposée à la prééminence du « destin qui nous mène[76] » et introduisant par là même une rupture apparente de l’équilibre des principes directeurs. Dans un second temps intervient toutefois un retournement dont l’agressivité discursive reflète idéalement l’explosion de brutalité signalée au plan explicite par l’image de l’effondrement du protagoniste : même compte tenu du fait que le discours sous-jacent suggère une lecture alternative nettement moins évocatrice d’une scène de violence, le surgissement inopiné du hasard dans la seconde moitié de la séquence se combine avec une précision infaillible à la réfutation implicite de la possibilité de régression à une quelconque causa prima, invalidant in ultimis par une nouvelle émergence du « doute » l’ancrage purement déterministe auquel semble d’abord souscrire le profil énonciatif du refrain :

si j’dois m’écrouler sous une batte

c’est pas la faute à je n’sais qui[77]

La qualité de « belle innamorata » soulignée au début du quatrain et la plasticité du « corps allongé » invitant à une compréhension littérale des « formes » parachèvent la déclinaison des trois concepts symboliques par le rappel insistant de la dominance de l’Éros à la lumière duquel l’ensemble des composants du discours peut faire l’objet d’une réévaluation latente, la question de la priorité respective du « hasard » et du « destin » s’effaçant devant celle de l’identification des facteurs censés favoriser ou inhiber la dynamique de l’attraction érotico-sexuelle.

C’est en fin de compte du primat de cette dernière que découle logiquement la transposition au plan poétologique de l’axiome Eros über alles dont on a eu l’occasion de rappeler à plusisurs reprises la valeur programmatique : bien au-delà de la place essentielle accordée aux « p’tites frangines[78] » par l’expression explicite, on assiste à une érotisation totale du discours dont l’analyse du parallèle avec le roman de Diderot fournit une illustration symptomatique, puisque l’écriture multivoque inaugurée ou renouvelée par H.F. Thiéfaine – et systématisée dans son œuvre avec une profondeur et une virtuosité sans exemple – embrasse régulièrement dans une même dynamique énonciative les accentuations thématiques divergentes que le texte de Jacques le Fataliste présente dans la linéarité de leur déroulement alterné. Par la compression de contenus sémantiques divergents réunis dans la simultanéité fulgurante de la formulation énigmatique – au sens où l’on compresse pour les réunir sous un format plus maniable des fichiers informatiques que l’on peut ensuite séparer à loisir pour les examiner séparément –, la polysémie cryptique du discours des chansons expose au plan sous-jacent le programme d’une « dérive » totalement organisée et aux étapes dotées d’un fort potentiel d’évocation érotique, alors même que son déroulement apparaît totalement anarchique ou arbitraire en apparence – et peut refléter en ce sens le parcours sans véritable dominante directionnelle accompli par les protagonistes de Diderot. Le discours thiéfainien se présente ainsi comme la traduction exacte, ou plus exactement la poétisation idéale de la conception lacanienne qui reconnaît dans le langage l’expression authentique de l’inconscient et à ce titre du désir, postulat inséparable de la description d’un inconscient lui-même structuré comme un langage. La valorisation du signifiant – le langage – et sa prééminence ainsi établie par rapport au signifié – les contenus latents censés se dissimuler derrière la dynamique de verbalisation – autorise ainsi la prise au pied de la lettre des différents composants de la séquence ramenés à leur sens originel, qui se dévoile comme relevant prioritairement et quasi-exclusivement de la sphère de l’appétence sexuelle : on est bien en présence d’une adéquation parfaite avec la position de Lacan dont la l’incorporation dans la substance du langage se voit portée à un degré presque inconcevable de précision – voire de perfection – à travers l’agencement minutieux des constituants énonciatifs.

En opposition marquée avec l’énumération d’apparence incohérente offerte par les constituants de la strate explicite, la lectio difficilior découlant de la réactivation du sensus etymologicus des différents termes réunis dans le champ de forces du texte se révèle alors d’une suggestivité proprement édifiante, mettant par exemple à jour la dimension cachée de l’itinéraire tortueux mis en scène dans Errer humanum est :

on fait nankin ouagadougou

pour apprendre le volapük

et on se r’trouve comme kangourou

dans un zoo qui prend les tuc[79]

Les connotations associées respectivement aux points de départ et d’arrivée du trajet « nankin ouagadougou » dont le discours explicite souligne déjà la démesure spatiale, alors que la strate latente établit sans hésitation possible la référence à la sexualité : qu’il s’agisse de la dénomination argotique du sexe de l’homme présenté comme « ce qu’il y a dans ton pantalon d’nankin » ou du vocable malais « nanggi » qui constitue l’équivalent de l’appellation « petite sœur », la lecture littérale africaine de « ouagadougou » sous la forme « je viens t’honorer ».La tentative d’apprentissage du « volapük », inventé en tant que « world speak » pour permettre la communication tous azimuts, est vouée au grotesque d’une métamorphose en « kangourou », animal dont le nom signifie précisément « je ne comprends pas » d’après l’étymologie la plus répandue dont le caractère probablement erroné n’obère en rien l’impact symbolique. Un tel rapprochement n’épuise cependant pas le halo associatif qui se crée autour du « kangourou » pour lequel le souvenir des « cours kangourou » aux jugements expéditifs – telles qu’elles ont pu exister au Far West ou à l’époque stalinienne – donne toute sa plausibilité à la sollicitation du sens juridique du « tuc » en tant que sanction équivalente au TIG actuel. Mais c’est surtout le potentel d’évocation en relation avec la sphère sexuelle qui oriente la tentative d’exégèse vers un tableau dont les composantes sont intégrées dans un rapport de corrélation réciproque, à commencer par le « kangourou » renvoyant au slip du même nom puis par métonymie au sexe de l’homme, tandis que les expressions argotiques comme « kangourou fané » soulignent la possibilité de transposition sexuelle confirmée de son côté par la retraduction du « zoo » sur la base du sens primitif grec renvoyant à un « être vivant », signification avec laquelle s’accorde également le « kangourou » vu cette fois sous les traits du client hésitant qui passe en revue une rangée de prostituées avant de se décider. Le « tuc » qu’on a précédemment appréhendé dans son acception pénale gagne à être également reconnu comme marque de biscuit (TUC comme acronyme de Trade Union Corporation), un résultat analogue étant d’ailleurs obtenu par le biais de la substitution du terme anglais tuck qui signifie « friandise » ou « biscuit » : comme le français trivial « tremper son biscuit » auquel peut être ramené le noyau sémantique de la séquence – sauf à assimiler plutôt le biscuit ou la friandise à la partenaire féminine –, le sens obscène de to tuck in exprime le rapprochement sexuel entre « kangourou » et « zoo », à moins que l’on ne préfère procéder à une lecture inversée de « tuc » et solliciter le vocable cut au double sens de « ivre, bourré » ou « mis à l’écart ».

L’identification d’un « récit des amours » dans un contexte qui ne prépare nullement – tout au moins au niveau du discours explicite – à l’irruption de la dimension sexuelle vient à l’appui de la position de principe qui voit dans les vers de Thiéfaine une manière d’exposition en raccourci de la triade thématique destin/hasard, voyage, amour, légitimant ainsi la mise en parallèle avec le roman de Diderot en tant qu’exposant de ces mêmes accentuations. Une telle constatation est corroborée par un bref regard complémentaire sur la géographie des chansons dont l’arbitraire apparent s’efface devant la mise en évidence des implications symboliques véhiculées sans exception par une toponymie qui se déchiffre comme l’itinéraire précis du « voyage iniatique[80] » entrepris sous le signe de l’Éros. On peut citer par exemple l’énumération des destinations favorables à « d’autres amours[81] » qui sont proposées en vain au protagoniste de Orphée nonante huit, alors que celui-ci se contente de leur opposer tacitement son « étrange regard vers l’enfer[82] » hérité de la constellation mythologique : la série « à port-Saïd Colombo Singapour[83] » réunit de fait des villes portuaires – on reviendra sur l’importance de cette caractérisation – dont il émane notamment en raison de leur climat une attraction que l’on peut qualifier d’exotique ; il importe cependant tout autant de prendre conscience qu’elles consistent d’abord en une réminiscence du passage de Mort à crédit où des Pereires, le génial et fantasque employeur du jeune Ferdinand, demande de celui-ci d’éconduire ceux qui cherchent à le joindre par téléphone en leur affirmant que son patron est parti « à Singapour ! à Colombo ! […] à l’Isthme de Suez ![84] ». Par le seul biais de ce rapport sous-jacent qui participe de plein droit à l’entrelacement discursif – dès lors qu’il a pu être repéré à la lecture ou à l’audition –, l’aura associative de la formule englobe de facto la connotation dévalorisatrice propre à un vague prétexte invoqué dans le seul but d’écarter une curiosité jugée inappropriée, qui devient dans le texte celle des « fées[85] » ou de toute instance souhaitant influer sur le processus existentiel du personnage : il en découle de façon inéluctable une invalidation indirecte de l’attirance que les trois villes sont supposées exercer en tant que lieu de séjour possible, ainsi que la certitude de l’impossibilité radicale de la présence, fût-elle passagère, du protagoniste « au détour de [leur] zone ». Signalons à ce propos que la « zone[86] » – ainsi que ses divers dérivés tels que « zoner » ou « zonard » – est elle-même à travers le grec zwnh une désignation récurrente du « bas corporel[87]» féminin ou de l’intérêt porté à ce dernier dans le corpus des chansons, ainsi que l’expriment au plan sous-jacent du discours les titres Zone chaude môme ou Méthode de dissection du pigeon à Zone-la-Ville : ce dernier fait ainsi coexister avec une virtuosité et une plausibilité déconcertantes le récit d’une agression nocturne mortelle dans un quartier mal famé tel qu’il peut se déduire de la strate explicite et l’évocation latente, mais néanmoins parfaitement transparente à partir du moment où chacun des termes du discours de surface fait l’objet d’une retraduction vers son sens ancien ou étymologique, d’une expérience de « bonheur tragique[88] » – l’adjectif étant à lire à partir du sens littéral du grec tragoV, soit « bouc » – tel qu’il caractérise la mort in actu.

L’étape décisive de l’élucidation de la séquence d’Orphée nonante-huit n’est toutefois franchie qu’avec la réalisation de la composante étymologique qui affleure dans les noms des trois villes, établissant dans les trois cas une affinité tangible avec la sphère de l’accomplissement considéré sous sa forme érotico-sexuelle : le nom « Saïd », qui renvoie à l’adjectif arabe sa’id désignant « celui que le destin favorise », apparaît ainsi comme l’équivalent du latin felix, annonçant de manière directe – outre le rappel cryptique du second prénom de l’auteur – la félicité à laquelle est promis le visiteur de la ville, alors que la spécification apportée par la qualification de « port » confirme comme on aura l’occasion de le préciser la nature essentiellement physico-sexuelle du bonheur escompté. « colombo » offre un rappel littéral de la colombe considérée par la mythologie gréco-latine comme l’oiseau de Vénus par excellence, « singapour » en tant que « ville du lion » – Singa Pura – renvoyant également à un des animaux qui accompagnent traditionnellement le char de la déesse : la réunion de la colombe et du lion symbolise alors l’irrésistibilité de la dynamique fusionnelle, sous-entendant par le seul jeu des constituants du discours implicite que le protagoniste aura du mal à se soustraire à un tel élan universel. C’est donc bien d’abord en tant que théâtres éventuels « d’autres amours » que les trois villes se heurtent au refus sans appel opposé par le personnage à l’invite qui lui est faite, et dans laquelle la formulation multivoque « mais sur les quais mouille un cargo[89] » signale de son côté le même infléchissement vers la dimension corporelle du processus érotique.

De même, « le voyage pour les galapagos[90] » que veut « offrir » le protagoniste à sa partenaire dans Lorelei sebasto cha, s’il peut tout à fait incarner l’aspiration à un lointain idéal propre à combler les attentes des deux figures avides de « recoller du soleil sur nos ailes d’albatros[91] », prend une valeur plus terre à terre à travers la réunion des termes grecs gala et pagoV, soit « lait » et « éminence », cette dernière pouvant aussi bien être assimilée au sexe de l’homme qu’au mont de Vénus de la femme – déjà représentée par l’élément « lacté » sur lequel on reviendra dans la suite de ces lignes. Une possibilité analogue de trivialisation implicite d’une démarche qui peut être d’abord identifiée comme relevant d’un projet idéaliste apparaît dans le distique de Autoroutes jeudi d’automne

elle me dit que la nuit l’a rendue trop fragile

et qu’elle veut plus ramer pour d’autres guernica[92]

La référence à Guernica fait ici figure – conformément à la lecture qu’en donne Romain Gary dans La Danse de Gengis Cohn[93] – de dénomination codée renvoyant à toutes les œuvres d’art ou plus généralement aux mots d’ordre d’inspiration humaniste au nom desquels la vie s’épuise dans une quête acharnée et sans fin. Il est cependant manifeste que la littéralité de l’appellation « guernica » peut tout aussi bien donner lieu à une élucidation nettement plus triviale, dans laquelle le calembour aisément reconstituable traduisant l’insatisfaction du personnage féminin – ce sentiment devenant alors le motif de sa volonté de rupture ou de prise de distance envers le protagoniste – scelle à nouveau l’omniprésence de la composante sexuelle. L’alliance du rappel littéraire et de la pratique virtuose du calembour – ce denier constituant l’exemple type de l’« acrobatie verbale[94] » pour laquelle l’auteur avoue sa prédilection – reflète ou redouble ici, au niveau propre de la dynamique du discours multivoque et des oppositions latentes qui structurent celui-ci, l’alternative au caractère aporétique « übermensch or underdog[95] » dans laquelle est enfermé le protagoniste de Whiskeuses images again et qui réapparaît également à de multiples reprises dans les déclarations de l’auteur, l’aspiration nietzschéenne à l’élévation se voyant régulièrement contrariée par la régression vers l’animalité du « sous-chien[96] » – la seconde dénomination constituant un nouveau clin d’œil à Gary qui alterne dans son roman Les mangeurs d’étoiles les dénominations française et anglaise des individus relégués en tous points à la marge inférieure de la société. Une telle exacerbation de la dichotomie sémantique qui s’instaure entre le discours explicite et la strate sous-jacente de l’énoncé relève de la dynamique d’oymorisation qui commande aussi bien l’articulation des différents constituants verbaux que la superposition des plans du discours ; il va de soi que dans ce dernier cas, la perception d’un tel antagonisme n’est pas immédiate – comme peut l’être celle d’un oxymore « classique » du type « au soleil noir flambant[97] » –, mais nécessite au contraire une analyse structurelle poussée visant à localiser le ou les niveaux « souterrains[98] » dont le potentiel révélateur se déploie en contradiction totale avec l’orientation thématique attribuable à première vue aux constituants de la séquence.

Le décalage entre l’assertion explicite et la formulation latente – entendu qu’il s’agit toujours d’interroger la seule dimension du signifiant pour en identifier les possibilités objectives de lecture multiple, telles que peut les suggérer aussi bien le lexique de telle ou telle langue qu’un rapport intertextuel dont il est possible d’établir la réalité palpable – prend parfois une forme atténuée conservant la communauté d’orientation des deux plans du discours, comme on peut l’observer dans le refrain de Bipède à station verticale

parfois… parfois…

j’ai la nostalgie d’la gadoue[99]

La double lecture de la « gadoue » fait cohabiter l’aveu d’un désir de régression au stade de l’animalité « alors que l’on a opté pour autre chose… » et la radicalisation d’une telle aspiration qui se voit alors réduite à sa seule dimension sexuelle : l’acception usuelle, évocatrice du bain de boue dans lequel le protagoniste déplore de ne plus pouvoir se vautrer, est relayée par le sens vieilli désignant une « femme de bas étage » ou une « prostituée », de sorte que le rappel de la priorité dévolue à la sphère de l’Éros apparaît ici moins comme un démenti infligé au discours explicite que comme un prolongement voire un aboutissement attendu de celui-ci.

La réaccentuation érotico-sexuelle et le corollaire de celle-ci qu’est la réorientation discursive centrée sur la corporalité s’effectue par le recours à certaines constantes de formulation qui sont l’apanage exclusif du discours thiéfainien et qu’il peut être utile de résumer dans le cadre des réflexions présentes, puisqu’elles permettent de mieux cerner les modalités de transposition autorisant la présentation simultanée – et non plus linéaire comme l’exige le schéma du roman – du parcours semé d’embûches qui est le lot récurrent des protagonistes des chansons et du « récit des amours » qui constitue régulièrement sinon le but ultime du moins la principale étape de leur itinéraire. La ruelle des morts développe son discours parallèle – dans le détail duquel il est malheureusement exclu de rentrer ici – à partir du sens ancien de « ruelle [du lit] » comme désignation métonymique de la chambre à coucher puis de la société des femmes, les « chasseurs de ruelle[100] » dénigrés par Rousseau faisant écho à l’exclamation baudelairienne « tu mettrais l’univers entier dans ta ruelle[101] » adressée précisément à la « femme impure ». Ce même univers d’une féminité à l’attraction aussi trouble qu’irrésistible est celui qu’évoque au plan sous-jacent la séquence de Modèle dégriffé

et tu joues dans les ruelles

où les perdants vont tricher

au milieu des étincelles

de tes fragrances enflammées

apportant – avec la « dernière ruelle » de Méthode de dissection du pigeon à Zone-la-Ville dont on a précédemment défini la double grille de lecture – une confirmation supplémentaire à la polysémie qui sous-tend l’ensemble du déroulement linguistique dans le texte de La ruelle des morts – ces derniers ayant connu le même sort que les victimes du « bonheur tragique[102] » évoqué à propos du texte précédent : la « cambrousse » qui constitue le décor des jeux d’enfants peut alors se retransformer aisément en la « chambre » dont elle constitue de fait la déformation linguistique – les « fémurs » invitant de même à un décryptage selon le sensus etymologicus qui en fait alors des « cuisses ». De même, la « caméra[103] » de Caméra terminus ou les « caméras & dentelles[104] » de Lobotomie sporting club laissent la place au plan implicite à la camera latine – alors que le titre Chambre 2023 (et des poussières)[105] s’en tient à l’appellation usuelle en français – dont l’évocation connaît une apothéose au cynisme dévastateur dans la séquence multivoque de La nuit de la samain

devant les caméras saturnales & fétides

de la pensée commune aux troubles nauséeux[106]

Les débauches caractéristiques des saturnales antiques à l’évocation desquelles peut se résumer le discours explicite connaissent ici – comme il est signalé au plan énonciatif sous-jacent – un revival effréné mais limité dans l’espace au terrain des chambres à coucher et dans le temps à l’avant-dernier jour de la semaine, ainsi que le souligne La queue dans le vers de sens analogue « avec le samedi soir le touche-touche hebdomadaire[107] ». L’épithète péjorative « fétides », pour peu qu’elle soit retraduite au niveau latent en fœtidae, prend le sens cryptique de « fécondes » à partir de l’homophonie initiale entre fœtor « odeur fétide » (cf. fœteo, « sentir mauvais ») et fœtus « progéniture » ; une conclusion similaire s’impose pour la « chair fétide[108] » de Karaganda (Camp 99) qui repose sur la même confusion née du jeu de mots latin tout en paraphrasant la formule cicéronienne évocatrice d’une caro putrida[109]. Les « troubles nauséeux » apparaissent dans un tel contexte comme le symptôme clinique évident d’un état dont ne peut pas davantage préserver la « capote usée[110] » de Loin des temples en marbre de lune ou encore le « paradoxe usé[111] » de Karanganda (Camp 99) : la retraduction littérale du « contra-ceptif » hérité du latin s’inscrit en faux face à l’acception abstraite du « paradoxe » à laquelle il semble d’abord évident de se rallier, le recadrage implicite pouvant alors s’étendre à la totalité de la deuxième strophe avant d’embrasser l’ensemble du texte, qui offre une auquel on doit à nouveau renoncer ici. La variation sacrilège sur l’Immaculée Conception qu’offre la référence à « l’immatriculée-contraception[112] » de Un vendredi 13 à 5 heures révèle toute sa profondeur à travers la polysémie de l’immatriculation qui renvoie simultanément à la procédure d’enregistrement caractéristique des sociétés du contrôle absolu et au sens étymologique du « matricule » en tant qu’équivalent français de la matricula – soit d’une « matrice » au format réduit comme elle se rencontre également dans When maurice meets alice[113] –, l’association implicite avec le dogme marial prenant toute sa saveur blasphématoire du fait qu’elle apporte un commentaire scandaleusement paradoxal à la notion archétypique des « parthénogénèses[114] ».

Pour en revenir aux éléments du décor d’un voyage tel qu’auraient pu l’entreprendre Jacques et son maître, le recours aux « routes » comme à leur déclinaison moderne des « autoroutes » en tant que substitut métaphorique implicite du corps féminin et plus spécialement de sa région intime doit son évidence linguistique au rétablissement implicite de l’appellation latine de via rupta dont le français « route » n’a retenu que le participe épithète. Le rapport à la sexualité prend une consistance supplémentaire dans les vers d’Alligators 427

sur cette autoroute hystérique

qui nous conduit chez les mutants[115]

où la connotation dévalorisante de la strate explicite – pour laquelle c’est le sens usuel et figuré de l’épithète qui prévaut – se voit en même temps relativisée par la lecture étymologique qui installe au niveau sous-jacent les prémisses d’une lecture sous l’angle de la sexualité dont on doit renoncer à détailler la cohérence irréfutable et qui se poursuit tout au long du texte, trouvant sa première application dans la dénomination des « mutants » en tant que résultat du processus génétique de reproduction – soulignons ici que mutare est déjà le terme employé tout au long du De rerum natura par Lucrèce pour dépeindre l’ensemble des processus de transformation–recombinaison œuvrant « dans le tumultueux chaos des particules[116] », et à partir desquels s’élabore et se défait sans cesse l’agrégat d’atomes auquel peut être réduit tant l’univers entier que ses divers constituants, qu’ils soient animés ou non.

Il est significatif que l’adjonction des « autoroutes » au « jeudi d’automne » emprunté de l’aveu même de l’auteur à César Vallejo donne à l’intitulé puis au texte même de Autoroutes jeudi d’automne sa double coloration qui évoque aussi bien les « pulsions périlleuses[117] » qui entraînent le personnage « toujours plus loin ailleurs[118] » que la relation complexe et (auto)destructrice entretenue par celui-ci avec la figure féminine – on laisse ici de côté la thématique du « temps qui nous apoplexise[119] » et plus généralement de la mort qui se situe en rapport direct avec le texte espagnol, influençant notablement la peinture du voyage accompli par le protagoniste sans pour autant présenter de recoupement avec la sphère de la sexualité : la polysémie des « autoroutes » conduit ainsi de façon organique à la lecture métaphorique des « portes » en tant que voie d’accès à l’intimité féminine, reprenant ainsi dans le vers « j’ai gardé mon turbo pour défoncer les portes[120] » une constante de l’imagerie de la poésie érotique grecque (Archiloque notamment) puis latine (Catulle et Lucrèce). Outre la véhémence que lui procure le rajeunissement technique et motorisé de la peinture traditionnelle, l’intention de « défoncer les portes » forme un contrepoint négatif à l’évocation initiale de « elle m’envoie des cartes postales de son asile[121] », le caractère inviolable – au sens propre et figuré du terme – de l’ « asile » en question semblant entre-temps devenu obsolète, au niveau du moins des intentions du protagoniste. Ajoutons que celles-ci se voient d’ailleurs immédiatement remises en question par le dernier vers « mais parfois il me reste que les violons pour pleurer[122] », tandis que ce dernier permet du même coup un élargissement notable du halo connotatif mis en place à partir de la référence à César Vallejo par le rappel d’un autre texte à coloration automnale, le Chant d’automne de Verlaine. Le motif des portes réapparaît dans la conclusion désabusée de Fenêtre sur désert

j’ai trop traîné devant tes nuits

dont les portes m’étaient fermées[123]

qui fait précisément suite à une nouvelle évocation multivoque de « l’asile[124] » : la logique inhérente à la dynamique du discours dicte les associations énonciatives avec une infaillibilité remarquable, indépendamment de l’accentuation thématique ou des rapports intertextuels caractéristiques de telle ou telle chanson. Dans le seul cas de Fenêtre sur désert, un rapide tour d’horizon du halo associatif permet de mettre à jour, outre les « baisers volés[125] » de Charles Trenet placés en exergue du texte, la référence conjointe à Hitchcock – Fenêtre sur cour – et Truffaut – Baisers volés –, ce dernier étant significativement l’auteur d’un volume d’Entretiens avec Hitchcock, sans oublier le Rimbaud de Bruxelles[126] – « derrière les buissons d’amarante[127] » – et les Fenêtres[128] de Mallarmé qui dépeignent la même situation d’enfermement nostalgique. Mais les correspondances les plus frappantes sont incontestablement celles qui relient la chanson avec la nouvelle de Boris Akounine intitulée Le Five o’clock à Bristol[129] – rappelons qu’une fois établie la possibilité objective d’une réappropriation, telle qu’elle est déterminée par la date respective de parution des deux textes et la certitude qu’une connaissance réelle des romans d’Akounine peut être tenue pour acquise de la part de Thiéfaine, la question du caractère délibéré ou conscient d’une telle recréation reste étrangère aux préoccupations de l’analyse du discours, puisque ce dernier se développe en quelque sorte comme une entité autonome voire supra-ordonnée à l’auteur, dont le fonctionnement peut donc être retracé à partir de l’étude de ses seuls composants énonciatifs et de leurs modalités d’articulation : les motifs de la « grande ourse », de « l’asile » ou des « portes fermées », sans parler de la présentation de la figure féminine à la « beauté destructive » ou de la remarque nostalgique

je me gare plus en double file

devant l’hôtel des vieux amants[130]

trouvent une élucidation totalement concluante à travers le repérage de leurs équivalents dans la trame narrative de la nouvelle policière elle-même écrite en hommage à Agatha Christie – trait qui fournit une justification immédiate au choix d’un titre hitchcockien pour sa réécriture poétique.

Au nombre des désignations implicites de la féminité comme refuge ou aboutissement de la quête menée par le protagoniste des chansons figurent les ports dont l’évocation est fréquente dans le corpus thiéfainien, ainsi qu’on l’a précédemment constaté dans Orphée nonante huit où la série des trois villes portuaires symbolisant la félicité dispensée par Vénus est complétée par le « vieux port[131] » qu’on n’est pas forcé d’associer à celui de Marseille, même si l’hypothèse peut apparaître séduisante au regard de la polysémie des « grues » qui lui fait suite. Le « grand port » qui se dessine dans La ruelle des morts sous l’appellation de « Mers-el-Kébir[132] » commande la réinterprétation érotico-féminine de l’allusion historique à l’épisode naval de la seconde guerre mondiale, précédant la polysémie du combat terrestre entre « nos chars en dinky » et « les tigres doryphores[133] » où les réminiscences historiques des batailles entre chars américains en miniature et panzers allemands du modèle Tiger vont de pair avec les associations sexuelles qui se mettent en place au plan sous-jacent : au-delà de l’exactitude historique du sobriquet attribué à l’armée allemande d’occupation dont les soldats étaient assimilés aux insectes ravageant les cultures –, la lecture des « doryphores » selon le sens étymologique grec renvoyant à des « porteurs de lances » entraîne ipso facto leur assimilation aux représentants masculins de la constellation sexuelle, qui se voient finalement chassés de la « french county[134] » par les « chars en dinky » de leurs rivaux pourtant desservis par leur taille inférieure – signalons la variante live « french country » qui réintroduit quasi directement le motif féminin de la « cambrousse », tandis que la version anglicisée de « Franche-Comté » renvoie tant au rôle décisif des USA dans le déroulement du conflit qu’à l’impérialisme culturel américain qui a désormais les mains libres pour imposer aux pays libérés de la domination nazie ses propres références culturelles et linguistiques.

La formulation cryptique « sur un port au bout de l’ennui[135] » qui succède dans Camélia : huile sur toile à l’évocation déjà mentionnée d’une « errance au milieu de la nuit[136] » tire son sens implicite lui-même dédoublé de l’association du rappel « en pièces détachées[137] » du Voyage au bout de la nuit avec le renvoi sous-jacent à la parodie du récit biblique de la Genèse issue de la Généalogie de la morale dans laquelle la venue au monde de la femme – après l’ennui qui a régné sans partage depuis le début du processus de création et a même précédé celui-ci – est commentée en ces termes éloquents « et ce fut la fin de l’ennui[138] ». Citons également les « ports tropicaux[139] » de Zone chaude môme pour lesquels la lecture étymologique de « tropical » fait figure au plan latent d’indicateur du changement répété de partenaire : la « moiteur » – et accessoirement les « ventres chauds[140] » – qui leur est associée embrasse indifféremment la strate explicite qui la présente comme un élément du décor ambiant à valeur de marqueur climatique et le discours latent qui l’assimile directement à des processus physiologiques à la connotation féminine et sexuelle évidente. Une fonction analogue revient au « quai de gare », qu’il figure dans le vers « au hasard de ma route entre deux quais de gare[141] » qui constitue la signature emblématique de la présente contribution ou dans la constatation désabusée de Des adieux… « on finit toujours sur l’éternel quai de gare[142] ». La réunion de deux lieux symboliques dans la formule « de port en port, de quai en quai[143] » de Psychopompes, métempsychose & sportswear incorpore un fragment du « récit des amours » à l’itinéraire tortueux placé dès le début sous le patronage multivoque de « L’incertitude du poète[144] », l’allusion au tableau de la période « métaphysique » de Giorgio de Chirico venant à nouveau rappeler l’omniprésence du hasard ou de ses dérivés quantiques en tant qu’instance suprême dont on peut expérimenter à tout moment la réalité effective. Le « sourire d’aérogare[145] » auquel s’astreint le personnage central de Nyctalopus airline illustre ici la transition du déplacement terrestre au voyage aérien que rappelle tout au long du texte le « je flye[146] » qui rythme le parcours initiatique – composante discursive sur laquelle on reviendra dans la suite immédiate de ces développements –, l’avion s’intégrant idéalement dans le travestissement de la constellation sexuelle à travers la possibilité de son identification au sexe de l’homme. L’« aérogare » succède ainsi à l’« hôtel-garage[147] » qui en constitue l’équivalent exact au plan du discours implicite, la retranscription en deux parties du vocable usuel « motel » permettant de souligner la valeur métaphorique du « garage » en tant que renvoi sous-jacent au processus sexuel de pénétration. La même dynamique discursive trouve sa traduction dans Les dingues et les paumés où le vers « et leurs aéroports se transforment en bunkers[148] » complète l’évocation explicite ancrée dans l’univers des rapprochements historiques par la peinture d’une sexualité féminine que l’on imagine tout autant sur la défensive que les modèles historiques des résidents des « bunkers », sans oublier cependant de solliciter le sens sportif du « bunker » et sa fonction dans un parcours de golf. Les éléments marquants du décor urbain sont inclus dans le processus d’érotisation du discours qui les transforme en autant de désignations indirectes du sexe de la femme sans pour autant oblitérer leur signification première, aboutissant ainsi à la juxtaposition non seulement de deux lectures divergentes mais aussi de deux processus discursifs qui se développent chacun de façon autonome. C’est par exemple le cas pour les « parkings souterrains[149] » – une variante du « quai de gare[150] » dont la réaccentuation sexuelle intervient sur un mode analogue à celui qu’on a pu détailler plus haut – ou encore les « bouches de métro[151] » qui peuvent aussi être lues comme la traduction exacte de l’allemand Muttermund – soit le col de l’utérus décrit littéralement comme « bouche de la mère » – : le « métro » réendosse ici son sens étymologique renvoyant à la figure de la mère, la même réécriture sous-jacente venant modifier sans toutefois l’abolir totalement la lecture littérale des « nuits métropoles[152] » évoquées dans Les dingues et les paumés.

C’est à la conquête de la femme et plus précisément de ses « zones érogènes[153] » qu’aspirent en premier lieu les « conquistadors » de Caméra terminus comme ceux de La ruelle des morts – dénomination dont le sens grivois qui en fait un terme composé tel qu’aurait pu le concevoir Villon est tout autant à prendre au sérieux que sa dimension héroïque évocatrice des grandes découvertes ; la réinterprétation sexuelle des « con-quistadors[154] » se double dans La ruelle des morts d’une lecture tout aussi suggestives des « confitures » derrière lesquelles se profilent des « con-features », décryptage qui s’impose avec d’autant plus d’évidence que le terme se situe ici dans le voisinage immédiat « des billes & des îles au trésor[155] » dans lesquelles il est aisé de reconnaître la complémentarité des attributs sexuels masculins et féminins. Il faut d’autre part signaler ici que la réaccentuation villonienne des « confessions[156] » ramenées à la somme du « con » et des « fesses » est bien une des offres herméneutiques à prendre en compte dans l’analyse des Confessions d’un never been, même si une telle réduction thématico-sémantique ne saurait en aucun cas épuiser la complexité proprement vertigineuse du discours qui sous-tend ce texte. De même, le vers de Zone chaude môme « j’entends des cons qui causent d’un éternel retour[157] », au-delà du dénigrement apparent de l’Éternel Retour nietzschéen exprimé sans ménagement par la formulation explicite, invite à un approfondissement sémantique dont la première étape consiste là aussi dans la lecture à la fois argotique et étymologique du « con » en tant qu’appellation du sexe de la femme. Une telle identification ouvre alors la voie à la reconnaissance d’un fascinant jeu de miroirs intertextuel dans lequel le souvenir quasi littéral du fabliau médiéval Le chevalier qui fist parler les cons[158] – affirmation en apparence hasardeuse à laquelle la mention des « cons qui causent » apporte cependant une confirmation directe – fait écho à ce qui apparaît désormais comme une approbation pleine et entière de la conception de Nietzsche : dans la proclamation qu’en fait Zarathoustra, l’Éternel Retour dont le symbole est précisément le « nuptial anneau des anneaux, – l’anneau du retour[159] » se vit essentiellement sur le mode de la célébration de l’Éros à laquelle appelle sans équivoque le discours implicite de la séquence thiéfainienne, celui-ci prenant alors la valeur d’un démenti flagrant infligé à la lecture littérale qui semble relever de la simple évidence au début de l’examen du texte. Quant aux « no man’s lands[160] » de 113e cigarette sans dormir ou Bipède à station verticale, ils se situent dans la lignée des formulations de Lucrèce chantant les « avia […] loca, nullius ante trita[161] », tout en leur adjoignant au plan sous-jacent du discours une possibilité de réinterprétation dans le sens d’un « hommage à la vierge[162] » absente du contexte éminemment univoque de l’exposé scientifique présenté dans le De rerum natura. Qu’il s’agisse de la « Terra Prohibida[163] » de Syndrome albatros, de la « nova cognita[164] » de Errer humanum est ou des « îles au trésor[165] » de La ruelle des morts dont on vient d’analyser la fonction symbolique, la recherche la « terre promise[166] » se confond par principe avec celle de la femme et plus spécialement de sa « zone » dont on a déjà pu appréhender la signification anatomico-sexuelle : l’alternative opposant la « terre promise en kit[167] » à la « dysenterie en solo[168] » dans Un vendredi 13 à 5 heures devient ainsi la traduction imagée de l’accomplissement sexuel face aux perturbations affectives – voire à la satisfaction de substitution procurée par la pratique autoérotique –, la facilité de montage et de jonction des éléments du « kit » contrastant de façon marquée avec les « désordres » ou les « dissensions » internes auxquels renvoie le sens étymologique de la « dysenterie ». La variation rencontrée dans le vers de Stratégie de l’inespoir

& l’œil désespéré dans son triangle en kit

semble soudain jaloux de nos fiévreux baisers[169]

entrelace la dimension érotique du motif avec la connotation sacrilège amenée par le rappel des représentations classiques de l’œil divin dans l’imagerie religieuse, prolongeant la dépréciation radicale de tout ce qui relève de « là-haut[170] » dont on a déjà établi qu’elle constitue une constante de l’expression thiéfainienne ; l’infléchissement parallèle vers l’obscène amené par la lecture de « l’œil » au sens que prend dans Les jardins sauvages l’« œillet violet[171] » de provenance verlaino-rimbaldienne – connotation encore renforcée ici par son positionnement dans le « triangle en kit[172] » évocateur du pubis féminin – s’inscrit pour sa part dans le droit-fil de la réflexion développée par Georges Bataille dans L’anus solaire[173], texte dont il importe de mesurer à sa juste valeur le rôle central qui lui échoit dans le cadre de la dynamique de réappropriation qui conduit à l’édification de la « pyramide » volontairement érigée « à côté[174] » à laquelle peut être assimilée la création de Thiéfaine.

La poursuite de l’Éternel-Féminin[175] au sens goethéen du terme prend également les traits d’une quête interplanétaire menée « avec les yeux perdus vers d’autres galaxies[176] » qui se dévoilent sans exception autant d’appellations substitutives de la femme dans la mesure où leur nom même – ainsi d’ailleurs que le récit de la naissance de la « voie lactée » dans la mythologie grecque – fait référence à l’élément de provenance exclusivement féminine qu’est le gala évoqué à propos de Lorelei sebasto cha. La mention des « monstres galactiques[177] » dans 713705 cherche futur fait ainsi coexister la notation explicite génératrice d’épouvante issue de l’univers de la science-fiction et l’appréciation esthétique déchiffrable par le biais du sens étymologique, le monstrum latin apparaissant à la différence de son dérivé français remarquable aussi bien par son extrême beauté que par son extrême laideur : la métamorphose inopinée des « monstres galactiques » en « belles femmes » illustre la plasticité mouvante d’un discours en perpétuelle mutation – Thiéfaine révélant par là sa qualité de lecteur assidu de Lucrèce –, qui donne ainsi naissance au « monstre pathétique[178] » de Je suis partout où le soulignement de l’affectivité – ressentie par la femme ou provoquée par elle chez celui qui la côtoie – prend la place du renvoi métonymique à la poitrine féminine. La polysémie des « galaxies » connaît un traitement élargi dans Bipède à station verticale où le protagoniste se dépeint

câblé sur X moins zéro

à l’heure des infos galactiques[179]

L’habillage technologique qui ne déparerait pas un ouvrage de science-fiction s’efface au plan implicite devant la description du rapport fusionnel – voire de dépendance comme pourrait le vivre un nouveau-né – entretenu par le personnage avec l’univers féminin : l’in-formation galactique apparaît comme la traduction du rapprochement sexuel des deux partenaires dont le discours sous-jacent retient essentiellement la dimension physiologique propre à l’échange de fluides ou à la transmission du patrimoine génétique, lors de laquelle le « X moins zéro » figure en lieu et place du XX féminin auquel le protagoniste oppose implicitement son XY, tout en continuant de désigner la quantité d’inconnu irréductible – évoqué par Nietzsche sous la même forme du « X[180] » – à laquelle se voit confronté l’être humain, sans oublier le Love minus zero de Bob Dylan qui permet de circonscrire le cadre d’ensemble de l’évocation.

Une variante d’apparence totalement prosaïque du motif du lait en tant qu’abréviation cryptique de la féminité est présente dans Éloge de la tristesse

même l’été sous la canicule

t’as froid dans ton thermolactyl[181]

La femme comme dispensatrice de chaleur – ainsi que le proclame avec énergie la répétition de la formule « ta zone est chaude môme[182] » dans la chanson à l’intitulé similaire – et comme figure nourricière à travers le lait qu’elle offre, se prête à juste titre au travestissement sous l’aspect réchauffant et consolateur du « thermolactyl », en même temps que le sensus etymologicus l’identifie en tant que « canicule » à une canicula dont l’animalité canine se double d’un nouveau rappel de l’élévation du niveau thermique – au sens littéral, il s’agit par contre de l’étoile de la constellation du Grand Chien (Canis Major) plus couramment appelée Sirius, dont l’apparition coïncide avec le phénomène estival des fortes chaleurs auxquelles elle donne son nom. Précisons ici que le sens implicite de « la constellation du chien[183] » invoquée à la fin de Crépuscule–Transfert est moins à élucider à partir de cette même référence astrologique – mis à part le fait qu’elle permet la création d’un rapport oxymoral avec le « ténébreux soleil d’hiver[184] » dont il est question dans la première strophe – que par le rapprochement édifiant avec la conception symbolique de la « constellation du Chien[185] » exposée par Romain Gary dans La Tête coupable, la dénonciation de la « barbarie » qui est au cœur de la chanson de Thiéfaine s’accordant idéalement avec l’idée – dépeinte dans le roman – d’une constellation par principe hostile au genre humain et se réjouissant de ses souffrances. C’est précisément cet aspect que développe le nouveau renvoi à l’idée garyenne d’une « constellation du chien[186] » décelable dans le vers « où les dieux s’encanaillent en nous voyant pleurer[187] » de En remontant le fleuve, le soulignement de la régression à l’animalité dans la peinture des instances suprêmes – tel que le révèle au plan sous-jacent du discours l’activation de la composante étymologique – s’ajoutant aux précédents témoignages de la dépréciation des représentants du domaine de « là-haut[188] » opérée dans le corpus des chansons.

Même l’équipement des enfants – pour revenir à La ruelle des morts – se voit doté de la capacité à accueillir l’expérience déterminante de la féminité qui détermine comme on l’a précédemment souligné la totalité de la dynamique du discours implicite :

avec nos bidons en fer blanc

on descendait chercher le lait[189]

Les éléments du paysage naturel dans lequel se déroule les « errances » des figures évoquées dans le corpus des chansons ont eux aussi tous vocation à générer un transfert sémantique implicite en direction du vocabulaire de la sexualité et surtout de la « zone[190] » du corps féminin qui s’y rattache. On le constate pour le « chaparral[191] » de Also sprach Winnie l’ourson ou la « sphaigne[192] » – cette dernière significativement complétée par les « châtaignes[193] » à connotation masculine – qui font fonction d’autant de désignations imagées de la toison pubienne, tandis que Sentiments numériques revisités propose une récapitulation intégrale de la constellation sexuelle avec le vers « quand mes bougainvillées se mêlent aux herbes folles[194] ». Le maquis est également présent dans le corpus thiéfainien à travers la mention des « maquisards[195] » de 113e cigarette sans dormir dont la mission implicite cadre parfaitement avec la sollicitation particulièrement intensive de la sexualité qui se remarque tant au niveau de surface – « les dieux changent le beurre en vaseline[196] » – qu’au plan latent du discours du texte : la séquence

le crapaud qui gueulait : je t’aime

a fini planté sur une croix[197]

allie la brutalité blasphématoire du discours explicite – dans lequel l’assimilation du « crapaud » à une figure christique renvoie à « l’infortuné crapaud[198] » dont le narrateur des Chants de Maldoror rappelle qu’il « descendi[t] d’en haut, par un ordre supérieur[199] » – et la réaccentuation qui s’effectue au plan cryptique par le biais du rappel de la formule « suffixum in summa me memini esse cruce[200] » par laquelle Catulle – parallèlement à l’« excrucior[201] » – qui conclut l’épigramme Odi et amo – résume les tourments de l’Éros.

Alors que l’identification de la marque d’avions relève de la simple évidence, le « dornier[202] » qui transporte le protagoniste de Québec November Hotel est investi dans le cadre du discours latent d’un double potentiel relevant de la sphère du rapprochement physique : si l’assimilation de l’avion au sexe de l’homme peut sembler devoir s’imposer au premier abord du seul fait de sa plausibilité visuelle immédiate et de la symétrie qu’elle installe avec le motif complémentaire et féminin de l’« aérogare[203] » – pour lequel on a déjà noté le détournement régulier dont il fait l’objet au niveau implicite –, le profil discursif de la séquence « je gèle ben raide dans mon dornier[204] » incite dans ce cas précis à une exploration de la réinterprétation féminine du terme, dans la mesure où celui-ci est utilisé comme désignation du lieu d’accueil réservé au protagoniste « ben raide ». La relecture sous l’aspect de l’anatomie féminine passe alors par la possibilité d’assimilation du « dornier » à un paysage similaire à ceux dont on vient d’esquisser l’inventaire, l’éventail des correspondances comprenant en premier lieu le terme « dorne » employé – surtout au pluriel – dans le français du Nord pour désigner la lande, et dont la trace est conservée dans les toponymes régionaux « Les Dornes » ou « Dornier »[205] : en ce qui concerne l’adéquation intrinsèque de la « lande » en tant qu’évocation du pubis féminin, il importe alors de prendre en compte la confirmation apportée par l’incipit de Sentiments numériques revisités « quand les ombres du soir chevauchent sur la lande[206] », formulation qui réapparaît sous une forme lègèrement modifiée au début de la dernière strophe de ce texte entièrement consacré au plan sous-jacent – et ce malgré la très grande diversité apparente des accentuations explicites – à la déclinaison de la dynamique de l’Éros. Il est tout aussi pertinent de songer à l’utilisation du terme « dorne » dans le français archaïque et régional d’Agrippa d’Aubigné où il renvoie au giron de la femme[207] – et plus spécialement de la Vierge Marie qui se trouve précisément être une des figures apostrophées dans la chanson –, ce qui autorise une visualisation appropriée du processus mentionné sur le mode énigmatique par le protagoniste. Une possibilité de lecture tout aussi convaincante est offerte par la proximité évidente avec l’allemand Dorn, pl. Dörner ou (vieilli) Dornen qui désigne aussi bien une épine que – même au singulier – des buissons d’épineux, ce qui permet d’ailleurs de prendre conscience de la parenté linguistique qu’il présente avec la « dorne » française où poussent essentiellement des espèces épineuses. Une telle identification fait ainsi du « dornier » – sans qu’il cesse pour autant de satisfaire aux caractéristiques techniques de l’avion de même marque comme les « 2700 tours[208] » du moteur que l’auteur a de son propre aveu tenu à mentionner avec la plus grande exactitude possible[209] – l’équivalent quasi littéral de la « couronne d’épines qui poussait sur le bas-côté[210] » de 27e heure : suite faunesque. Le détournement érotico-blasphématoire que subit ici la « couronne d’épines » issue du récit évangélique de la Passion puis de l’iconographie chrétienne se distingue par l’attention scrupuleuse apportée aux détails – ici de nature anatomique – qui permet seule de faire exactement coïncider les deux plans superposés du discours : la localisation de l’ensemble du déroulement de la chanson « au milieu de la route[211] » commande naturellement la mention du « bas-côté » en tant qu’élément obligé du décor, tandis que le décalage introduit par la mention de la « couronne » est perçu comme seul facteur véritablement perturbant du discours explicite – la présence d’une végétation « d’épines » en bordure de route étant pour sa part tout à fait justifiée. L’impact de la provocation sacrilège conduit dans un premier temps – et le cas échéant de façon définitive – à l’occultation de la strate implicite qui véhicule pourtant l’essentiel du détournement blasphématoire, soit l’assimilation de la « couronne d’épines » à la toison pubienne et la précision supplémentaire apportée par le « bas-côté » en tant que désignation du « bas corporel[212] », telle qu’elle apparaît déjà dans le texte de 22 mai et son évocation à double entente d’un accident de la route qui peut en même temps se lire comme le récit d’un rapport physique :

le séminariste perd le contrôle de sa motocyclette

et vient percuter de plein fouet

un pylône garé en stationnement illicite sur le bas-côté de l’autoroute[213]

Un indice essentiel réside dans le sens étymologique du « pylône » en tant que déclinaison du motif des portes dont on a pu apprécier la symbolique sexuelle, qui transparaît tout autant à travers l’association significative qu’il connaît dans Les fastes de la solitude – « & cherchent l’asile de nuit au milieu des pylônes[214] » – avec une autre désignation cryptique de la féminité. La connotation érotique est de même nettement marquée en ce qui concerne le sens premier de « percuter » qu’on retrouve aussi dans Annihilation, son déchiffrement allant alors de pair avec l’interprétation exclusivement corporelle du « double astral » et le rétablissement de l’acception latine du « satellite » en tant qu’accompagnateur/trice :

c’est l’heure où les morts pleurent sous leur dalle de granit

lorsque leur double astral percute un satellite[215]

La conclusion tirée dans 27e heure : suite faunesque incline de même vers la peinture suggestive d’un rapport sexuel et de ses éventuels prolongements, le discours implicite instaurant de façon récurrente la retraduction corporelle et biologique de la notion de « métaphysique » à partir du grec metajuomai renvoyant au processus de génération :

& j’me suis laissé faire dans un élan métaphysique

sur une couronne d’épines qui poussait sur le bas-côté[216]

L’enchaînement des rappels étymologiques visant à donner une base solide à la réaccentuation sexuelle des éléments du décor des chansons est destiné dans chacun des cas étudiés à s’intégrer dans le champ d’une dynamique globale dont l’orientation d’ensemble se révèle identique pour la totalité des constituants énonciatifs, l’analyse du discours implicite appréhendé dans sa fonction essentielle d’expression linguistique articulée d’un désir omniprésent débouchant sur la reconstitution exhaustive d’un « récit des amours » au déroulement cohérent dans l’ensemble de ses étapes. À titre d’exemple représentatif, un regard sur le texte de Québec November Hotel permet de cerner – certes de façon très approximative ainsi que l’impose le cadre restreint du présent article – la mobilisation des résonances symboliques véhiculées par la nomenclature technique, géographique ou historique du texte, pointant sans exception vers la célébration de la féminité avant de basculer vers le rappel de la mort, dans une nouvelle illustration du rapport indissociable entre l’expérience de l’Éros et celle de Thanatos. La reconnaissance du code QNH appartenant au vocabulaire de l’aéronautique appartient encore au discours explicite centré sur le récit d’un périple en avion, alors que le refrain « Fox Québec November Hotel[217] » se dévoile par le biais de la lecture étymologique comme une authentique célébration de l’univers féminin : l’adjonction de « Fox » établit d’entrée la tonalité érotique à travers le sens familier du vocable anglais fox renvoyant à une « jolie fille », tandis que la substitution à « Québec » de son nom original de « Stadakone » ouvre la voie à sa réinterprétation en tant que « contrée riche en (sexes de) femmes », l’hôtel en tant que lieu de rencontre tout indiqué se passant ici de commentaires. Le parcours symbolique se poursuit avec la mention de « Halifax[218] » que son étymologie désigne comme un « lieu sacré » prédisposé comme tel – du moins d’après les modalités qui régissent l’élaboration du discours implicite – à entretenir un rapport d’affinité avec l’évocation du corps féminin, tandis qu’une correspondance sous-jacente s’établit entre la mention de « Saint Pierre & Miquelon[219] » et l’annonce de l’« approche finale » : Saint Pierre en tant que gardien des portes du paradis et Saint Michel – dont « Miquelon » constitue la déformation – en tant que successeur chrétien du psychopompe antique – « sed signifer Sanctus Michael repraesentet eis ad lucem sanctam » d’après la liturgie du requiem – sont tous deux étroitement liés avec l’univers de la mort et plus spécialement du destin post mortem, auquel renvoie aussi l’indicateur opposé de « l’angle septentrional[220] » traditionnellement attribué au diable et aux habitants de l’enfer. Faute de pouvoir ici compléter ces indications relevant de la géographie symbolique par un décryptage de la totalité des indications proposées par le texte, on se contentera de retenir dans ces lignes la cohérence du discours sous-jacent qui s’affirme comme l’exposant d’un langage de l’Éros dont il est possible d’identifier et de décrire avec précision les structures, son caractère constant et indépendant de la thématique explicite permettant de voir dans chacune des chansons une variation du « récit des amours » dont l’œuvre de l’auteur étend ad infinitum la déclinaison énigmatique.

Remarquons à cet endroit que la polysémie thiéfainienne, si elle incline régulièrement vers le soulignement d’un impact blasphématoire pleinement assumé dans son intention provocatrice, diffère profondément dans son agencement à double voire triple détente du traitement réservé à l’accentuation sacrilège rencontrée dans Jacques le Fataliste : l’exclamation « Pentecôte, c’est la fête des gourdes[221] » affiche bien évidemment sa dimension blasphématoire qui en constitue la finalité principale, mais sans pour autant impliquer qu’il faille de surcroît doter le terme de « gourde » d’un sens dérivé qui pourrait en faire le vecteur d’une offre herméneutique alternative, celle-ci étant alors impérativement à prendre en compte sous peine d’occulter une composante sémantique essentielle de l’énoncé. L’apport spécifique du discours thiéfainien réside précisément dans l’adjonction systématique de la strate sous-jacente qui vient créer une dynamique de superposition–entrelacement par rapport au discours explicite, sans pour autant le dévaluer au point qu’il puisse être tenu pour quantité négligeable ou simple masque d’un supposé contenu « authentique ».

La comparaison de la « fête des gourdes[222] » avec la polysémie blasphématoire de la « liturgie de la picole[223] » célébrée dans Nyctalopus airline est ici révélatrice en ce qu’elle permet de prendre la mesure de l’ambivalence foncière du discours poétique des chansons : dans la mesure où l’intention sacrilège est régulièrement circonscrite au domaine de la formulation de premier plan, elle relève par là même d’une expression immédiatement perceptible dont le décodage du discours implicite vient par définition relativiser l’importance, puisqu’il invite inévitablement à la valorisation de la strate souterraine dont la reconnaissance s’est révélée plus difficile, ou à tout le moins a pu intervenir dans un second temps – et ce nonobstant le fait que la simultanéité d’identification de la superposition discursive constitue bien la visée ultime de l’herméneutique thiéfainienne. Le sens traditionnel de « liturgie » installe ainsi dans le cas qui nous occupe un cadre référentiel d’apparence univoque qui est celui du déroulement rituel, tandis que le retour au sens grec de leitourgeia permet d’accéder au plan cryptique du discours et d’aboutir ainsi à une démystification radicale du travestissement liturgique, le protagoniste se retrouvant alors en train – d’après la définition qui prévaut dans le contexte athénien de l’époque classique – de s’acquitter de la contribution exigée pour l’exercice d’une charge publique, ce qui revient pour lui dans le contexte présent de l’évocation à offrir une tournée générale. La dynamique de détournement s’étend également au terme de la « picole » qui se voit alors doté d’une fonction discursive particulièrement complexe, malgré l’évidence de surface qu’il semble présenter en premier lieu : s’il crée bien un oxymore stylistique avec le terme noble de « liturgie » auquel il oppose sa familiarité quotidienne, il est également déchiffrable en tant que piccola – soit l’équivalent italien de « la petite » qui est dans le corpus thiéfainien une désignation récurrente de la partenaire féminine, ainsi que l’atteste par exemple l’injonction « reviens petite[224] » qui scande le déroulement de Stalag-tilt. De même, le protagoniste de Villes natales et frenchitude occupé « à compter les minutes qui tombent[225] » se livre de fait à une double activité consistant aussi bien à regarder désespérement sa montre qu’à faire le total des « petites » qu’il a ou a eu l’occasion de « tomber », cette dernière lecture découlant tant de l’usage transitif et familier du verbe que de la permutation implicite qui substitue aux « minutes » leur équivalent adjectival latin minutae. De son côté, la possibilité de réaccentuation féminine de la « picole » constatée dans Nyctalopus airline fait impérativement rebasculer la « liturgie de la picole » vers l’univers de l’Éros qui se scinde alors en deux offres de réalisation antagonistes, mais qui sont en même temps prises dans un conditionnement réciproque du fait de la communauté de leurs modalités de formulation linguistique : le culte de la féminité tel qu’il ressort du sens usuel de « liturgie » se situe dans la continuité de la démarche du lyrisme médiéval et se trouve ainsi en harmonie avec l’ambiance générale du texte, qui reconstitue entre autres possibilités d’accentuation le déroulement d’une célébration inspirée de l’univers de la Table Ronde – notamment à travers les notations atmosphériques de détail qui font écho à l’évocation du Graal dans le prélude de Lohengrin ou plus exactement à la description qu’en donne Baudelaire dans Richard Wagner et Tannhäuser à Paris[226]. Le sens littéral de la leitourgeia oriente au contraire la lecture vers l’univers des amours tarifées dans un rappel indirect du « péage[227] » acquitté dans Lorelei sebasto cha : la tension palpable qui s’instaure entre les différents niveaux d’exégèse est en fait une constante discursive du texte qui combine tout au long de ses deux strophes le positionnement blasphématoire à fort impact explicite et sa révocation simultanée au plan latent de l’évocation. Une première culmination est d’ailleurs atteinte dès le triple entrelacement thématique opéré dans l’invocation initiale

au nom du père au nom du vice

au nom des rades et des mégots[228]

Le « vice », d’abord évocateur d’un détournement scandaleux de la formule consacrée « au nom du père, au nom du fils », apporte par le rétablissement du terme original latin – tel qu’il s’est conservé dans des dénominations comme vice-président ou vice-directeur – un commentaire implicite éclairant au rôle du fils en tant que représentant du père, une caractéristique essentielle du texte résidant alors dans l’absence significative de l’esprit en tant que troisième personne de la Trinité : c’est bien à cette carence spirituelle – confirmée a posteriori par le refrain « dans la nuit des villes sans lumière[229] » – qu’est censée remédier la quête tentée par le protagoniste. Si la localisation d’une telle aspiration régénatrice dans la sphère a priori sordide « des rades et des mégots » apparaît au premier abord problématique – tout en étant totalement adaptée au cadre spatial de l’évocation tel que le définit par exemple au niveau de surface la mention du « bar » ou de la « guiness[230] » –, le renversement sémantique entraîné par la féminisation du terme « rade » – qui peut revêtir alors l’ensemble des connotations évocatrices de la féminité qui sont dévolues au motif identique du « port » – puis par la prise en compte de l’étymologie des « mégots » en tant que probable dérivé de « mec » donne ses contours définitifs à la peinture de la sexualité dont il faut retenir le double visage tout à la fois terre-à-terre et sublime, le discours implicite consacré à l’exploration de l’Éros renouvelant la contradiction fondamentale – « übermensch or underdog ?[231] » – inhérente à « l’ordre des humains[232] ».

C’est par un retour au texte programmatique de Errer humanum est qu’on conclura ce regard sur le parallèle entre Jacques le Fataliste et le discours thiéfainien, établissant la possibilité d’une lecture complémentaire de la chanson sous le signe du rapprochement érotique :

voici les photos de nos routes

prises d’avion par nuit de brouillard

dans ce vieux catalogue des doutes

aux pages moisies par le hasard[233]

Les déclencheurs de la dynamique de réaccentuation sont ici tant de nature métaphorique – « routes » ou « avion » dont on a noté à plusieurs reprises la fonction de renvoi cryptique aux organes ou aux zones corporelles sollicitées en priorité dans l’acte sexuel – que résultant d’une sollicitation du sens étymologique, comme c’est le cas pour les « photos[234] » qui renvoient – ainsi que celles mentionnées dans Tita dong-dong song, les « clichés[235] » de 113e cigarette sans dormir, la « copie[236] » de Whiskeuses images again ou la « copie-sosie[237] » de Precox ejacultator – au processus de reproduction appréhendé à la fois à son sens technique et dans sa dimension génético-biologique. Mais c’est le « catalogue » qui subit la transformation la plus significative à travers la reconnaissance de sa signification première, telle qu’elle peut être déduite du grec katalegein au sens où l’emploie par exemple Homère pour évoquer la Parque « couchant au trépas[238] » les héros dont il relate la fin : le « catalogue » qui accueille la figure sur laquelle s’exerce l’action exprimée par le verbe grec – soit celle d’« étendre » ou d’« allonger » – désigne donc au plan implicite le lit dans lequel s’accomplit le rapport sexuel, de même que le « tempo laid back[239] » des Confessions d’un never been représente l’alliance virtuose, mais a priori déconcertante de la terminologie du jazz et de la version anglaise du même verbe grec katalegein ; le renvoi sous-jacent à l’activité sexuelle véhiculé par celui-ci rejoint en même temps l’évocation homérique de la mort à travers la résonance eschatologique de l’appellation « oméga queen[240] » réservée à la figure de femme – l’allusion directe à la chanteuse afro-américaine Queen Omega n’étant à prendre en compte qu’au plan anecdotique du discours de surface –, qui rejoint les figures de « lady black-out[241] » ou de « l’ultime prédatrice[242] » en tant qu’archétype d’un féminin destructeur, mais dont l’aura mortifère renforce encore le pouvoir d’attraction. La correspondance la plus saisissante, et qui permet à elle seule de rendre compte de la polysémie du « tempo laid back[243] », est celle avec les versets de l’Ecclésiaste « un temps pour aimer et un temps pour mourir[244] », le resserrement énigmatique de la formulation plurilingue embrassant dans une même unité énonciative l’alternative énoncée par le texte biblique – auquel Thiéfaine consacre également sa Critique du chapitre 3 dont le refrain

pour un temps d’amour

tant de haine en retour[245]

aboutit à travers l’homophonie créée entre « tant » et « temps » à un détournement symbolique de la formulation originale « un temps pour l’amour et un temps pour la haine[246] ».

Une variante intéressante du processus de réaccentuation sexuelle est offerte par la « zoo-clinique » de Bipède à station verticale dont il suffit là aussi de rétablir le sens premier grec pour y découvrir la mention d’un « lit » destiné à accueillir des « êtres vivants ». Les indications complémentaires évoquant dans Errer humanum est le « brouillard » ou les « pages moisies » du « catalogue » relèvent de la même orientation du discours implicite en tant que renvoi aux sécrétions physiologiques émises lors de la rencontre des deux partenaires, le brouillard étant d’ailleurs une désignation usuelle du processus sexuel dans la nomenclature cryptique de l’alchimie[247] : des « brouillards du crépuscule[248] » de Exit to chatagoune-goune aux « brouillards des zones secondaires[249] » de Casino / sexe & tendritude en passant par les « poupées Barbie barbouillées de brouillard[250] » de Annihilation – qui constituent à travers le parallèle avec le nom de Klaus Barbie l’incarnation tangible de la politique d’oppression commerciale menée par les « diet-nazis » qui « s’installent au Pentagone[251] » –, le « brouillard vertigineux[252] » de Camélia : huile sur toile, l’urgence de l’appel « je te veux dans mon brouillard[253] » émanant du protagoniste de Misty dog in love, l’ambiguïté des « brouillards d’un happy end[254] » de Petit matin 4.10. heure d’été ou l’enchaînement sans fin « au fil des brouillards & des nuits[255] » sur lequel s’achèvent Les ombres du soir, la récurrence du motif du brouillard dans le corpus thiéfainien apparaît comme le signe même de la dynamique d’érotisation qui l’imprègne au niveau du discours implicite, la place manquant ici pour rendre compte de la variété de déclinaison et de la précision apportée à chaque évocation dans le rapport de correspondance qui l’unit à la strate explicite.

La thématique du voyage et des circonstances accompagnatrices de celui-ci, qui constitue dans Errer humanum est un dénominateur commun essentiel avec le texte de Jacques le Fataliste, bascule vers l’évocation multivoque de l’Éros sur tous les plans du compte rendu fragmentaire que les protagonistes font de leur périple, le « récit des amours » devenant l’unique facteur déterminant de la dynamique du discours sous-jacent. Les « diesels encrassés[256] » dont la mention établit la réalité palpable de l’existence « on the road[257] » participent également de la sexualisation de la strate implicite de la narration du fait du rapport d’analogie évident qu’ils présentent avec la pratique auto-érotique : le fonctionnement du moteur diesel basé sur l’auto-allumage, auquel renvoie de façon latente le vers à double entente de Solexine et ganja « j’fais de l’autocombustion tout seul dans mon half-track[258] », est à l’origine de sa sollicitation fréquente dans les cas où il s’agit de souligner la dimension onaniste, ainsi dans Also sprach Winnie l’ourson où le protagoniste se retrouve « entre une vieille hétéro deux diesels & trois rats[259] », ceux-ci incarnant le comportement hétérosexuel masculin à travers la dimension sexuelle du rat telle qu’elle ressort par exemple dans L’homme aux rats de Sigmund Freud, Mentionnons également la substitution révélatrice évoquée dans Autorisation de délirer par le biais de la formule « avec des générateurs diesel à la place du cœur[260] », et dont les Confessions d’un never been contiennent une version élargie riche de résonances mythologico-littéraires :

je rêve d’être flambé au-dessus du Vésuve

& me défonce au gaz échappé d’un diesel[261]

La réalité dérisoire s’oppose ici à la richesse fulgurante des associations symboliques générées par l’aspiration à l’accomplissement sexuel en tant que révélation d’une dimension supérieure de l’existence et de la réalité : de Pline l’Ancien mort dans l’éruption du Vésuve – et invoqué régulièrement par Céline dans Féerie pour une autre fois, qui lui est d’ailleurs dédié en tant que récit d’un effondrement à valeur exemplaire[262] – à Empédocle qui se précipita dans l’Etna en passant bien évidemment par la connotation sexuelle du « mont de Vésuve[263] », qui remplace chez William Burroughs le « mont de Vénus » de l’anatomie féminine, la multiplicité des références donne une profondeur exceptionnelle aux « galeries inconscientes[264] » du discours souterrain de la séquence tout en maintenant la cohérence de l’articulation avec l’exposé de surface, l’élimination de l’impact visuel propre à l’image du « diesel » au profit exclusif de la composante implicite allant ici totalement à l’encontre des intentions exégétiques.

Avant même l’allusion finale aux « p’tites frangines » dont il a déjà été question dans ces lignes ne précise la nature de l’aspiration qui lance les figures masculines de Errer humanum est à la poursuite d’un « ailleurs » toujours inaccessible, l’image grotesque qui ouvre la dernière strophe

aplatis comme de vieilles pizzas

lâchées d’un soyouz en détresse [265]

place au centre de leurs préoccupations la question du déroulement harmonieux d’une sexualité à caractère problématique : alors que la réputation catastrophique du vaisseau spatial de l’ex-URSS légitime à elle seule la mention du « soyouz en détresse » et la nature peu appétissante des rejets qui en émanent, c’est cependant bien à un processus relevant de la sphère de l’Éros que renvoie le discours implicite pour peu qu’on songe à le lire en russe, choix qui apparaît parfaitement logique en l’occurrence. Le terme « soyouz » désignant une « union » peut d’autant plus s’appliquer ici à un rapport sexuel que l’acception médiévale du français « détresse » au sens de « relâchement » corrobore tout à fait cette hypothèse, tout en créant une correspondance latente avec le participe « lâchées » de l’énoncé explicite. La reconnaissance du rôle joué par les « vieilles pizzas » dans un tel contexte est obtenue quant à elle par le recours au « mat », l’argot russe dans lequel « pizda » désigne le sexe de la femme : la reconstitution intégrale de la constellation sexuelle vouée à l’échec forme ainsi l’arrière-plan de la quête d’une « nova cognita » qui ne réussit cependant pas davantage à satisfaire les personnages, ainsi qu’il ressort de la conclusion lapidaire « on balance vite les p’tites frangines », où le remplacement du terme « sœur » par son équivalent familier présente les figures féminines dans leur fragilité essentielle par l’intermédiaire du probable rapport étymologique avec le latin frangere – correspondance qui se retrouve d’ailleurs chez les « frères humains, frangins damnés[266] » de Médiocratie…

Au terme de ce parcours à travers la polysémie énigmatique de l’écriture des chansons vue sous l’angle de son rapport avec les thématiques développées dans Jacques le Fataliste, on peut tenir pour acquis que l’oscillation de principe entre les différentes strates sémantiques du discours thiéfainien – alliée à la prééminence indiscutable de l’Éros établie au plan du discours implicite – trouve une traduction privilégiée dans la neutralisation réciproque du « hasard » et du « destin » à travers leur présentation délibérément contradictoire, soulignant ainsi le parallèle avec l’alternative « hasard »–« là-haut » qui structure le roman de Diderot. De la constatation programmatique d’Autorisation de délirer « nous voici de nouveau branchés sur le hasard[267] », qui semble retirer à celui-ci son caractère aléatoire pour l’intégrer dans le système organisé d’un circuit électrique, jusqu’à la récapitulation désabusée de Toboggan évocatrice d’une existence « dans l’ordre d’un destin troublant[268] », nuançant par la réminiscence goethéenne du « trouble[269] » l’immuabilité apparente du destin, la tension oxymorale perceptible à tous les niveaux du discours poétique permet une articulation adéquate des accentuations divergentes, rejoignant jusque dans sa dimension sacrilège – à travers une réappropriation aussi authentique que personnelle de la démarche inaugurée par Diderot – l’utopie d’une intégration de la sexualité dans un ordre universel lui-même fondé sur le dépassement des antinomies originelles.

Notes

[1] Julia Kristeva, Une poétique ruinée, Préface à : Mikhaïl Bakhtine, La poétique de Dostoïevski, Paris, Editions du Seuil, 1970, coll. « Points. Essais », p. 27 (note 18) ; cf. Françoise Salvan-Renucci, « “ la peste a rendez-vous avec le carnaval ” : l’accentuation carnavalesque comme véhicule de la dynamique d’inversion et de dérision dans l’œuvre de Hubert-Félix Thiéfaine », in Béatrice Bonhomme, Ghislaine Del Rey, Christine Di Benedetto, Filomena Iooss, Jean-Pierre Triffaux et al. : Babel aimée ou la choralité d’une performance à une autre : du théâtre au carnaval, Paris, L’Harmattan, 2015, coll. « Thyrse », n° 7, p. 119-149

[2] Denis Diderot, Jacques le Fataliste et son maître, Paris, Flammarion, 1997, p. 41

[3] Ibid., p. 42

[4] H.F. Thiéfaine, Narcisse 81, in Dernières balises (avant mutation), Paris, Sterne/Sony, 1981

[5] H.F. Thiéfaine, Vendôme gardenal snack, in De l’amour, de l’art ou du cochon ?, Paris, Sterne/Sony, 1980

[6] H.F. Thiéfaine, Cabaret sainte Lilith, in Dernières balises (avant mutation)

[7] H.F. Thiéfaine, Portrait de femme en 1922, in Chroniques bluesymentales, Paris, Sony, 1990

[8] H.F. Thiéfaine, Portrait de femme en 1922, in Choniques bluesymentales

[9] H.F. Thiéfaine, Portrait de femme en 1922, in Choniques bluesymentales

[10] H.F. Thiéfaine, Errer humanum est, in Meteo für nada, Paris, Sterne/Sony, 1986

[11] H.F. Thiéfaine, Fièvre résurrectionnelle, in Suppléments de mensonge, Paris, Sony (Columbia), 2011

[12] H.F. Thiéfaine, Scandale mélancolique, in Scandale mélancolique, Paris, Sony, 2005

[13] H.F. Thiéfaine, Scandale mélancolique, in Scandale mélancolique

[14] H.F. Thiéfaine, Orphée nonante huit, in La tentation du bonheur, Paris, Sony, 1996

[15] H.F. Thiéfaine, Orphée nonante huit, in La tentation du bonheur

[16] H.F. Thiéfaine, Orphée nonante huit, in La tentation du bonheur

[17] H.F. Thiéfaine, Autoroutes jeudi d’automne, in Soleil cherche futur, Paris, Sterne/Sony, 1982

[18] H.F. Thiéfaine, Errer humanum est, in Meteo für nada

[19] Denis Diderot, Jacques le Fataliste, p. 12

[20] H.F. Thiéfaine, Vendôme gardenal snack, in De l’amour, de l’art ou du cochon ?

[21] H.F. Thiéfaine, Misty dog in love, in Chroniques bluesymentales

[22] H.F. Thiéfaine, Stratégie de l’inespoir, in Stratégie de l’inespoir, Paris, Sony (Columbia), 2014

[23] H.F. Thiéfaine, Camélia : huile sur toile (À Charles Belle), in Défloration 13, Paris, Sony, 2001

[24] H.F. Thiéfaine, Fenêtre sur désert, in Stratégie de l’inespoir

[25] H.F. Thiéfaine, Fenêtre sur désert, in Stratégie de l’inespoir

[26] H.F. Thiéfaine, Confessions d’un never been, in Scandale mélancolique

[27] H.F. Thiéfaine, Fin de partie, in Fragments d’hébétude, Paris, Sony, 1993

[28] H.F. Thiéfaine, Errer humanum est, in Meteo für alles

[29] H.F. Thiéfaine, Errer humanum est, in Meteo für alles

[30] H.F. Thiéfaine, Errer humanum est, in Meteo für alles

[31] H.F. Thiéfaine, Errer humanum est, in Meteo für alles

[32] Guy Debord, La dérive, in Œuvres, Édition établie et annotée par Jean-Louis Rançon en collaboration avec Alice Debord, préface et introduction de Vincent Kaufmann, Paris, Gallimard, 2006, coll. « Quarto », p. 116

[33] Ibid., p. 456

[34] http://www.dailymotion.com/playlist/x41tnc_France3-Champagne-Ardenne_cabaret-vert-2015/1#video=x330tb4

[35] cité dans Jean Théfaine, HF Thiéfaine – Jours d’orage, Paris, Fayard, seconde édition revue et augmentée, 2011, p. 382

[36] Henry Miller, Le temps des assassins – Essai sur Rimbaud, traduit par F.-J. Temple, Paris, Pierre-Jean Oswald, 1970, p. 41

[37] H.F. Thiéfaine, Modèle dégriffé, in Suppléments de mensonge

[38] H.F. Thiéfaine, Animal en quarantaine, in Fragments d’hébétude

[39] Denis Diderot, Jacques le Fataliste, p. 41.

[40] Ibid.

[41] H.F. Thiéfaine, En remontant le fleuve, in Stratégie de l’inespoir

[42] H.F. Thiéfaine, Les fastes de la solitude, in Défloration 13

[43] H.F. Thiéfaine, Errer humanum est, in Meteo für nada

[44] H.F. Thiéfaine, La nuit de la samain, in Scandale mélancolique

[45] Julia Kristeva, « Une poétique ruinée », p. 27 [note 18]

[46] H.F. Thiéfaine, Amants destroy, in Eros über alles, Paris, Sterne/Sony, 1988

[47] H.F. Thiéfaine, Amants destroy, in Eros über alles

[48] H.F. Thiéfaine, Le temps des tachyons, in Grand Corps Malade, Il nous restera ça, Paris, Believe Recordings, 2015

[49] H.F. Thiéfaine, Le temps des tachyons, in Il nous restera ça

[50] H.F. Thiéfaine, Le temps des tachyons, in Il nous restera ça

[51] Denis Diderot, Jacques le Fataliste, p. 41.

[52] H.F. Thiéfaine, Bipède à station verticale, in Meteo für nada

[53] H.F. Thiéfaine, Bipède à station verticale, in Meteo für nada

[54] H.F. Thiéfaine, Mathématiques souterraines, in Dernières balises (avant mutation)

[55] H.F. Thiéfaine, Annihilation, in Séquelles (édition collector), Paris, Sony, 2009

[56] H.F. Thiéfaine, Une fille au rhésus négatif, in Dernières balises (avant mutation)

[57] H.F. Thiéfaine, Une fille au rhésus négatif, in Dernières balises (avant mutation)

[58] Homère, Odyssée, traduction de Victor Bérard, Paris, Les Belles Lettres, 1953, chant XI, v. 123.

[59] H.F. Thiéfaine, Parano-safari en ego-trip-transit, in Défloration 13

[60] H.F. Thiéfaine, Terrien, t’es rien, in Fragments d’hébétude

[61] Friedrich Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, in Œuvres II, Édition dirigée par Jean Lacoste et Jacques Le Rider, Paris, Robert Laffont, 1993, coll. « Bouquines », p. 641-648, passim.

[62] H.F. Thiéfaine, 542 lunes et 7 jours environ, in Chroniques bluesymentales

[63] H.F. Thiéfaine, Amants destroy, in Eros über alles

[64] H.F. Thiéfaine, Amants destroy, in Eros über alles

[65] H.F. Thiéfaine, Ad orgasmum aeternum, in Soleil cherche futur

[66] Johann Wolfgang Goethe, Paroles primivites. Poésie orphique, in Œuvres complètes, traduction nouvelle par Jacques Porchat, Paris, Didier, 860, tome I, Poésies diverses et Penseées, p. 112-114.

[67] H.F. Thiéfaine, Bruits de bulles, in Fragments d’hébétude

[68] Johann Wolfgang Goethe, Explications sur l’essai aphoristique « La Nature », in Œuvres complètes, tome X, p. 234.

[69] H.F. Thiéfaine, Fièvre résurrectionnelle, in Suppléments de mensonge

[70] H.F. Thiéfaine, Lubies sentimentales, in Stratégie de l’inespoir

[71] Denis Diderot, Jacques le Fataliste, p. 41.

[72] Ibid.

[73] H.F. Thiéfaine, Les filles du sud, in Suppléments de mensonge

[74] http://www.iranicaonline.org/articles/farabi-iii

[75] H.F. Thiéfaine, Les filles du sud, in Suppléments de mensonge

[76] Denis Diderot, Jacques le Fataliste, p. 41.

[77] H.F. Thiéfaine, Les filles du sud, in Suppléments de mensonge

[78] H.F. Thiéfaine, Errer humanum est, in Meteo für nada

[79] H.F. Thiéfaine, Errer humanum est, in Meteo für nada

[80] H.F. Thiéfaine, Terrien, t’es rien, in Fragments d’hébétude

[81] H.F. Thiéfaine, Orphée nonante huit, in La tentation du bonheur

[82] H.F. Thiéfaine, Orphée nonante huit, in La tentation du bonheur

[83] H.F. Thiéfaine, Orphée nonante huit, in La tentation du bonheur

[84] Louis-Ferdinand Céline, Mort à crédit, Paris, Gallimard, 1952, p. 345.

[85] H.F. Thiéfaine, Orphée nonante huit, in La tentation du bonheur

[86] H.F. Thiéfaine, [zone]Cabaret sainte Lilith, in Dernières balises (avant mutation) ; Zone chaude môme, in Meteo für nada ; La ballade d’Abdallah Geronimo Cohen, Méthode de dissection du pigeon à Zone-la-Ville, in Le bonheur de la tentation ; [zoner] Mathématiques souterraines, in Dernières balises (avant mutation) ; Villes natales et frenchitude, in Chroniques bluesymentales ; [zonard] Rock autopsie, in Autorisation de délirer ; Avenue de l’amour, in Amicalement blues, Paris, Sony/RCA, 2007

[87] Mikhaïl Bakhtine, L’Œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Reniassance, Paris, Gallimard, 1970, « Tel », p. 33.

[88] H.F. Thiéfaine, Annihilation, in Séquelles (édition collector)

[89] H.F. Thiéfaine, Orphée nonante huit, in La tentation du bonheur

[90] H.F. Thiéfaine, Lorelei sebasto cha, in Soleil cherche futur

[91] H.F. Thiéfaine, Lorelei sebasto cha, in Soleil cherche futur

[92] H.F. Thiéfaine, Autoroutes jeudi d’automne, in Soleil cherche futur

[93] Romain Gary, La danse de Gengis Cohn, Paris, Gallimard, 1967, p. 61, 189, 212.

[94] H.F. Thiéfaine, Was ist das rock’n’roll ?, in Eros über alles

[95] H.F. Thiéfaine, Whiskeuses images again, in Alambic / sortie sud, Paris, Sterne/Sony, 1984

[96] Romain Gary, Les Mangeurs d’étoiles, Paris, Gallimard, 1966, p. 283.

[97] H.F. Thiéfaine, Retour vers la lune noire, in Le bonheur de la tentation, Paris, Sony, 1998

[98] H.F. Thiéfaine, La ballade d’Abdallah Geronimo Cohen, in Le bonheur de la tentation

[99] H.F. Thiéfaine, Bipède à station verticale, in Meteo für nada

[100] Jean-Jacques Rousseau, Émile, ou De l’éducation, in Œuvres complètes, Préface de Jean Fabre, présentation et notes de Michel Launay, Paris, Éditions du Seuil, 1967, III, p. 120.

[101] Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, Spleen et Idéal XXV, in Œuvres complètes, Préface de Claude Roy. Notice et notes de Michel Jamet, Paris, Robert Laffont, 1980, coll. « Bouquins », p. 20.

[102] H.F. Thiéfaine, Annihilation, in Séquelles (édition collector)

[103] H.F. Thiéfaine, Caméra terminus, in Chroniques bluesymentales

[104] H.F. Thiéfaine, Lobotomie sporting club, in Suppléments de mensonge

[105] H. F. Thiéfaine, Chambre 2023 (et des poussières)

[106] H.F. Thiéfaine, La nuit de la samain, in Scandale mélancolique

[107] H.F. Thiéfaine, La queue, in Autorisation de délirer, Paris, Sterne/Sony, 1979

[108] H.F. Thiéfaine, Karaganda (Camp 99), in Stratégie de l’inespoir

[109] Marcus Tullius Cicero, In Pisonem, 19.

[110] H.F. Thiéfaine, Loin des temples en marbre de lune, in Scandale mélancolique

[111] H.F. Thiéfaine, Karaganda (Camp 99), in Stratégie de l’inespoir

[112] H.F. Thiéfaine, Un vendredi 13 à 5 heures, in Alambic / sortie sud

[113] H.F. Thiéfaine, When maurice meets alice, in Scandale mélancolique

[114] H.F. Thiéfaine, Parano-safari en ego-trip-transit

[115] H.F. Thiéfaine, Alligators 427, in Autorisation de délirer

[116] H.F. Thiéfaine, Les fastes de la solitude, in Défloration 13

[117] H.F. Thiéfaine, Petit matin 4.10. heure d’été, in Suppléments de mensonge

[118] H.F. Thiéfaine, Autoroutes jeudi d’automne, in Soleil cherche futur

[119] H.F. Thiéfaine, Autoroutes jeudi d’automne, in Soleil cherche futur

[120] H.F. Thiéfaine, Autoroutes jeudi d’automne, in Soleil cherche futur

[121] H.F. Thiéfaine, Autoroutes jeudi d’automne, in Soleil cherche futur

[122] H.F. Thiéfaine, Autoroutes jeudi d’automne, in Soleil cherche futur

[123] H.F. Thiéfaine, Fenêtre sur désert, in Stratégie de l’inespoir

[124] H.F. Thiéfaine, Autoroutes jeudi d’automne, in Soleil cherche futu

[125] H.F. Thiéfaine, Fenêtre sur désert, in Stratégie de l’inespoir

[126] Arthur Rimbaud, Bruxelles, in Œuvres complètes, Édition établie par André Guyaux, avec la collaboration d’Aurélia Cervoni, Paris, Gallimard, 2009, p. 222.

[127] H.F. Thiéfaine, Fenêtre sur désert, in Stratégie de l’inespoir

[128] Stéphane Mallarmé, Les Fenêtres, in Œuvres complètes, texte établi et annoté par Henri Mondor et G. Jean-Aubry, Paris, Gallimard, 1945, p. 32-33.

[129] Boris Akounine, Le Five o’clock à Bristol, in Avant la fin du monde et autres nouvelles, Paris [2007], Presses de la Cité, 2010, coll. « Points. Policiers » n° 3228, p. 105-154.

[130] H.F. Thiéfaine, Fenêtre sur désert, in Stratégie de l’inespoir

[131] H.F. Thiéfaine, Orphée nonante huit, in La tentation du bonheur

[132] H.F. Thiéfaine, La ruelle des morts, in Suppléments de mensonge

[133] H.F. Thiéfaine, La ruelle des morts, in Suppléments de mensonge

[134] H.F. Thiéfaine, La ruelle des morts, in Suppléments de mensonge

[135] H.F. Thiéfaine, Camélia : huile sur toile (À Charles Belle), in Défloration 13

[136] H.F. Thiéfaine, Camélia : huile sur toile (À Charles Belle), in Défloration 13

[137] H.F. Thiéfaine, Les dingues et les paumés, in Routes 88, Paris, Sterne/Sony, 1988 (l’expression figure dans un quatrain déclamé avant l’interprétation de la chanson.)

[138] Friedrich Nietzsche, L’Antéchrist, in Œuvres II, p. 1083-1084

[139] H.F. Thiéfaine, Zone chaude môme, in Meteo für nada

[140] H.F. Thiéfaine, Zone chaude môme, in Meteo für nada

[141] H.F. Thiéfaine, Vendôme gardenal snack, in De l’amour, de l’art ou du cochon ?

[142] H.F. Thiéfaine, Des adieux…, in La tentation du bonheur

[143] H.F. Thiéfaine, Psychopompes, métempsychose & sportswear, in La tentation du bonheur

[144] H.F. Thiéfaine, Psychopompes, métempsychose & sportswear, in La tentation du bonheur

[145] H.F. Thiéfaine, Nyctalopus airline, in Alambic / sortie sud

[146] H.F. Thiéfaine, Nyctalopus airline, in Alambic / sortie sud

[147] H.F. Thiéfaine, Redescente climatisée, in Dernières balises (avant mutation)

[148] H.F. Thiéfaine, Les dingues et les paumés, in Soleil cherche futur

[149] H.F. Thiéfaine, Est-ce ta première fn de millénaire ?, in Fragments d’hébétude

[150] H.F. Thiéfaine, Des adieux…, in La tentation du bonheur

[151] H.F. Thiéfaine, Est-ce ta première fn de millénaire ?, in Fragments d’hébétude

[152] H.F. Thiéfaine, Les dingues et les paumés, in Soleil cherche futur

[153] H.F. Thiéfaine, La ballade d’Abdallah Geronimo Cohen, in Le bonheur de la tentation

[154] H.F. Thiéfaine, La ruelle des morts, in Suppléments de mensonge

[155] H.F. Thiéfaine, La ruelle des morts, in Suppléments de mensonge

[156] François Villon, Poésies complètes. Présentation, édition et annotations de Claude Thiry, Paris, Librairie Générale Française, 1991, coll. « Lettres gothiques », p. 234

[157] H.F. Thiéfaine, Zone chaude môme, in Meteo für nada

[158] Le chevalier qui fist parler les cons, in Fabliaux érotiques. Textes de jongleurs des XIIe et XIIIe siècles. Édition critique, traduction, introduction et notes par Luciano Rossei avec la collaboration de Richard Straub. Postface de Howard Bloch. Paris, Librairie Générale Française, 1992, coll. « Lettres gothiques », p. 199-240.

[159] Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, in Œuvres II, p. 467.

[160] H.F. Thiéfaine, 113e cigarette sans dormir, in Dernières balises (avant mutation)

[161] Lucrèce, De rerum natura I, 921.

Le rapport de H.F. Thiéfaine à Lucrèce est évoqué notamment dans l’interview donné à French Radio London le 18/06/2013, https://soundcloud.com/frenchradiolondon/interview-hubert-f-lix-thi

[162] Pierre Klossowski, Sade mon prochain, précédé de Le philosophe scélérat, Paris, Éditions du Seuil, 1947/1967, coll. « Points. Essais », p. 145-158.

[163] H.F. Thiéfaine, Syndrome albatros, in Eros über alles

[164] H.F. Thiéfaine, Errer humanum est, in Meteo für nada

[165] H.F. Thiéfaine, La ruelle des morts, in Suppléments de mensonge

[166] H.F. Thiéfaine, La ruelle des morts, in Suppléments de mensonge

[167] H.F. Thiéfaine, Un vendredi 13 à 5 heures, in Alambic / sortie sud

[168] H.F. Thiéfaine, Un vendredi 13 à 5 heures, in Alambic / sortie sud

[169] H.F. Thiéfaine, Stratégie de l’inespoir, in Stratégie de l’inespoir

[170] Denis Diderot, Jacques le Fataliste, p. 41.

[171] H.F. Thiéfaine, Les jardins sauvages, in Scandale mélancolique ; cf. Arthur Rimbaud, Album zutique, in Œuvres complètes, p. 223.

[172] H.F. Thiéfaine, Stratégie de l’inespoir, in Stratégie de l’inespoir

[173] Georges Bataille, L’anus solaire, in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1970, tome I, p. 79-86.

[174] interview dans Guitares et claviers, n° 85, mai 1988

[175] Johann Wolfgang Goethe, Le Second Faust, in Œuvres complètes, vol. IV, p. 475

[176] H.F. Thiéfaine, Femme de Loth, in Alambic / Sortie sud

[177] H.F. Thiéfaine, 713705 cherche futur, in Soleil cherche futur

[178] H.F. Thiéfaine, Je suis partout, in Eros über alles

[179] H.F. Thiéfaine, Bipède à station verticale, in Meteo für nada

[180] Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir, in Œuvres I, p. 30-31

[181] H.F. Thiéfaine, Éloge de la tristesse, in Défloration 13

[182] H.F. Thiéfaine, Zone chaude môme, in Meteo für nada

[183] H.F. Thiéfaine, Crépuscule–transfert, in Fragments d’hébétude

[184] H.F. Thiéfaine, Crépuscule–transfert, in Fragments d’hé

[185] Romain Gary, La Tête coupable, Paris, Gallimard, 1968, coll. « Folio », p. 117, 149, 150, 165, 248, 252, 309, 312.

[186] Ibid.

[187] H.F. Thiéfaine, En remontant le fleuve, in Stratégie de l’inespoir

[188] Denis Diderot, Jacques le Fataliste, p. 41

[189] H.F. Thiéfaine, La ruelle des morts, in Suppléments de mensonge

[190] H.F. Thiéfaine, Zone chaude môme, in Meteo für nada

[191] H.F. Thiéfaine, Also sprach Winnie l’ourson, in Défloration 13

[192] H.F. Thiéfaine, Les ombres du soir, in Suppléments de mensonge

[193] H.F. Thiéfaine, Les ombres du soir, in Suppléments de mensonge

[194] H.F. Thiéfaine, Sentiments numériques revisités, in La tentation du bonheur

[195] H.F. Thiéfaine, 113e cigarette sans dormir, in Dernières balises (avant mutation)

[196] H.F. Thiéfaine, 113e cigarette sans dormir, in Dernières balises (avant mutation)

[197] H.F. Thiéfaine, 113e cigarette sans dormir, in Dernières balises (avant mutation)

[198] Lautréamont, Œuvres complètes. Les Chants de Maldoror. Lettres. Poésies I et II. Paris, Gallimard, 1973, p. 54

[199] Ibid.

[200] Catulle, 99, 4

[201] Catulle, 85, 1-2

[202] H.F. Thiéfaine, Nyctalopus airline, in Alambic / sortie sud

[203] H.F. Thiéfaine, Québec November Hotel, in Suppléments de mensonge

[204] H.F. Thiéfaine, Québec November Hotel, in Suppléments de mensonge

[205] Les Toponymes du pays de Lumbres, http://medievales.lumbres.net/Toponymes%20canton%20lumbres.pdf

[206] H.F. Thiéfaine, Sentiments numériques revisités, in La tentation du bonheur

[207] Agrippa d’Aubigné, Les Tragiques, in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1954, tome IV, p. 45.

[208] H.F. Thiéfaine, Québec November Hotel, in Suppléments de mensonge

[209] https://leilamarchand.wordpress.com/2011/03/07/thiefaine-tu-as-la-splendeur-dun-enterrement-de-premiere-classe/

[210] H.F. Thiéfaine, 27e heure : suite faunesque, in Le bonheur de la tentation

[211] H.F. Thiéfaine, 27e heure : suite faunesque, in Le bonheur de la tentation

[212] Mikhaïl Bakhtine, L’Œuvre de François Rabelais et la littérature de la Renaissance, p. 34.

[213] H.F. Thiéfaine, 22 mai, in Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir, Paris, Sterne/Sony, 1978

[214] H.F. Thiéfaine, Les fastes de la solitude, in Défloration 13

[215] H.F. Thiéfaine, Annihilation, in Séquelles (édition collector)

[216] H.F. Thiéfaine, 27e heure : suite faunesque, in Le bonheur de la tentation

[217] H.F. Thiéfaine, Québec November Hotel, in Suppléments de mensonge

[218] H.F. Thiéfaine, Québec November Hotel, in Suppléments de mensonge

[219] H.F. Thiéfaine, Québec November Hotel, in Suppléments de mensonge

[220] H.F. Thiéfaine, Québec November Hotel, in Suppléments de mensonge

[221] Denis Diderot, Jacques le Fataliste, p. 41.

[222] Ibid.

[223] H.F. Thiéfaine, Nyctalopus airline, in Alambic / sortie sud

[224] H.F. Thiéfaine, Stalag–tilt, in Alambic / sortie sud

[225] H.F. Thiéfaine, Villes natales et frenchitude, in Chroniques bluesymentales

[226] Charles Baudelaire, Richard Wagner et Tannhäuser à Paris, in Œuvres complètes, p. 849-872.

[227] H.F. Thiéfaine, Lorelei sebasto cha, in Soleil cherche futur

[228] H.F. Thiéfaine, Nyctalopus airline, in Alambic / sortie sud

[229] H.F. Thiéfaine, Nyctalopus airline, in Alambic / sortie sud

[230] H.F. Thiéfaine, Nyctalopus airline, in Alambic / sortie sud

[231] H.F. Thiéfaine, Whiskeuses images again, in Alambic / sortie sud

[232] H.F. Thiéfaine, Sentiments numériques revisités, in La tentation du bonheur

[233] H.F. Thiéfaine, Errer humanum est, in Meteo für nada

[234] H.F. Thiéfaine, Errer humanum est, in Meteo für nada ; Tita dong-dong song, in La tentation du bonheur

[235] H.F. Thiéfaine, 113e cigarette sans dormir, in Dernières balises (avant mutation)

[236] H.F. Thiéfaine, Whiskeuses images again, in Alambic / sortie sud

[237] H.F. Thiéfaine, Precox ejaculator, in Meteo für nada

[238] Homère, Odyssée, Chant IX, v. 34-34

[239] H.F. Thiéfaine, Confessions d’un never been, in Scandale mélancolique

[240] H.F. Thiéfaine, Confessions d’un never been, in Scandale mélancolique

[241] H.F. Thiéfaine, Une ambulance pour Elmo Lewis, in Défloration 13

[242] H.F. Thiéfaine, Libido moriendi, in Scandale mélancolique

[243] H.F. Thiéfaine, Confessions d’un never been, in Scandale mélancolique

[244] Ecclésiaste, 3, 12-23

[245] H.F. Thiéfaine, Critique du chapitre 3, in La tentation du bonheur

[246] Ecclésiaste, 3, 1-8

[247] Dom Antoine-Joseph Pernéty, Dictionnaire mytho-hermétique, Paris, Bauche, 1758, p. 26-27.

[248] H.F. Thiéfaine, Exit to chatagoune–goune, in Soleil cherche futur

[249] H.F. Thiéfaine, Casino / sexe & tendritude, in Suppléments de mensonge

[250] H.F. Thiéfaine, Annihilation, in Séquelles (édition collector)

[251] H.F. Thiéfaine, Annihilation, in Séquelles (édition collector)

[252] H.F. Thiéfaine, Camélia : huile sur toile (À Charles Belle), in Défloration 13

[253] H.F. Thiéfaine, Misty dog in love, in Chroniques bluesymentales

[254] H.F. Thiéfaine, Petit matin 4.10. heure d’été, in Suppléments de mensonge

[255] H.F. Thiéfaine, Les ombres du soir, in Suppléments de mensonge

[256] H.F. Thiéfaine, Errer humanum est, in Meteo für nada

[257] H.F. Thiéfaine, Errer humanum est, in Meteo für nada

[258] H.F. Thiéfaine, Solexine et ganja, in Soleil cherche futur

[259] H.F. Thiéfaine, Also sprach Winnie l’ourson, in Défloration 13

[260] H.F. Thiéfaine, Autorisation de délirer, in Autorisation de délirer

[261] H.F. Thiéfaine, Confessions d’un never been, in Scandale mélancolique

[262] Louis-Ferdinand Céline, Féerie pour une autre fois, Paris, Gallimard, 1995, coll. « Folio », p. 243

[263] William Burroughs, Le Festin nu, traduit de l’américain par Éric Kahane, préface de Gérard-Georges Lemaire, Paris, Gallimard, 1964, coll. « Folio », p. 133.

[264] H.F. Thiéfaine, Misty dog in love, in Chroniques bluesymentales

[265] H.F. Thiéfaine, Errer humanum est, in Meteo für nada

[266] H.F. Thiéfaine, Médiocratie…

[267] H.F. Thiéfaine, Autorisation de délirer, in Autorisation de délirer

[268] H.F. Thiéfaine, Toboggan, in Stratégie de l’inespoir

[269] Johann Wolfgang Goethe, Traité des couleurs, textes choisis et présentés par Paul-Henri Bideau, traduction de Henriette Bideau, Laboissière en Thelles, Éditions Triades, 1980, passim.


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